dossier Covid-19 : les politiques libérales en accusation

Peut-on lutter efficacement contre la pandémie de covid-19 avec des méthodes fidèles aux dogmes libéraux, alors que ceux-ci ont précisément conduit à méconnaître la crise puis à l’aggraver, notamment en affaiblissant la recherche et le service public hospitalier ? Pour le gouvernement, la réponse est oui, comme en témoignent sa gestion de la crise et plus particulièrement les dispositions de la loi de finances rectificative et les mesures de l’état d’urgence sanitaire, entré lui en vigueur le 24 mars, qu’il a fait adopter par le Parlement. Pour les membres du groupe CRCE, la réponse est en revanche négative. Ils se sont donc abstenus lors du vote de cette loi de finances rectificative et se sont prononcés contre les mesures d’urgence proposées par Emmanuel Macron : pleins pouvoirs au gouvernement pendant deux mois, sans contrôle ou presque ni vote du Parlement ; dérogations injustifiées au droit du travail en matière de congés, de repos hebdomadaires et dominicaux ; mais refus de mettre à contribution les ménages les plus riches et les actionnaires.

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Les débats

Il faut sortir du règne de l’argent-roi

Reconstruction du pacte social national dans le cadre de la sortie de la crise sanitaire -

Par / 28 mai 2020

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous pouvons commencer à envisager une sortie de la crise sanitaire, et je dois dire que c’est une bonne nouvelle.

En revanche, nous nous engageons dans une crise économique et sociale d’une ampleur terrible. Les chiffres sont tombés en début d’après-midi : le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A a augmenté de plus de 22 % durant le mois d’avril, ce qui représente 843 000 chômeurs de plus. Le dispositif de chômage partiel doit donc être prolongé afin que des milliers d’autres personnes ne connaissent pas le même sort.

Notre pacte social est malade et le désastre économique et social pourrait s’aggraver d’ici à la fin du mois de juin, enfin pas pour tout le monde si l’on en juge par le montant faramineux du bonus dont va bénéficier le PDG d’Air France, alors que l’État prête 7 milliards d’euros à la compagnie aérienne.

Il est donc nécessaire, voire d’une urgence absolue, de changer de logiciel. On voit où la loi du marché nous a conduits !

Elle a provoqué un affaiblissement de l’hôpital et du système de santé, quitte à mettre en danger l’ensemble de la population, mais aussi de tous les services publics qui structurent la solidarité nationale. Elle a ensuite mis à genoux le cœur de l’économie : notre industrie. Tout démontre que l’argent a pris le dessus sur l’intérêt général. L’argent roi est bien la clé d’un nouveau contrat social.

Une nouvelle répartition des richesses est la voie du salut public. Le Gouvernement s’arc-boute, ne veut même pas rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), lequel a été affaibli et réduit à la portion congrue depuis dix ans. M. Le Maire se gausse même de son inefficacité.

Alors, chiche ! Allons plus loin, beaucoup plus loin ! Supprimons les dispositions qui protègent de manière éhontée le capital, comme la flat tax ; agissons de manière déterminée contre l’évasion fiscale ; ramenons l’échelle des salaires à un écart raisonnable de un à vingt ; construisons un pôle public bancaire et financier pour donner à l’État les moyens d’agir et de se dégager de l’emprise des marchés.

Pour ne pas s’écraser sur le mur social, il faut faire d’autres choix que ceux qui sont mis en œuvre depuis quarante ans. Il faut, je le répète, changer de logiciel. Qu’en pensez-vous, madame la secrétaire d’État ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, la pression fiscale ne sera pas la réponse à la crise sociale…

Mme Éliane Assassi. Pas seulement !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. Notre pays est déjà celui de l’OCDE où la pression fiscale est la plus forte. Les Français ont exprimé ces dernières années un véritable ras-le-bol fiscal.

C’est au contraire en réduisant la pression fiscale que nous permettrons à l’économie de repartir. Ce sont des mesures comme la baisse massive des impôts annoncée l’année dernière par Gérald Darmanin, notamment pour les revenus les plus faibles, comme la baisse et la suppression progressive de la taxe d’habitation, comme l’augmentation de la prime d’activité pour nos travailleurs les plus modestes, qui permettront aux Français de conserver leur pouvoir d’achat, voire de l’augmenter. Telle est bien notre ambition.

Nos entreprises ont besoin de marges de manœuvre pour pouvoir réinvestir et recruter. C’est l’emploi qui permet de sortir de la pauvreté. Il faut permettre aux bénéficiaires des minima sociaux d’être accompagnés pour être opérationnels, pour pouvoir retravailler et sortir de la précarité dans laquelle ils sont trop souvent enfermés. Plus de la moitié des 2 millions de bénéficiaires du RSA sont dans ce dispositif depuis plus de quatre ans et plus de la moitié d’entre eux n’ont aucun accompagnement vers l’emploi. C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, afin d’accompagner les départements. Il faut permettre aux allocataires des minima sociaux de sortir de la pauvreté par l’emploi. C’est ce qu’ils souhaitent, comme nos concitoyens.

Enfin, la transformation de l’ISF en impôt sur la fortune immobilière (IFI) a permis de préserver la justice sociale en favorisant le retour des investissements dans notre pays.

Je le répète, l’impôt n’est pas la réponse, d’autant que, comme le montrent les dépenses que nous avons engagées, l’État prend entièrement ses responsabilités pour faire vivre la solidarité nationale. L’emprunt est un outil à notre disposition, c’est un investissement sur l’avenir et sur nos forces vives. Les propositions communes du président Macron et de la chancelière Merkel vont dans ce sens.

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