N’est-il pas temps de revoir cette approche de la laïcité à géométrie variable ?
La laïcité, garante de l’unité nationale -
Par Éliane Assassi / 8 janvier 2020« La France n’est pas schismatique, elle est révolutionnaire. » C’est par ces mots que Jaurès introduit son propos à la Chambre des députés le 15 avril 1905, alors qu’est discutée la loi de séparation des Églises et de l’État, « la plus grande réforme qui ait été tentée depuis la Révolution », selon lui.
La loi de 1905 a planté en profondeur les racines de la laïcité. Sa fâcheuse réappropriation par certaines et certains pour servir des idéaux qui n’ont rien à envier à ceux des extrémistes religieux est parfaitement incompatible avec notre République laïque.
La laïcité est un pilier du socle de notre communauté nationale par opposition à une multiplication des communautés dans la Nation. C’est un bien commun précieux. En ce sens, j’aurais une question assez simple à vous poser, monsieur le ministre : pourquoi ne revêt-elle pas la même valeur juridique dans l’ensemble de notre pays ? Je veux ici évoquer les régimes dérogatoires, propres aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, de la Moselle – toujours sous le régime concordataire de 1802 – ou encore du département de la Guyane ou de certaines collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution – donc, sous le régime de l’ordonnance royale du 27 août 1828 et des décrets-lois Mandel.
Vous allez me répondre que le Conseil constitutionnel, récemment saisi d’une QPC, s’est prononcé sur la conformité constitutionnelle de ces régimes. C’est vrai, mais n’est-il pas temps de revoir en profondeur cette approche de la laïcité à géométrie variable ? Je pense particulièrement à la Guyane, département miné par le chômage et l’insécurité, où existent d’importantes disparités en matière de revenus, de santé et d’éducation. Les deniers publics ne seraient-ils pas mieux employés à lutter contre cette paupérisation avancée du territoire plutôt qu’à rémunérer le culte catholique, les évêques y étant employés comme agents de catégorie A et les prêtres comme agents de catégorie B de la fonction publique ?
Tel est le sens de ma question. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Madame la présidente Assassi, aucun culte n’est l’adversaire du ministre de l’intérieur. Si certaines dérives doivent être combattues, aucun culte, je le répète, dès lors qu’il respecte les lois de la République, ne saurait être considéré comme un adversaire. Le culte catholique n’est pas un adversaire auquel le ministère de l’intérieur voudrait retirer certains de ses financements nés de l’histoire et qui remontent parfois au régime concordataire.
Il appartient au législateur de décider, s’il le souhaite, de modifier les choses et de revenir sur des équilibres nés en 1905. Il y a peut-être une incohérence à défendre l’équilibre issu de la loi de 1905 et à vouloir remettre en cause ce qui était l’une des conditions de cet équilibre avec le culte catholique. Une telle approche est une négligence absolue du fait que la place du culte musulman en France métropolitaine n’avait alors strictement rien à voir avec celle que nous connaissons aujourd’hui. Reste que c’est un choix politique que chacun peut assumer ici et dont on peut parfaitement débattre.
Aujourd’hui, nous appliquons une loi, celle qui prévoit en effet, dans certains territoires nationaux, un engagement financier de l’État pour accompagner l’exercice des cultes, ce qui fait que le ministre de l’intérieur est aussi le ministre des cultes. Il appartient au législateur de modifier, s’il le souhaite, ce régime, mais le Gouvernement n’en a pas aujourd’hui la volonté.