Trop peu d’enfants sont adoptés dans notre pays

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai, moi aussi, mon intervention par quelques remarques de forme. Elles ont été faites précédemment par mes collègues, mais je tiens tout de même à les formuler.

D’abord, nous regrettons une fois de plus le recours à la procédure accélérée. Se priver de la navette parlementaire n’est pas très compréhensible au regard de l’objectif de cette proposition de loi : garantir l’intérêt supérieur de l’enfant.

Ensuite, le texte ayant été déposé sous la forme d’une proposition de loi, il n’est accompagné ni d’une étude d’impact ni de l’avis du Conseil d’État. Or il s’agit clairement, encore une fois, d’un projet voulu par le Gouvernement.

J’ajouterai qu’il est incompréhensible que nous abordions ici ces thématiques, alors même qu’un projet de loi sur la protection des enfants est annoncé pour le mois de décembre et qu’un certain nombre de mesures de cette proposition de loi auraient très bien pu y figurer.

Enfin, ce texte souffre de nombreux flous et incohérences juridiques, qui sont dénoncés par les associations et acteurs du secteur.

Pour autant, Mme la rapporteure a réalisé, je tiens à le souligner, un travail important de toilettage du texte, en proposant de réécrire un certain nombre de dispositions, voire tout simplement de les supprimer : 11 articles sur 26 ont ainsi été supprimés.

Il faut dire aussi que dans cette proposition de loi subsistait une habilitation à légiférer par ordonnance, ce qui est quand même un comble pour une initiative parlementaire !

On y trouvait également un article relevant de la loi relative à la bioéthique.

Bref, un patchwork préjudiciable à la qualité du travail législatif.

S’agissant du fond et des objectifs de cette proposition de loi, on ne peut que se réjouir que soient rappelés dans l’exposé des motifs les deux principes fondamentaux, à savoir l’intérêt supérieur de l’enfant et la volonté de donner une famille à l’enfant, et non l’inverse.

Par ailleurs, un certain nombre de dispositions vont dans le bon sens. C’est le cas de la possibilité d’une formation préalable pour les membres des conseils de famille, une demande déjà ancienne ici prise en compte. De même, l’obligation de suivre une préparation préalablement à la délivrance de l’agrément en vue d’une adoption est positive, même si des questions demeurent : qui va assumer cette formation ? Qui la paiera ? Quelle sanction à l’absence de suivi ? Autant de silences préjudiciables.

Le renforcement des droits d’information des pupilles est également très important. Les évolutions apportées à la suite de l’examen en commission au Sénat sont même plutôt satisfaisantes. Nous noterons ainsi le rétablissement des missions des organismes autorisés pour l’adoption (OAA), ainsi que la réintégration, au sein de l’article 13, du consentement à l’adoption, ce qui permet d’éviter une nouvelle forme de procès-verbal d’abandon.

Nous avons fort heureusement évité l’adoption d’amendements réactionnaires revenant, par exemple, sur le droit d’adopter pour les personnes seules.

Des dispositions, comme l’ouverture du droit à adopter pour les couples non mariés, marquent aussi des avancées en matière d’égalité. Notons au passage que cette question ne vise que très partiellement l’objectif affiché de la proposition de loi, à savoir l’intérêt supérieur de l’enfant.

Nous regrettons par ailleurs que cette proposition de loi ne contienne aucune mesure sur l’accompagnement des familles, alors que le coût de l’adoption internationale a augmenté depuis une dizaine d’années. Il serait pourtant utile de repenser l’accompagnement financier des familles qui souhaitent adopter.

Enfin, il est assez incroyable de traiter de l’adoption sans aborder une seconde les problèmes récurrents de l’aide sociale à l’enfance (ASE), ni le problème des moyens dont disposent les départements pour faire face à ces missions. Il s’agit pourtant d’un sujet majeur, rappelé par la Cour des comptes dans son rapport de novembre 2020 qui déplorait « une politique inadaptée au temps de l’enfant ».

Au bout du compte, force est de reconnaître que les mesures de cette proposition de loi ne régleront pas le problème principal : trop peu d’enfants sont adoptés dans notre pays.

Le nombre des adoptions internationales s’effondre depuis plusieurs années et la situation n’est pas vraiment meilleure en matière d’adoptions nationales – les chiffres ont été rappelés par Mme la rapporteure. Cette situation s’explique notamment par le fait que l’âge moyen des pupilles de l’État est de 8,1 ans et que, parmi eux, figure une proportion importante d’enfants à besoins spécifiques. De ce fait, 49 % des enfants pupilles pour lesquels le projet de vie est un projet d’adoption n’ont pas été adoptés, le conseil de famille n’ayant pas réussi à leur trouver une famille.

Devant cette situation, nous estimons que la première urgence est tout simplement d’appliquer le droit positif. Ainsi, les améliorations mises en place par la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant et par les décrets qui l’ont suivie n’ont eu pour l’instant que peu d’effet, en raison de la faiblesse des moyens accordés aux départements pour les mettre en œuvre. Il en résulte une grande iniquité territoriale.

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, que j’ai l’honneur de présider, a pris le temps d’examiner ce texte. Pour l’ensemble des raisons que je viens de développer, et à l’aune des efforts qui ont été fournis, notamment par la commission des lois et en particulier par Mme la rapporteure, nous ne nous opposerons pas à ce texte. Cela ne veut pas dire pour autant que nous voterons en sa faveur !

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