Un coup de force contre la démocratie

M. Michel Sapin, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, chacun a pu le constater, à la reprise de la discussion, ce matin, nous étions à plus de dix-huit heures de débat. Nous avions examiné 156 amendements sur les 679 déposés, ce qui correspond à une moyenne de 8 amendements par heure. Depuis neuf heures trente, ce matin, et jusqu’au vote de l’amendement n° 108, nous en avons examiné 7. Par ailleurs, le Sénat a eu recours à cinquante scrutins publics, ce qui me paraît rarement vu.

À ce rythme-là, et indépendamment des conséquences du vote de l’amendement n° 108, il nous faudrait siéger encore une soixantaine d’heures, au minimum, pour terminer l’examen du texte. Cela n’est évidemment pas compatible avec l’organisation des débats prévue par la conférence des présidents du Sénat. C’est pourquoi, en application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement demande au Sénat de se prononcer par un seul vote sur l’ensemble du texte et sur l’ensemble des articles et des amendements restant en discussion à cet instant, en retenant les amendements nos 556 rectifié, 642, 661, 644, 663, 660, 646, 647, 662, 648, 649 rectifié, 664 rectifié, 665, 529 rectifié, 678, 679, 666, 667, 264, 672, 668, 673 et 671, à l’exclusion de tous les autres.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le recours à cette procédure ne met évidemment pas fin au débat. Chacun d’entre vous pourra continuer de présenter ses amendements, sur lesquels la commission et le Gouvernement seront appelés à émettre un avis. À la fin des débats, chacun pourra expliquer son vote.

À l’Assemblée nationale, l’expression de positions critiques, parfaitement légitime, a été possible. Je respecte l’opinion de chacun et de chacune d’entre vous. Il ne m’appartient absolument pas de qualifier l’attitude des uns et des autres. Chacun est libre d’utiliser les modalités des débats comme il l’entend. Reste que je regrette que nos discussions au Sénat ne puissent se dérouler comme à l’Assemblée nationale, où le temps imparti à l’examen de ce texte était le même qu’en ces lieux et où chacun avait pu s’exprimer dans le respect de l’organisation des débats établie par la conférence des présidents.

M. le président. En application de l’article 44, dernier alinéa, de la Constitution et de l’article 42, alinéa 7, du règlement, le Gouvernement demande au Sénat de se prononcer par un seul vote sur les articles et les amendements restant à examiner en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement et sur l’ensemble du projet de loi.

Les amendements retenus sont ceux énoncés par le Gouvernement.

Acte est donné de cette demande.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.

Mme Éliane Assassi. À vrai dire, les propos tenus par M. le ministre ne nous surprennent pas. Nous nous y attendions. Cependant, permettez-moi de vous dire, mes chers collègues, que, pour le groupe CRC, il s’agit là d’un coup de force, et je pèse mes mots, contre la démocratie parlementaire. La conférence des présidents est également mise en cause, puisque cette dernière avait prévu que les débats puissent éventuellement se poursuivre dimanche.

Nous sommes samedi, et il est onze heures vingt. Nos débats, je le rappelle, ont commencé jeudi en fin de matinée. Ils ont été interrompus par une série de questions cribles thématiques. En somme, l’examen de ce texte n’a débuté que jeudi, à seize heures. Excusez-moi, mais deux jours et demi de discussion sur un texte d’une aussi grande importance, cela me paraît peu ! J’avais d’ailleurs déjà alerté les membres de la conférence des présidents du 20 mars sur le faible nombre de jours prévus pour le débat sur ce texte dit de « sécurisation de l’emploi ».

Je crois me souvenir que l’opposition d’hier, qui est la majorité d’aujourd’hui, s’élevait contre l’utilisation de telles méthodes. Je crois également me souvenir que M. Sarkozy lui-même n’a pas osé recourir à cette procédure très souvent, puisqu’elle n’a dû être demandée que trois fois durant son mandat. En outre, il l’a utilisée contre l’opposition. Vous, monsieur le ministre, vous l’utilisez contre la majorité. C’est purement et simplement scandaleux !

J’émets donc la plus vive protestation contre la décision que vous venez de prendre. C’est un coup de force réalisé non seulement contre les élus du groupe communiste républicain et citoyen, mais aussi contre le monde du travail, qui, comme je l’ai dit à l’occasion de la présentation d’un d’amendement, est concerné par ce texte.

Je ne comprends pas cette attitude ; je ne comprends pas la posture du parti socialiste, du groupe socialiste au Sénat et du Gouvernement. Je trouve cela vraiment inadmissible, et je pense que nous en reparlerons !

M. le président. Je rappelle que cette demande est une prérogative exclusive du Gouvernement et ne peut donner lieu à débat.

Mme Éliane Assassi. Le Gouvernement n’y a pas eu recours pour le mariage pour tous contre la droite, et il le fait aujourd’hui contre les communistes !

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