Nos propositions de loi et de résolution
Oui à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants
Par Éliane Assassi / 8 novembre 2022« Rien n’est plus important que de bâtir un monde dans lequel tous nos enfants auront la possibilité de réaliser pleinement leur potentiel et de grandir en bonne santé, ainsi que dans la paix et dans la dignité », déclarait Kofi Atta ANNAN, ancien secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU).
C’est en 1996 que le Parlement français décide de faire du 20 novembre la Journée nationale des droits de l’enfant, par l’application de la loi n° 96-296 du 9 avril 1996 tendant à faire du 20 novembre une Journée nationale des droits de l’enfant, issue d’une proposition de loi des sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, adoptée, le 14 octobre 1995, à l’unanimité. C’est l’occasion, chaque année, de faire le point des évolutions en France et dans le monde, d’agir et de faire des propositions pour améliorer les droits des enfants et lutter contre les nombreuses injustices perpétrées contre eux. C’est aussi un moment privilégié pour mettre en lumière et faire valoir la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE).
Adopté par l’Assemblée générale de l’ONU, le 20 novembre 1989, ce traité international a suscité l’espoir de réelles avancées en faveur des enfants dans le monde, avec pour objet de reconnaître, de respecter et de protéger les droits des enfants en développant leurs droits civils, économiques, politiques, sociaux et culturels.
Cependant, trente trois ans après l’adoption de la convention et malgré les avancées réelles en matière de droits des enfants (réduction de la mortalité, progression de la vaccination et de la scolarisation), le constat reste très préoccupant.
Dans le monde, la misère et la pauvreté ne cessent de s’étendre dans certaines régions où bien souvent les conflits armés aggravent encore des situations déjà catastrophiques.
La malnutrition et le manque d’eau font chaque année des centaines de millions de victimes.
L’accès aux vaccins demeure inéquitable et des enfants sont atteints de maladies que l’on peut pourtant aujourd’hui prévenir et soigner.
Les victimes de l’exploitation sexuelle sont toujours plus nombreuses.
Et comment ne pas citer cette violence insupportable : cinq pays, l’Iran, l’Arabie saoudite, le Soudan, le Yémen et le Pakistan persistent à condamner à mort et à exécuter des mineurs.
Un récent rapport de l’UNICEF prévoit pour 2030 - si aucune action d’envergure n’est rapidement mise en oeuvre - la mort de 70 millions d’enfants avant leur cinquième anniversaire - dont 3,6 millions pour la seule année 2030, date butoir des objectifs de développement durable.
Les inégalités mettent en péril la vie de millions d’enfants et constituent une menace pour l’avenir de la planète. Les risques afférents portent atteinte aux droits des enfants et compromettent leur avenir. Mais cela n’est pas tout : ils perpétuent aussi les cycles intergénérationnels des disparités et des injustices qui mettent à mal la stabilité des sociétés, voire la sécurité des nations du monde entier.
En France, à une autre échelle, les droits des enfants ne sont pas toujours respectés. Cette situation ne peut rester en l’état.
Dans notre pays, un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, soit près de 3 millions d’enfants. En 20 ans, le nombre d’enfants de moins de 18 ans vivant sous le seuil de pauvreté est passé de 16 à 20 %.
Les inégalités en matière de santé, de logement, d’accès à l’éducation ou aux loisirs demeurent bien trop conséquentes. De larges débats doivent être menés sur ces problématiques et aboutir à des solutions concrètes, notamment d’urgence en matière de droit à la santé (en particulier en outre-mer, où l’affiliation à la sécurité sociale n’est pas toujours « systématique », où la pénurie de PMI est criante et délétère pour la santé des jeunes mères et des jeunes enfants en difficulté) et de politique de résorption des logements insalubres, des bidonvilles, visant à assurer à chaque enfant des conditions de vie acceptables et dignes.
De sérieuses réflexions doivent également être menées sur le suivi médical et scolaire des enfants handicapés, les plus vulnérables parmi les vulnérables.
Concernant les enfants étrangers, qu’ils soient nés en France ou qu’ils soient arrivés seuls ou avec leurs parents, ceux-ci vivent des situations particulièrement difficiles : contraints à une vie précaire, placés en centres de rétention, expulsés avec leurs parents. Là encore des réflexions doivent être engagées d’urgence, comme le recommande le Défenseur des droits dans son rapport de novembre 2017 sur les droits des enfants à un accès inconditionnel aux biens de première nécessité et aux soins dans notre pays.
En matière de justice, le nouveau Code de la justice pénale des mineurs remet en cause les principes de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. Avec son entrée en vigueur, le 30 septembre 2021, la primauté de la prévention et de l’éducation sur la sanction s’estompe pour laisser place à une vision répressive de la justice pénale des mineurs. En effet, ce nouveau Code consacre l’abaissement de l’âge de la responsabilité pénale, la possibilité d’incarcération dès l’âge de 13 ans, la suppression parfois de l’excuse de minorité mais également l’effacement de la collégialité dans la procédure pénale relative aux mineurs, sous couvert d’efficacité...
Enfin, de manière générale, les enfants ne sont pas exempts en France d’agressions physiques ou morales qui revêtent des formes diverses, comme le harcèlement, la maltraitance, la pédophilie, l’exploitation sexuelle... dans un cadre familial bien souvent, mais aussi et de plus en plus dans un cadre scolaire ou médico-social. La prévention (et notamment l’éducation à la sexualité) ne doit cesser de nous préoccuper afin que plus aucun enfant n’ait à voir son humanité niée de la sorte.
Bien d’autres grandes problématiques nationales et orientations des politiques publiques à mener devraient être considérées sous l’angle des droits de l’enfant, qu’il s’agisse notamment, dans l’actualité, de la question du sexisme qui trouve ses sources dans la différence de traitement dès le plus jeune âge ou encore des questions de bioéthique, à l’aune de la nouvelle loi en la matière datant du 2 août 2021.
Pour toutes ces raisons, la société et le législateur ont la responsabilité de donner aux enfants les moyens de construire leur avenir, un avenir fondé sur des valeurs de progrès, de solidarité, de fraternité, de paix, bannissant la violence, quelle que soit la forme qu’elle puisse revêtir. Pour cela, ils doivent contribuer à ce que croissent des droits effectifs pour les enfants, faire acte de vigilance pour qu’aucun retour en arrière ne soit possible, agir, proposer, être à l’initiative pour de nouvelles avancées concrètes.
Régulièrement saisi pour examiner des projets de loi relatifs à la protection de l’enfance, le Parlement doit aussi être à l’initiative d’une veille et d’un contrôle plus assidus du respect des droits des enfants. La France, pays des droits de l’Homme, doit se montrer sur ce point exemplaire dans l’effectivité des droits des enfants et leur enrichissement.
C’est en ce sens que le 13 février 2003, l’Assemblée nationale adoptait une proposition de loi « tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants »1( *).
Sous notre impulsion, ce texte a été examiné au Sénat et a malheureusement été rejeté le 20 novembre 2019.
Pour autant, l’Assemblée nationale a décidé, le 13 septembre 2022, la création d’une délégation aux droits de l’enfant à l’Assemblée nationale.
Nous vous proposons de reprendre l’initiative de sa création au Sénat, en adoptant la présente proposition de loi.