Affaires sociales
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Allez-vous laisser les personnes handicapées dans cette situation injuste ?
Calcul de l’allocation aux adultes handicapés -
Par Éliane Assassi / 24 octobre 2018Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre groupe a fait le choix de déposer au Sénat la proposition de loi qui a été portée à l’Assemblée nationale par notre amie et collègue députée Marie-George Buffet, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Comme cela a été souligné, le texte a été cosigné par des députés issus de groupes politiques extrêmement divers, allant des Républicains à la France insoumise, en passant par l’UDI, le Modem et les socialistes ; il a même été signé par des députés du groupe La République En Marche. Nous pensions donc pouvoir trouver un accord pour faire avancer les droits des personnes en situation de handicap au Sénat.
Alors qu’il y avait à l’évidence un large rassemblement sur le sujet, nous avons été surpris et déçus par le vote négatif de la commission des affaires sociales du Sénat sur notre proposition de loi, dont l’auteur est mon amie Laurence Cohen.
Nous avons bien entendu les arguments de la majorité sénatoriale, qui reproche notamment le coût de la mesure et préfèrerait une refonte complète de l’ensemble des dispositifs existants, au lieu de se limiter, comme nous le proposons, à la suppression de la prise en compte des revenus des conjoints dans le calcul de l’allocation aux adultes handicapés.
Mes chers collègues, oui, notre proposition de loi a un coût ! Oui, une réforme globale des aides sociales pour lutter contre le non-recours est indispensable ! Mais notre objectif est avant tout d’envoyer un signe positif aux personnes en situation de handicap, qui, malheureusement, se sentent trop souvent rejetées et regardées comme des citoyens de seconde zone dans notre pays.
Il faut remettre de l’humain au cœur des décisions politiques et en finir avec le sentiment de mépris que subissent les personnes en situation de handicap, auxquelles on a promis l’égalité en 2005. Nous devons faire un geste pour leur rendre la dignité qui leur est due.
Le Président de la République a effectivement dit que le handicap était une priorité de son quinquennat. Mais, au-delà des paroles, il faut passer aux actes.
Après l’annonce de la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés à 900 euros à grand renfort de communication par le Gouvernement, les personnes handicapées – faut-il le rappeler ? – ont subi depuis un an une série de reculs : suppression du complément de ressources au 1er janvier 2019, soit 179 euros en moins chaque mois pour les futurs allocataires ; baisse de l’obligation de 100 % à 20 % de logements neufs accessibles dans la loi Élan ; suppression de la prise en charge des sorties thérapeutiques pour les personnes rejoignant leur famille le week-end. À ces mesures spécifiques aux personnes en situation de handicap, il faut encore ajouter la baisse des APL, la hausse de la CSG, la désindexation des pensions de retraite, qui concernent tous les Français. Ces mesures dégradent encore davantage les conditions de vie des personnes en situation de handicap, qui ne sont pas toutes en situation d’employabilité, madame la secrétaire d’État.
La Haute Assemblée doit envoyer un signe positif en supprimant l’injustice qui consiste à prendre en compte dans un couple les revenus du conjoint dans le calcul de l’allocation aux adultes handicapés. C’est une question de respect de la dignité des personnes que d’accorder cette allocation à l’ensemble des hommes et des femmes qui ont un taux d’incapacité supérieur à 80 %.
Aujourd’hui, si le conjoint a des revenus supérieurs à 1 126 euros, le montant de l’AAH devient dégressif. Si les revenus sont supérieurs à 2 200 euros par mois, l’AAH n’est plus versée aux allocataires. Il convient donc d’individualiser l’allocation. Peu importe la situation familiale, car la personne qui supporte l’invalidité, ce n’est pas le conjoint ; c’est la personne handicapée.
Je pense par exemple au témoignage de Marie. Hémiplégique gauche depuis dix ans, elle n’a le droit ni à la pension d’invalidité ni à l’allocation aux adultes handicapés, car son mari a des revenus supérieurs aux critères, ce qui la met dans une situation de dépendance vis-à-vis de lui. Publié par l’Association des paralysés de France, le témoignage de Marie vient rappeler que des personnes handicapées se retrouvent privées d’aides et donc dépendantes financièrement de leur conjoint à l’âge de soixante ans.
Le cas de Marie n’est pas un cas isolé, et vous le savez : nous avons tous autour de nous des personnes handicapées qui ne peuvent compter que sur l’aide des familles pour payer leur loyer, leurs frais de santé ou leurs courses, car la solidarité nationale est défaillante. Sans la solidarité familiale, les individus seraient dans l’incapacité de faire face aux démarches du quotidien.
Madame la secrétaire d’État, l’État doit prendre ses responsabilités et s’engager en faveur des personnes handicapées pour garantir des conditions de vie dignes.
Mes chers collègues, préférez-vous faire un pas pour que la situation des personnes handicapées progresse ou rester au point mort et les maintenir dans l’injustice ?