Les élus locaux voient leur capacité d’intervention se réduire et les pouvoirs de décision s’éloigner des citoyens

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la première lecture, je n’avais pas caché l’intérêt de mon groupe pour cette proposition de loi de notre collègue Alain Richard, même si nous avions aussi formulé quelques inquiétudes quant à la finalité de ce texte.

Certes, la proposition de loi améliore, par certains aspects, la loi de décembre 2010. C’est sur la base de cette réflexion que nous nous sommes abstenus en première lecture, craignant que ces légères modifications ne visent en fait qu’à faciliter la mise en œuvre d’intercommunalités contraintes, jusqu’ici refusées par certaines communes du fait de la faiblesse de leur représentation au sein de l’organe délibérant et de son exécutif.

La relative précipitation à faire adopter définitivement ce texte avant le 31 décembre aurait tendance à nous conforter dans notre appréciation.

En effet, la loi de décembre 2010 n’ayant pas été modifiée, son article 60 s’applique.

À partir du 1er janvier et jusqu’au 1er juin 2013, les préfets disposent toujours des pleins pouvoirs pour mettre en œuvre leur schéma de coopération intercommunale. Ils pourront alors le faire en tentant, ici ou là, d’offrir quelques places supplémentaires en échange d’un accord.

Vous espérez ainsi faire sauter quelques blocages et pouvoir ensuite passer à une nouvelle phase, je veux ici parler de l’avant-projet de loi de décentralisation, qui prévoit, pour ce que l’on en connaît, de poursuivre sur la voie ouverte par la loi de 2010 – vous l’aviez pourtant combattue, à gauche, je le rappelle une nouvelle fois –, en renforçant toujours plus les compétences des intercommunalités au détriment de celles des communes.

À tous les niveaux, les transferts obligatoires aux intercommunalités vont donc être renforcés jusqu’à la disparition, presque en totalité, des pouvoirs des communes dans les futures métropoles et autres communautés métropolitaines.

Dans ces dernières aires urbaines, ce ne sont pas moins de 5 600 communes qui vont ainsi s’évaporer, et cela concernera tout de même, au bas mot, plusieurs milliers d’habitants.

C’est dire l’ampleur du mouvement d’évaporation communale entamé avec la loi de 2010, et que vous vous apprêtez encore à accentuer.

Monsieur le ministre, je vais être sincère avec vous : ce projet nous inquiète fortement, comme il inquiétera – cela se sait déjà - les maires et les élus locaux, qui verront leur capacité d’intervention se réduire comme peau de chagrin, ainsi que les populations, qui verront s’éloigner toujours plus les lieux de décision, réduisant par là même leur propre pouvoir d’intervention.

Cette concentration des pouvoirs en un nombre de mains plus réduit signifiera sinon la fin du moins l’affaiblissement de notre démocratie locale, fondée sur la proximité. L’on verra peut-être même s’installer des « baronnies locales » au profit des communes les plus importantes.

Nous n’allons pas ouvrir ce débat aujourd’hui, nous l’aurons lors du véritable dépôt du futur projet de loi de décentralisation, mais nous voulions dès à présent vous faire part de nos craintes, monsieur le ministre.

En première lecture, nous vous disions combien nous souhaitions que la gauche se rassemble en portant l’abrogation de la loi de 2010, comme elle avait su le faire dans la campagne des élections sénatoriales.

Sincèrement, il s’agissait non pas, vous vous en doutez, d’une abrogation formelle, mais bien d’un changement de cap, comme l’annonçait d’ailleurs le président Jean-Pierre Bel, lors de son discours d’investiture devant la Haute Assemblée.

Pour notre part, nous restons très attachés aux engagements pris par la gauche quand la droite était au pouvoir, pour tracer les voies du changement et le mettre en œuvre aujourd’hui.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, ne décevons pas les élus locaux, qui attendent la reconnaissance de leur engagement et de leur pouvoir d’intervention au profit des citoyens qui leur font confiance.

En conclusion, je reprendrai les mots employés ici même, lors de la première lecture de ce texte, par mon collègue Christian Favier, sénateur du Val-de-Marne et président du conseil général de ce même département : « Avec la volonté politique de tout faire pour rendre possible cette orientation et renouer ainsi avec l’espoir d’un vrai changement, nous ne voterons pas contre votre proposition ».

Malgré les faiblesses de cette proposition de loi, nous nous abstiendrons, pour prouver notre disponibilité pour des réformes que nous espérons, cette fois, plus ambitieuses. J’insiste sur le fait que notre abstention aujourd’hui se veut vraiment constructive.

Retour en haut