N’est-il pas temps de renouer avec nos valeurs et nos principes républicains ?

Madame la ministre, la tenue de la COP21 et les attentats de novembre 2015 qui ont endeuillé la France ont donné le coup d’envoi à de multiples dérogations au code frontières Schengen. En pratique, la libre circulation des personnes au sein de la zone ne s’applique plus dans la pratique.

Censés être transitoires, les contrôles aux frontières sont devenus permanents, malgré les rappels à l’ordre de l’Union européenne, la crise de la covid-19 fournissant une nouvelle occasion d’utiliser la clause de sauvegarde par les États membres.

Après ces six années de régime d’exception en matière de politique migratoire, le bilan est pour le moins déplorable : la politique sécuritaire en la matière, la criminalisation de la solidarité et la pénurie de moyens nous éloignent toujours plus d’une coopération réelle et du respect des droits fondamentaux des personnes migrantes.

Dans un avis rendu sur la situation à la frontière franco-italienne, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) déclarait avoir « été profondément choquée par les violations des droits des personnes migrantes constatées et par les pratiques alarmantes observées sur ces deux zones frontalières, où la République bafoue les droits fondamentaux, renonce au principe d’humanité et se rend même complice de parcours mortels ». Il semblerait que la situation se répète actuellement à la frontière espagnole.

Madame la ministre, à moins d’un an de la présidence française de l’Union européenne, n’est-il pas temps de rompre avec ces mauvaises pratiques et de renouer avec nos valeurs et nos principes républicains en la matière ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice Assassi, j’ai rappelé dans mon intervention liminaire que la politique de contrôle aux frontières s’effectuait dans le respect du droit et sous le contrôle du juge. À la frontière italienne, le Conseil d’État n’a pas jugé illégaux les dispositifs de mise à l’abri des migrants dans des décisions de 2017 puis de 2021, mais a enjoint à l’administration d’y apporter des améliorations, ce qui est d’ores et déjà en cours.

Le principe, c’est qu’un État doit savoir qui entre sur son territoire. Mieux contrôler les personnes qui tentent d’entrer irrégulièrement sur le territoire, ce n’est, somme toute, que les contrôler au moins aussi bien que les personnes qui franchissent les frontières régulièrement tous les jours par voie terrestre, maritime ou aéroportuaire, qui sont contrôlées et passées au fichier pour vérifier que la sécurité des Français n’est pas menacée.

Cette attention légitime à la sécurité de nos concitoyens n’est pas incompatible avec le réel effort de solidarité que nous assumons. La France est l’un des États qui accueillent le plus grand nombre de demandeurs d’asile – 133 000 enregistrements par l’Ofpra en 2019 – au sein de l’Union européenne.

Nous nous adaptons à cette réalité. Le parc d’hébergement des demandeurs d’asile a doublé en cinq ans, avec plus de 110 000 places aujourd’hui. La France, par solidarité avec les pays européens, a relocalisé plus de 5 000 personnes depuis la Grèce et l’Italie entre 2015 et 2018, 1 000 de plus depuis la Grèce pour la seule année 2020. Elle a aussi été à l’initiative du mécanisme dit de La Valette pour les secours en mer, qui représente 1 200 relocalisations dans ce cadre.

La France n’a donc pas à rougir des réels efforts de solidarité qu’elle mène à cet égard.

Retour en haut