Le revenu de base, une fausse bonne idée pour lutter contre la grande pauvreté et l’exclusion
Mission d’information sur l’intérêt et les formes possibles de mise en place d’un revenu de base -
Par Le groupe CRCE-K / 18 octobre 2016Contribution du groupe Communiste républicain et citoyen.
Le groupe communiste républicain et citoyen tient à remercier toutes les personnalités qui ont contribué, par le partage de leur expertise, à enrichir les travaux de cette mission d’information. Nous saluons également le travail réalisé par l’ensemble de la mission et, en particulier, par son président et son rapporteur.
Le revenu de base, une fausse bonne idée pour lutter contre la grande pauvreté et l’exclusion
Alors que le Premier Ministre a évoqué récemment la possibilité d’instaurer un « revenu universel garanti » fusionnant « la plupart » des minima sociaux, la mission d’information sénatoriale sur l’intérêt et les formes possibles de mise en place d’un revenu de base en France a achevé ses auditions et délivré ses préconisations.
À rebours des discours stigmatisants et des projets punitifs, les propositions de revenu universel versé à chacune et chacun sans contrepartie réaffirmeraient une solidarité inconditionnelle de l’ensemble de la société. À l’opposé de celles et ceux qui souhaiteraient diviser les plus précaires, le débat sur le revenu universel a le mérite de faire débat.
Alors que les conséquences sociales et humaines de la crise économique renforcent chaque jour les écarts entre les plus riches et les plus pauvres, des propositions pour éradiquer les injustices et la précarité sont indispensables.
Les parlementaires communistes portent un projet de société débarrassée des inégalités et des classes sociales. Une société où les conditions d’existence sont assurées pour toutes et tous, autrement dit « de chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins ».
Pour notre part, nous sommes favorables d’assurer une rémunération suffisante à tous les individus permettant l’émancipation et le bonheur. Afin d’y parvenir, il ne suffit pas de répartir les richesses différemment il faut également modifier la création de richesses et c’est le sens de notre projet politique.
Une solution immédiate à un problème systémique
L’échec des politiques libérales contre le chômage, la persistance des inégalités, la peur du déclassement et les suppressions d’emplois résultant de la révolution numérique conduisent les politiques à rechercher des solutions nouvelles. Les propositions de revenu universel ou revenu de base sembleraient apporter une solution au développement de la très grande pauvreté. Comment peut-on continuer d’accepter que la cinquième puissance mondiale compte près de 8,8 millions de pauvres ?
L’intérêt d’un revenu de base pour assurer à toutes et tous, une somme d’argent suffisante pour subvenir aux besoins et sortir définitivement de la précarité, peut sembler positif, mais comporte plusieurs limites concernant les sources de financement, les responsabilités des entreprises, et la création de la valeur.
Tout d’abord, nous devons poser la question du financement du revenu de base.
Le revenu de base universel est-il financé par l’impôt ? Si les préconisations de la mission d’information semblent répondre en grande partie positivement en proposant d’assurer le financement du revenu de base par la solidarité nationale, financer le revenu de base par l’impôt pose la question de l’efficacité des systèmes existants.
Le taux du non-recours aux minima sociaux actuels démontre qu’un simple reformatage des dispositifs existants ne résoudra pas la pauvreté dans notre pays. Seule l’universalité des prestations peut garantir la fin du non-recours et la réduction de la stigmatisation des bénéficiaires.
D’une part, ce système risque d’enfermer les individus en dehors du travail. Le revenu de base assurant le minimum vital, il n’est plus indispensable de travailler pour subvenir aux besoins. Si nous critiquons les inégalités salariales, la captation de la plus-value par les seuls employeurs au détriment des travailleurs, les conditions de travail et le respect des règles de sécurité, nous continuons de penser que le travail est source d’émancipation. Par le travail, les individus sont amenés à participer à un collectif, à se dépasser.
D’autre part, le transfert du salaire payé par les entreprises et l’État sur l’État seul, pour les salariés et les non actifs, exempt les entreprises de leurs obligations salariales. Le revenu d’existence n’est donc qu’un transfert de ressources des travailleurs productifs vers les chômeurs.
Le risque de déresponsabiliser socialement le patronat peut favoriser la pression à la baisse sur les salaires. Si chacun a prétendument les moyens de contractualiser individuellement, accroître le niveau de prise en charge sociale collective est fragilisé.
Le projet de revenu de base porte davantage de risques pour l’avenir de notre modèle de Sécurité sociale que d’avantages. Le revenu de base est un cheval de Troie pour la Sécurité sociale, dont les fondements seraient encore affaiblis par un tel système.
La singularité du travail salarié comme vecteur unique de création de la valeur.
L’importance que l’on attache au travail ne se limite pas à son potentiel émancipateur, il l’est également, car le travail est créateur de richesses. La distribution de tout revenu suppose d’abord son existence, seul le travail est créateur de richesses.
Ce n’est pas parce qu’un individu se livre à des activités autonomes, utiles et créatrices de liens sociaux qu’il crée de la valeur. C’est par la combinaison d’un capital et d’une force de travail salariée qu’elle se crée. Or c’est aussi par cette combinaison que se définit l’exploitation capitaliste.
Proposition alternative au revenu de base : la sécurisation de l’emploi et de la formation
Plutôt que l’instauration d’un revenu de base, nous proposons la sécurisation de l’emploi et de formation. Ce projet vise, par une mobilisation nouvelle de la monnaie et du crédit, un essor massif des services publics, dont un grand service public de l’emploi et de la formation, la création d’un nouveau contrat de travail dont le CDI serait le socle, une forte diminution du temps de travail et le droit à la formation toute la vie, la création de nouveaux pouvoirs des salariés sur l’argent et la production.
La réduction de la durée du temps de travail à 32 heures, l’augmentation des salaires avec un SMIC à 1 700 euros, et la réduction de l’âge de départ à la retraite ainsi que la durée de cotisation permettent de créer les conditions d’une nouvelle maîtrise sociale et environnementale par une métamorphose et un dépassement du marché du travail vers une civilisation d’où serait progressivement éradiqué le chômage.
L’extension de la définition du salariat, la conquête de nouveaux droits d’intervention pour les travailleurs sur l’organisation du travail comme sur la gestion de l’entreprise assureraient l’émancipation des travailleurs.
La réponse à la crise de la protection sociale suppose une révolution, à savoir le passage de droits sociaux attachés au poste de travail à des droits sociaux attachés à la personne et transmissibles d’une entreprise à l’autre, avec une garantie de revenu et droits assurée entre deux activités. En cela, le projet de sécurisation de l’emploi et de la formation tend à se rapprocher du revenu de base.
Cependant, plutôt que de transférer à l’État l’obligation de garantir un filet de sécurité pour les actifs, nous y incluons la responsabilité des entreprises concernant l’emploi et la qualité du travail. Les entreprises doivent participer au financement du fonds mutualisé de garantie de ces droits sociaux, à hauteur de leurs moyens financiers, mais aussi en fonction des choix opérés en matière de gestion de la main d’œuvre.
Pour y parvenir, il est indispensable d’investir massivement dans l’éducation et la recherche et plus précisément dans la formation initiale et continue. Afin d’assurer l’accès et la réussite du plus grand nombre, il est nécessaire de mettre en place un salaire étudiant pour lutter contre la reproduction sociale et l’échec.
Conclusions
Lutter efficacement contre le chômage doit être la priorité de tout projet politique, pour notre part plutôt que l’instauration d’un revenu de base nous proposons de sécuriser l’emploi et la formation pour une nouvelle logique politique, sociale, économique et financière. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe CRC ne votera pas en faveur de la mission parlementaire d’instauration d’un revenu de base.