Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Votre texte, Monsieur Macron, c’est la dérégulation à tout va !

Loi Macron : explication de vote -

Par / 12 mai 2015

Avant de donner l’appréciation globale du groupe communiste républicain et citoyen sur le fond de ce projet de loi, je voudrais m’arrêter quelques instants sur la forme de ce débat parlementaire.

En trois semaines, nous avons dû examiner en séance publique un véritable monstre juridique. Ces sables mouvants législatifs ont gêné l’appréhension de ce texte par les parlementaires, mais aussi par les citoyens. Comme nous l’avons indiqué lors de notre motion d’irrecevabilité, la loi doit être intelligible, compréhensible pour tous.

Votre texte l’est-il, monsieur le ministre ? Hors de ces murs, a-t-il permis un véritable débat dans le pays sur le choix de société que vous portez, à savoir le libéralisme ?

Cette question de forme n’est pas un détail. A l’heure où le Sénat annonce vouloir se réformer, on s’interroge : une démocratie parlementaire peut-elle fonctionner en étant soumise à une telle inflation législative ? Ce texte regroupait l’équivalent d’au moins quinze projets de loi.

Au regard de la masse de ses dispositions, il est, par ailleurs, inadmissible d’imposer la procédure accélérée. Alors que 600 amendements, au moins, ont été adoptés au Sénat, est-il acceptable que l’Assemblée nationale ne se ressaisisse pas de ce texte ? Rappelons qu’elle ne l’a pas adopté en tant que tel, puisque faute de majorité de gauche pour vous soutenir, monsieur le ministre, M. le Premier ministre a dû dégainer brutalement le « 49.3 » !

Un accord en commission mixte paritaire paraît invraisemblable tant les amendements de la droite sénatoriale poussent les feux du libéralisme à leur paroxysme. (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)

M. Henri de Raincourt. Vous n’avez encore rien vu !

Mme Éliane Assassi. Un tel accord serait une violence inadmissible faite à la majorité de l’Assemblée nationale et à ces dizaines de sénateurs de gauche, socialistes en particulier, qui avaient déjà refusé la dérive libérale du texte initial.

Monsieur le ministre, c’est une question grave. Je sais votre intention d’aller vite dans ce débat. Vous êtes en effet inquiet des effets dévastateurs que pourrait avoir dans l’opinion, et dans l’électorat de gauche, la divulgation des multiples capitulations devant le marché que recèle ce texte.

Votre texte, monsieur le ministre, comme nous l’avons dit et répété tout au long de ce débat, a une cohérence. Il a la cohérence d’un libéralisme assumé, d’un libéralisme qui envahit tous les aspects de la vie publique et privée ; d’un libéralisme que vous assumez pleinement. Pourtant, le 6 mai 2012, les électeurs ont voulu mettre un terme, et pour une bonne part d’entre eux radicalement, sans compromis, à la dérive libérale des années de présidence de M. Nicolas Sarkozy.

Votre texte, monsieur le ministre, consiste en une dérégulation à tout va. Vous ouvrez massivement les lignes de transport routier de voyageurs, au détriment de la sécurité et de l’écologie, quitte à affaiblir l’un des atouts majeurs de notre pays : le transport ferroviaire.

La concurrence est votre maître mot : « mettre en concurrence », « faire jouer la concurrence », « la compétition »… Pourquoi pas « le combat » ? Les idéaux de fraternité, d’égalité et de liberté – celle de bien vivre et de s’épanouir, pas celle de vendre, d’acheter et d’exploiter – sont noyés dans votre océan normatif.

Dérégulation et concurrence sont aussi les points clefs des dispositifs de privatisation adoptés par le biais de ce projet.

Monsieur le ministre, vous nous refaites le coup des autoroutes avec les aéroports ! La collectivité a investi pour de grandes infrastructures très rentables ; vous les cédez au privé, aux actionnaires.

Comment s’étonner que, dès à présent, l’ombre du Qatar plane sur les aéroports concernés, à Lyon et à Nice ? (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)

L’industrie de défense elle-même est soumise à la pression du privé : vous instituez un partenariat surprenant avec un géant historique de l’armement allemand, au risque de perdre le lien nécessaire entre armement et diplomatie nationale.

Même le secteur du logement n’a pas trouvé grâce à vos yeux, puisque vous privilégiez le logement intermédiaire en remettant en cause l’effort réel pour le logement social engagé par Mme Duflot. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)

Discrètement, vous multipliez les dispositions en faveur de l’actionnariat. Actionnariat salarié, dites-vous ; mais, comme nous l’avons démontré, le dispositif des actions gratuites de l’article 34 fait des cadres dirigeants les principaux bénéficiaires de ces nouveaux cadeaux.

Jamais, dans votre texte, il n’est question de faire participer à l’effort de croissance les banques et les détenteurs de capitaux !

Enfin, le volet social de votre texte est empreint de régressions majeures : extension du travail dominical à douze dimanches par an, avec une généralisation en perspective ; remise en cause des prud’hommes et de l’inspection du travail ; instauration d’une procédure civile qui placera le salarié devant les avocats tout puissants du patronat.

Ces quelques mots ne permettent pas de traduire l’ampleur des transformations que vous proposez.

Pour conclure, je veux m’arrêter sur les conséquences des mesures sénatoriales adoptées avec votre assentiment.

La droite vous a manifesté un soutien constant durant ce débat, vous applaudissant à maintes reprises. (Protestations sur les travées de l’UMP.)

La droite a donné son approbation aux grands axes que je viens d’évoquer, à l’exception remarquée des articles relatifs aux professions juridiques. Elle va même plus loin, et trop souvent avec votre approbation, monsieur le ministre.

Parmi ces mesures se trouve l’extension du travail dominical, qui, dans les entreprises de moins de 11 salariés s’effectuera sans contreparties. Les enseignes culturelles pourront ouvrir le dimanche, car la culture, même le dimanche, cela consiste sans doute à vendre et consommer… Les accords « offensifs » de maintien de l’emploi apportent de nouvelles dérogations aux 35 heures et font régresser les droits des salariés. Leur droit à l’information est lui aussi limité, et la loi Hamon est battue en brèche. Les seuils sociaux augmentent pour mieux diminuer les droits collectifs des salariés.

Je citerai enfin la destruction du compte pénibilité et la mise en place à la demande du groupe UMP – avec votre accord, monsieur le ministre : c’est dans le Journal officiel – d’une commission chargée d’écrire un nouveau code du travail simplifié. M. Gattaz a dû bien dormir le soir du vote de cet amendement ! (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)

Et que dire de la privatisation des trains régionaux, autorisée par la majorité sénatoriale ?

Votre texte, monsieur le ministre, est un formidable réceptacle pour toutes les régressions sociales. Il ouvre la boîte de Pandore en brisant les digues construites en France durant des décennies par les luttes des salariés, les luttes du peuple que symbolise le programme des « Jours heureux » du Conseil national de la Résistance.

Pour vous, le droit du travail est un handicap à l’expansion du marché. Vous avez bien raison : là où il a sombré, en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, les inégalités ont crû, la pauvreté s’est développée.

Nous refusons votre modèle de société, que beaucoup, à la droite de cet hémicycle, approuvent.

Nous savons qu’à gauche, nous ne sommes pas seuls. Nous agirons pour rappeler que la gauche a d’autres valeurs, celles de l’humain, de l’égalité et du partage, et qu’elle porte des propositions alternatives, comme nous l’avons démontré tout au long des débats.

Le groupe communiste républicain et citoyen votera donc contre ce projet, encore aggravé, si cela était possible, par la droite sénatoriale.

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