Comment la France peut-elle remettre l’une de ses ressortissantes à un autre pays pour des faits qu’elle ne juge pas répréhensibles ?

Monsieur le président, mes chers collègues, en 2011, à l’époque de l’arrestation manquée d’Aurore Martin par la droite au pouvoir, le parti socialiste, alors dans l’opposition, avait évoqué des « heures sombres de l’histoire ». Mais force est de constater que, là où la droite a échoué, le gouvernement d’aujourd’hui a réussi.

Chers collègues, comment la France peut-elle remettre l’une de ses ressortissantes à un autre pays pour des faits qu’elle ne juge pas répréhensibles ?

Dans un communiqué qui nous est parvenu hier, des membres du Gouvernement justifient la remise de Mme Martin à la justice espagnole par le fait que l’opération s’est faite dans le strict cadre d’un mandat d’arrêt européen. Ils s’y dédouanent en avançant que le MAE est une procédure de juge à juge, les autorités gouvernementales n’intervenant donc pas.

Cette argumentation ne résiste pas à l’analyse puisque, sans le système des MAE, l’extradition d’Aurore Martin n’aurait pas été légale, Paris ne livrant pas ses nationaux. Mais, avec le MAE, tout devient possible, y compris le fait que la France s’assoie sur ces principes et, accessoirement, sur ces citoyens !

Que reproche-t-on à Aurore Martin ? D’avoir participé en Espagne à des réunions publiques et rédigé un article dans un journal. S’y ajoutent des relations avec le Parti communiste des terres basques.

Pour Madrid, ces faits sont constitutifs d’un délit d’appartenance à une organisation terroriste. Mais faut-il rappeler que, dans notre pays, Batasuna est légal et a des élus ? Faut-il rappeler que l’activité d’Aurore Martin relève, en France, du militantisme politique, lequel est, bien entendu, parfaitement licite ?

Tout cela est d’autant plus déplorable qu’il n’y a strictement rien d’autre dans le dossier : ni arme, ni contact avec l’ETA, ni appel à la violence, ni quoi que ce soit pouvant entrer dans la définition française, pourtant très large, du terrorisme.

Le Gouvernement ne peut se dédouaner en invoquant le mandat d’arrêt européen, dans la mesure où cet outil coercitif n’est pas accompagné de ce qui en est le corollaire indispensable : un corpus d’incriminations communes.

Mes chers collègues, il est insupportable et indigne qu’une personne de nationalité française, militante d’un parti autorisé en France, soit, par le biais d’une extradition qui ne dit pas son nom, et pour des faits qui, chez nous, ne sont pas punissables, livrée à un pays où elle risque jusqu’à douze ans de prison !

Cette affaire remet en cause un principe essentiel de notre démocratie, à savoir le refus d’extradition pour des motifs politiques. Aucune justification ne peut être trouvée à une telle remise en question.

Nous souhaitons donc que le Gouvernement nous éclaire sur les conditions réelles de l’arrestation et de l’extradition immédiate d’Aurore Martin, comme nous souhaitons qu’il prenne position sur le MAE, qui prouve aujourd’hui sa défaillance (M. Jean Besson s’exclame.), afin que cette procédure ne justifie pas, à l’avenir, d’autres extraditions inadmissibles ; je pense à la dizaine de militants basques français toujours sous le coup de mandats d’arrêt européens non activés.

Enfin, madame la ministre, le Gouvernement doit prendre la dimension du très large rassemblement républicain qui demande, y compris au sein du parti socialiste (M. Jean Besson s’exclame de nouveau.), le retour d’Aurore Martin.

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