Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Emmanuel Macron et son gouvernement répondent avec zèle aux exigences de la Commission européenne

Projet de loi de finances pour 2018 : question préalable -

Par / 23 novembre 2017

Hier, le commissaire européen à l’économie et aux finances, Pierre Moscovici, a alerté sur le risque de « non-conformité » du budget de la France. La réduction du déficit public serait trop faible, les réformes insuffisantes, etc. Tout est dans cette formule : « non-conformité ». Non-conformité à quoi ? Non-conformité pour qui ? Qui décide de cette non-conformité ?

Bien entendu, il s’agit de la soumission aux fameux critères libéraux qui structurent l’actuelle construction européenne, ces critères que l’on appelle les critères de Maastricht, repris par le traité de Lisbonne.

Ce sont ces critères, refusés par le peuple en 2005, qui placent depuis des décennies maintenant la rentabilité financière au-dessus de la satisfaction des besoins humains, à commencer par le droit au travail, par le libre accès aux services publics.

Aujourd’hui, le Président de la République et son gouvernement répondent avec zèle aux exigences de la Commission européenne : projet après projet, des ordonnances réformant le code du travail à ce budget, en passant par la loi de financement de la sécurité sociale.

De la réduction des APL, calamiteuse pour le logement social, de la sélection à l’université en passant par l’alignement institutionnel sur les desiderata bruxellois, cette politique s’aligne totalement sur les préceptes du traité de Lisbonne.

La surenchère de la commission des finances était donc attendue, elle servira – qui peut en douter – de prétexte pour enfoncer le clou de l’austérité, pour accélérer la casse des services publics, pour passer par exemple un cap en privatisant des éléments clés du secteur public.

D’entrée, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste entend afficher son désaccord total, son opposition totale à ce cadre contraint, à ce budget qui devient une figure imposée, selon des règles dogmatiques sur lesquelles nous, parlementaires, mais surtout nos concitoyens, n’avons pas de prise.

M. Macron a-t-il été élu pour plus d’austérité ? Pour la destruction du code du travail ? Pour la baisse des APL et l’asphyxie des collectivités territoriales et du secteur public ? Nous ne le pensons pas.

La motion tendant à opposer la question préalable que j’ai l’honneur de défendre aujourd’hui exprime ce rejet global et vous savez tous ici qu’elle n’abrégera pas notre discussion, puisque ses chances d’adoption, d’après mes informations, sont quasiment nulles.

Seul groupe d’opposition déclaré à la politique d’Emmanuel Macron, que l’éditorialiste d’un journal qui ne défend pas nos idées, qualifia de « au bonheur des riches », nous utilisons cette procédure pour permettre à l’opposition de s’exprimer clairement et fortement.

Oui, notre groupe refuse cette loi de finances pour 2018, parce qu’elle inaugure, d’une certaine manière, un nouveau quinquennat de sacrifices et de souffrances pour nos concitoyens sans que cela se traduise en plus par une amélioration durable des comptes publics et de la situation économique et sociale.

Cela fait tellement d’années que le chantage est ainsi pratiqué à l’endroit de nos concitoyens qu’il en devient presque indécent de rappeler les contours de cette logique et de ces politiques d’austérité qui ont tant nui à la situation !

Ce projet de loi de finances s’inscrit dans un système idéologique qui, comme je l’ai indiqué, perdure depuis des années.

Mais, mes chers collègues, où vivons-nous ?

Avez-vous oublié que cela fait plus de trente ans que les salariés de ce pays goûtent aux délices de la flexibilité de l’emploi, avec une bonne trentaine de types de contrat de travail existant sur le marché ?

Cela fait plus de trente ans que, sensibles aux sirènes du MEDEF et, à l’époque d’Yvon Gattaz, président du Conseil national du patronat français, le CNPF, les gouvernants successifs ont estimé qu’il était temps de réduire les cotisations sociales, « d’alléger les charges », selon le discours convenu, pour créer de l’emploi.

Nous en connaissons le résultat.

Trente ans après les premiers textes de la loi sur la flexibilité, nous offrons à six millions de nos compatriotes l’insécurité de périodes de chômage entrecoupées de petits boulots, de contrats à durée déterminée et autres missions d’intérim !

La transformation prochaine du CICE en allègement pérenne de cotisations sociales – élément du salaire sans cesse réduit depuis quelques années déjà – devrait conduire le SMIC français aux alentours du SMIC de certains pays de l’Est européen, cotisations comprises ! Quel progrès ! Quelle avancée !

Ces cadeaux au patronat, offerts par dizaines de milliards, sans le moindre résultat en matière de politique industrielle et d’emploi doivent cesser.

La flexibilité de l’emploi sur la durée est l’une des causes des maux dont souffre notre économie du point de vue de la compétitivité. Il faut le rappeler, le chômage coûte cher à la nation, il épuise les comptes publics alors que le licenciement est une variable d’ajustement pour satisfaire des actionnaires.

Oui, nous ne pouvons pas parler de ce budget sans évoquer les choix économiques et sociaux. Ce qui plombe les finances publiques, c’est le maintien dans une économie de rigueur dont l’objet premier est le maintien de la rentabilité financière et la stabilité de l’État. Notre ambition est radicalement opposée. Pour nous, c’est l’humain d’abord et certainement pas le bonheur des riches !

La politique fiscale que vous proposez avec ce budget sert également les intérêts privés minoritaires. Des orateurs ne manqueront pas de relever les points saillants de ce texte, s’agissant de la réforme de la taxe d’habitation, de la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, des portefeuilles financiers ou de la mise en place du prélèvement forfaitaire unique.

Ce débat est fort éloigné de la situation des 9 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté !

Mes chers collègues, puisque l’occasion nous en est offerte, comment ne pas pointer qu’il a suffi de l’examen d’un collectif budgétaire pour que nous remarquions qu’un peu plus de 300 grandes entreprises ou groupes généraient, ensemble, rien moins que 1 620 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit 80 % du produit intérieur brut du pays, et s’acquittaient de 94 % de l’impôt sur les sociétés, soit un peu plus de 30 milliards d’euros ? Tout est dit ou presque dans ces deux chiffres : 1 620 milliards d’euros d’un côté et 30 milliards d’euros de l’autre.

Année après année, loi de finances après loi de finances, nous avons vu croître et embellir les allégements de fiscalité des entreprises ayant entraîné des pertes de recettes tant pour l’État que pour les collectivités locales, si bien qu’il est possible de penser que la matrice de nos déficits d’aujourd’hui se trouve là.

Et que fait le Gouvernement, si déterminé à réformer la France ? Eh bien, il continue, et même il prolonge et aggrave les travers du passé !

En valeur brute, l’impôt sur les sociétés, ce sont 57 milliards d’euros. Cette somme doit être comparée à l’excédent brut d’exploitation des entreprises, c’est-à-dire à leurs profits bruts, qui sont évalués à 665 milliards d’euros.

Et dire qu’il y a encore des gens pour affirmer que l’économie manque de fonds pour investir ! Ces 57 milliards d’euros ne seront plus que 28,5 milliards à l’arrivée… Nous avons aujourd’hui un impôt sur les sociétés qui pèse, au regard du PIB, ce que pèse l’impôt sur les sociétés perçu par le gouvernement de la République d’Irlande.

Nous connaissons effectivement nombre de chefs d’entreprise, de PME pour tout dire, qui expriment un ressenti assez nettement différent. Je les comprends. Ce n’est pas pour eux que l’on a baissé, par exemple, le taux de l’impôt sur les sociétés. C’est d’abord et avant tout pour que la France devienne, ce qu’elle est devenue en réalité, un paradis fiscal pour les grands groupes à vocation transnationale,…

M. Philippe Dallier. Ça, il fallait oser !

Mme Éliane Assassi. … où le gaspillage du capital ira de pair avec les plans sociaux.

Je dirai quelques mots du cadre d’incitation à l’investissement des fameux « premiers de cordée » cités par le Président de la République.

Les Bernard Arnault, aux châteaux juridiquement déplacés, les Marc Ladreit de Lacharrière, généreux mécènes faisant quelques affaires avec les émirats du Golfe, les Patrick Drahi, riches des dettes que vont payer les 5 000 suppressions d’emplois chez SFR... À leur sujet, comme pour d’autres, le temps me manque pour évoquer le scandale inouï de l’évasion fiscale, de ces 1 000 milliards d’euros détournés de l’économie réelle dans le monde pour la satisfaction d’une élite réduite à quelques centaines de personnes.

Il faut dénoncer, oui. Mais maintenant, il faut arranger la loi, rendre illégale l’optimisation fiscale et sanctionner.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Éliane Assassi. Il faut remettre les banques au service de l’intérêt général. Comme le propose mon collègue et ami Éric Bocquet, il faut réunir d’urgence une COP sur l’évasion fiscale, car c’est là un problème planétaire.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Éliane Assassi. Posons la question préalable, là encore.

Voici des gens – le grand patronat, les riches – qui ont bénéficié de la baisse du taux marginal de l’impôt sur le revenu, qui vont tirer parti de la suppression de l’ISF et qui ont su, en leur temps, profiter de la réforme des donations.

Voici des gens qui vont, sans effort excessif, récupérer en 2018 des sommes considérables, sans commune mesure avec l’aumône publique de la baisse de la taxe d’habitation pour les contribuables modestes et moyens, laquelle fait vaciller les collectivités territoriales. Ces dernières sont pourtant au cœur du service public et de l’investissement public.

En cette semaine du congrès des maires, il faut entendre l’alerte envoyée par l’appel de Grigny. Sacrifier les collectivités territoriales, c’est briser le pacte républicain. Avec d’autres, de tous horizons, nous ne laisserons pas faire !

Mes chers collègues, nous ne suivrons pas Emmanuel Macron et le gouvernement d’Édouard Philippe dans le pari sur l’avenir qu’ils viennent d’engager avec ce premier exercice budgétaire. Cadeaux fiscaux consistants, mais incertains en termes d’effets sur l’activité, baisse de la dépense publique, aggravation de la condition des fonctionnaires, absence de réponse aux urgences de la situation sociale du pays, attaques sans précédent contre les collectivités territoriales : tout cela ne peut que justifier l’adoption de la question préalable que nous soumettons à votre vote !

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