Ce pacte n’est pas acceptable

Madame la ministre, après les déboires des négociations précédentes, nous revoilà à discuter de la nouvelle mouture des ambitions de la Commission pour la politique d’asile et d’immigration commune. Le rapport d’information de nos collègues de la commission des affaires européennes, publié le 29 septembre, ne nous laisse guère d’espoir sur l’issue des négociations engagées.

La France prendra la présidence de l’Union européenne le 1er janvier avec, il faut le dire, une crédibilité internationale pour le moins entamée. Les quelques points de convergence existant aujourd’hui sont bien minces, car l’égoïsme des uns crée la défiance des autres. Les mêmes logiques portées vers le rejet sont à l’œuvre, sans avenir, sans vision : filtrage, éviction, retour, expulsion…

Nous poursuivons tristement notre sous-traitance honteuse en confiant aux pays tiers, dont la Turquie, la gestion des personnes migrantes. Comment les États ont-ils fait front pour accueillir les Afghans ? En se livrant à des comptes d’apothicaires, en mobilisant des garde-frontières et en déléguant notre dignité aux pays voisins.

Allons-nous laisser adopter des dispositions éparses et parmi les plus répressives d’un pacte qui ne répond en rien aux exigences humanitaires actuelles ? Pis, il propose un nouveau règlement relatif aux situations de crise et de force majeure, et prévoit des dérogations aux règles qui s’appliquent en matière d’asile, en suspendant, par exemple, l’enregistrement des demandes d’asile pour une durée d’un mois maximum.

Cette mesure entérine des pratiques contraires au droit international et européen, auxquelles a recouru notamment la Grèce, début mars 2020, pour refouler les migrants venus de Turquie. Alors que ce nouveau pacte veut tirer les leçons du passé, il choisit, à l’approche de catastrophes humanitaires à venir, un mécanisme pour que l’Union se dérobe à ses responsabilités. Les crises que nous allons vivre ne peuvent s’accommoder de cette démission. Les réfugiés climatiques seront 250 millions en 2050, d’après l’ONU, sans parler des crises politiques qui rebattront régulièrement les cartes des équilibres régionaux et précipiteront dans l’exil nombre de familles.

Madame la ministre, quelle sera la position de la France sur ce sujet ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question. Pour répondre à sa première partie, je rappelle que le pacte ne vise pas à déroger au droit, bien au contraire, puisqu’il vient justement renforcer les règles communes au niveau européen. L’objectif est de nous donner des règles communes et cohérentes, dans lesquelles chaque pays puisse pleinement se reconnaître. C’est la raison pour laquelle les discussions, qui ont commencé depuis si longtemps, se poursuivent entre les différents pays, quels que soient les objectifs propres de chacun. Il est vrai, toutefois, qu’une partie de nos difficultés actuelles sont liées à de trop fortes divergences entre les États membres. C’est pourquoi nous sommes en train de travailler, comme d’autres États membres, pour trouver un juste équilibre entre les responsabilités et la solidarité, entre les droits et les obligations. Il ne s’agit absolument pas de se dérober à ces exigences.

En ce qui concerne l’Afghanistan, un travail commun a été mené par un certain nombre de pays européens. Ici, la Diair, dans le cadre du travail d’intégration qu’elle mène, a demandé aux personnes que nous avons pu faire sortir de Kaboul et d’Afghanistan pour les faire venir sur notre sol, si elles souhaitaient rester en France ou se diriger vers d’autres pays européens.

Il y a toujours un travail partenarial entre la France et l’Allemagne pour les familles qui souhaitent rejoindre ce pays, qui est le plus souvent demandé, mais une majorité de réfugiés afghans souhaitent rester en France et s’engager dans une démarche de demande d’asile. C’est souvent parce qu’ils ont des liens avec la France, soit qu’ils aient travaillé pour l’armée française ou pour les services de la France en Afghanistan, soit qu’ils soient francophiles, qu’ils parlent français, ou qu’ils aient eux-mêmes des liens amicaux ou familiaux avec la France. Telles peuvent être les raisons qui leur donnent envie de rester ici et de se lancer dans une démarche d’intégration sur le sol français.

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