Les rapports

La renationalisation des autoroutes est parfaitement possible

Contribution du groupe CRCE aux conclusions de la commission d’enquête sur les concessions autoroutières -

Par / 21 septembre 2020

Les sénatrices et sénateurs du groupe CRCE se félicitent de l’installation par le Sénat d’une commission d’enquête sur le contrôle, la régulation et l’avenir des concessions autoroutières. Ils soulignent la qualité des travaux et des intervenants permettant de gagner en connaissance sur ce sujet important pour nos concitoyens.

Le mouvement des gilets jaunes, dans la plateforme du 29 novembre 2018, avait d’ailleurs déjà abordé cette question. Ainsi, la plateforme de revendication commune appelait à poser « l’interdiction de vendre les biens appartenant à la France » faisant une référence directe à la situation des sociétés autoroutières. Ces ventes sont en effet le plus souvent guidées par la seule exigence du désendettement sans autre considération économique, sociale ou industrielle. En posant l’avenir des concessions comme le fait cette commission d’enquête, il s’agit bien au fond d’une question de souveraineté populaire.

En ce sens et depuis de nombreuses années, les sénatrices et sénateurs du groupe, au travers les propositions de loi qu’ils ont déposé et fait débattre, ont souhaité que la question des conditions de la maîtrise publique des infrastructures et notamment des infrastructures autoroutières soit posée au plus haut niveau. Ce rapport participant à la prise de conscience des mécanismes ayant conduit à une captation d’un bien public au profit d’intérêts privés et apportant des possibles réponses pour éviter que ces dérives se réitèrent est donc bienvenu.

Le cadre particulier de la commission d’enquête a ainsi permis de recueillir des informations précises alors même que l’évolution des relations entre l’Etat et les concessionnaires est marqué du sceau de l’opacité. La transparence des engagements de l’Etat et l’information des parlementaires est une exigence forte pour établir le bon diagnostic permettant de faire évoluer les rapports de force.

Il est frappant que la question de l’équilibre soit revenue dans l’ensemble des auditions menées : certains, du côté des concessionnaires, déplorant un état jugé « tatillon » et d’autres soulignant, à l’inverse, l’impuissance organisée à la tête de l’Etat et sa dépendance aux grands groupes du BTP.

Seul élément de stabilité et de consensus, les travaux de la commission d’enquête ont (dé)montré que la rentabilité de ces concessions n’a jamais été démentie, y compris en période de crise, comme l’ont d’ailleurs souligné plusieurs fois dans leurs rapports le Conseil d’Etat, la Cour des Comptes ou encore l’Autorité de la Concurrence. L’investissement est largement rentabilisé grâce des bénéfices records lié à un taux d’actualisation important. Une situation qui doit être mise en parallèle avec la hausse permanente des péages et la saignée dans l’emploi opérée par les sociétés concessionnaires, confirmé à chaque avenant ou plan de relance.

En proposant plusieurs scenarii, la commission d’enquête laisse ainsi espérer que l’Etat cesse de faire systématiquement les mauvais choix en organisant sa propre impuissance, une impuissance qui se conjugue avec la baisse des moyens des administrations comme le CEREMA et donc à une perte d’ingénierie technique et financière manifeste.

Pour leur part, les sénatrices et sénateurs du groupe CRCE souhaitent aller vers une renationalisation de ces concessions. Reprenant le fameux « quoi qu’il en coûte » présidentiel, ils estiment en effet qu’au regard des taux d’emprunt en cours aujourd’hui, cet investissement pourrait prendre sa place dans un plan de relance ambitieux. Par ailleurs, ils soulignent que ce recours à l’emprunt apparait une solution d’autant plus neutre pour les pouvoirs publics que cet argent emprunté ne serait pas remboursé par l’impôt mais par le péage.

Pour le moins, ils estiment que l’Etat doit revenir à un rôle offensif. L’Etat stratège ou planificateur doit a minima jouer son rôle de régulateur. Toutes les auditions prouvent pourtant le contraire, un ancien ministre allant jusqu’à présager un difficile retour en arrière tant l’Etat n’est plus structuré pour reprendre cette mission.

Un certain nombre de juristes, et nous partageons leur analyse, considèrent que la voie de la dénonciation des contrats est une possibilité. Au motif de l’intérêt général, comme le proposait le rapport dit « Chanteguet », mais également au titre du principe constitutionnel interdisant aux personnes publiques de consentir des libéralités. Sans entrer dans les méandres juridiques, Il est dommage que la commission d’enquête n’ait pas poursuivi des investigations en ce sens ou même auditionné ces juristes.

Au-delà de la bataille juridique et financière, il s’agit avant tout une question politique et économique : celle de la maitrise publique des infrastructures (autoroutes, routes, ports, aéroports, gares et rails). La propriété publique des infrastructures de transport est, à nos yeux, un levier essentiel pour toute politique d’aménagement allant dans le sens de la nécessaire transition écologique qui doit structurer la construction d’un monde post-covid.

Pour le moins, ils estiment qu’il convient d’anticiper la fin de concessions et créer les conditions d’un retour dans le giron public.

Comme le proposait le rapport sur leur proposition de loi, ils estiment que l’hypothèse d’une reprise en main des concessions autoroutières par l’État à l’échéance des concessions pourrait être examinée. Elle pourrait se traduire par la création d’un établissement public industriel et commercial « Routes de France » compétent pour gérer l’ensemble du réseau autoroutier, avec un contrat d’objectifs et de performance, des critères forts en matière d’aménagement du territoire, d’efficacité environnementale et de différenciation des tarifs selon des motifs sociaux. Le patrimoine routier pourrait être utilisé comme un vrai champ d’action publique.

Ce retour à une gestion publique et donc à l’intérêt général, permettrait également, et ce n’est pas une bagatelle, d’apporter de manière pérenne de nouvelles ressources à l’AFITF, de l’ordre de 1 à 2 milliards d’euros par an.

Une somme particulièrement utile et nécessaire lors que l’on connaît l’accroissement des besoins de transports et de mobilité mais également l’urgence climatique et de la transition écologique.

Il s’agit de cette manière de participer à la décongestion des routes et réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre participant aux dérèglements climatiques et à la pollution atmosphérique responsable de 48 000 morts par an.

Les sénatrices et sénateurs du groupe CRCE espèrent donc que ces conclusions pourront être la base d’une évolution législative concrète et pas un rapport de plus comme le redoutent les associations d’usagers entendus durant ces travaux.

Le rapport de la commission d’enquête

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