Ce drame humain n’est pas à la hauteur de nos principes républicains

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que la majorité sénatoriale s’inquiète de « la multiplication des demandes d’asile obéissant à des motifs socio-économiques plutôt qu’à des motifs politiques et du faible nombre d’éloignements auquel il est procédé », nous nous préoccupons, pour notre part, du manquement grave de notre pays à ses obligations en matière d’asile, notamment en matière d’accueil, et de la politique d’enfermement des migrants, opérée également à l’encontre des enfants.

Aussi, je vous le dis d’emblée, si nous nous opposons vertement aux crédits de cette mission « Immigration, asile et intégration », nos motifs sont diamétralement opposés à ceux des rapporteurs et de la commission des lois.

La hausse des crédits de cette mission s’inscrit pleinement dans la poursuite des objectifs dressés par la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie du 10 septembre 2018, dite loi Collomb.

Dans la droite ligne des réformes précédentes, cette loi a accentué la mise sous contrôle des demandeurs d’asile et multiplié les obstacles et les contrôles entravant, de fait, l’accès des étrangers à leurs droits fondamentaux.

Je ne peux aborder l’ensemble de la problématique, mais je voudrais aujourd’hui insister sur la question de l’hébergement des demandeurs d’asile et sur celle de l’enfermement des migrants.

Après 66 évacuations de campements depuis 2015 à Paris, l’évacuation brutale, place de la République, la semaine dernière, a mis en relief les dysfonctionnements de la politique d’asile en France : près de la moitié des demandeurs d’asile ne sont pas pris en charge. Telle est la réalité.

Malgré les créations de places de ces dernières années, le dispositif national d’accueil pour demandeurs d’asile reste marqué par un important sous-dimensionnement.

En octobre, selon l’OFII, 147 400 demandeurs d’asile ont reçu une allocation mensuelle, alors que la capacité d’accueil au sein du dispositif national d’accueil s’élève à 81 119 places. Ainsi, plus de 66 000 demandeurs d’asile seraient privés de prise en charge.

Cela va sans dire, les 4 500 places supplémentaires prévues dans ce budget ne permettront pas de rattraper le retard.

À cela s’ajoute la crise sanitaire en cours, qui, d’une part, fausse les chiffres, les prévisions, et donc le budget pour 2021, et, d’autre part, dégrade davantage les conditions sanitaires des campements de fortune rendus encore plus insalubres.

Il en est de même dans les centres de rétention administrative et dans les zones d’attente : la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté et l’Observatoire de l’enfermement des étrangers ont demandé dans ce contexte que soient libérés immédiatement les retenus. En vain !

De nombreuses associations, dont Médecins du monde et Amnesty International, dénoncent la banalisation de la privation de liberté des personnes étrangères. Cette politique « punitive » du Gouvernement envers les étrangers détenus dans les centres de rétention administrative entraîne des tensions et des drames : grève de la faim, émeutes, automutilation, tentatives de suicide… Pourtant, le Gouvernement s’entête en augmentant encore avec ce budget le nombre de places prévues dans les 21 CRA du pays. Ainsi 480 places supplémentaires sont-elles budgétisées.

Dans ces CRA, on continuera de compter des enfants, car le Gouvernement et sa majorité persistent également dans leur refus d’interdire l’enfermement des enfants, en dépit des condamnations multiples de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). En 2019, 136 familles, dont 279 enfants, ont été enfermées en rétention en métropole, et plus de 3 000 à Mayotte !

Le drame humain qui se joue dans l’échec de notre politique migratoire n’est pas digne de nos grands principes républicains. C’est pourquoi nous nous opposerons aux crédits de cette mission.

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