Les crédits de la présente mission sont insuffisants pour répondre à l’enjeu de l’égalité républicaine

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord saluer l’ensemble des membres de la délégation sénatoriale aux outre-mer. Réunis ce matin, nous avons élu notre collègue Stéphane Artano à la présidence de cette délégation. Je me permets une nouvelle fois de le féliciter.

La délégation peut maintenant reprendre ses travaux. Il ne fait nul doute que leur qualité continuera à être reconnue, dans la lignée de ceux qu’avaient été entrepris les deux présidents précédents, MM. Serge Larcher et Michel Magras.

Mes chers collègues, vendredi dernier, nous nous sommes retrouvés derrière un amendement de notre collègue Victorin Lurel sur la mission « Plan de relance » pour créer un nouveau programme, intitulé « Plan pour l’égalité réelle outre-mer » et doté de 2,5 milliards d’euros. C’est à peu près le montant des crédits de la mission « Outre-mer » que nous examinons aujourd’hui.

L’objectif de cette mission est de réduire les écarts entre l’Hexagone et les collectivités d’outre-mer. C’est ambitieux, mais impératif.

Lorsque l’on parle d’égalité républicaine, nous avons l’ambition que les valeurs qui s’y rattachent soient partagées sur tout le territoire français, peu importe la distance qui sépare Paris de Papeete, Cayenne ou Pointe-à-Pitre.

Les crédits de la présente mission sont insuffisants pour répondre à cet enjeu de l’égalité républicaine. Certains soulignent l’évolution de l’enveloppe globale. Certes ! Pour notre part, nous souhaitons insister sur la baisse des crédits de paiement de l’action Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle, sur la diminution de 5 % de ceux du programme « Conditions de vie outre-mer », de quasiment 3 % de l’action Logement ou encore de 10 % de l’action Aménagement du territoire.

Nous parlons de crédits de paiement. À cet égard, nous souhaitons alerter, comme malheureusement chaque année, sur la sous-consommation des crédits de la mission « Outre-mer ». Cette non-utilisation de crédits ne justifie en rien la réduction des moyens alloués. Les difficultés à engager les dépenses de cette mission sont inacceptables. Nous demandons au Gouvernement d’agir à ce sujet. Le Parlement ne peut voter des crédits qui ensuite ne sont pas utilisés, alors que les outre-mer en ont cruellement besoin !

Le Gouvernement et le Parlement doivent être vigilants sur la bonne exécution des crédits du plan de relance comme de cette mission, ainsi que sur leur déclinaison dans les collectivités qui manquent d’appui en matière d’ingénierie de projet, dont l’État est responsable.

Cette sous-exécution chronique concerne notamment le logement, dont les crédits sont très inférieurs au niveau constaté jusqu’en 2017 et bien en deçà des besoins ressentis en outre-mer. Il y a 69 432 demandeurs de logements sociaux et les besoins de logements sociaux sont évalués à plus de 10 000 par an. La crise du logement en outre-mer est nourrie par la forte pression démographique, la rareté du foncier, l’urbanisation rapide, la pauvreté des ménages et l’insalubrité. Pourtant, la commission des finances dénonce un niveau de crédits « historiquement bas ».

La crise touche de manière différenciée nos collectivités d’outre-mer, mais elle aggrave les inégalités. Rappelons que la part des jeunes de 18 ans en difficulté de lecture varie entre 30 % et 75 % dans les départements d’outre-mer, contre 10 % dans l’Hexagone. Le taux de chômage est deux à trois fois plus élevé qu’en métropole. Les personnes les moins qualifiées y sont surexposées. Par conséquent, la formation des jeunes doit être améliorée, et il faut renforcer les moyens de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, d’autant plus que ses dispositifs sont déstabilisés par la crise.

Les effets de la pandémie creusent les écarts existants. C’est également vrai sur le plan économique, au regard de la grande dépendance des outre-mer à l’extérieur et au tourisme, avec de fortes incidences sur le pouvoir d’achat. Rappelons que les produits alimentaires coûtent en moyenne 12 % plus cher en outre-mer, et même jusqu’à 28 % à La Réunion, où un quart des habitants vivent avec moins de 867 euros par mois.

La pauvreté s’ajoute à cette « vie chère ». Le taux de pauvreté atteint ainsi 77 % à Mayotte, contre 14 % en France métropolitaine, où seul le taux de pauvreté de la Seine-Saint-Denis est à peu près comparable à celui de certains territoires ultramarins.

L’épidémie implique d’appliquer des règles sanitaires de base, comme se laver les mains. Toutefois, comment en faire un geste naturel lorsque l’on n’a pas d’eau au robinet ? Une réelle politique de l’eau doit être mise en œuvre en outre-mer, où la vétusté des réseaux entraîne, au quotidien, des coupures et des contaminations.

Monsieur le ministre, des crédits nous sont présentés, mais leur lecture ne nous inspire aucun enthousiasme. Nous savons bien que nous abordons un sujet transversal, touchant l’ensemble des ministères, mais votre rôle est essentiel pour faire entendre la voix de l’outre-mer auprès du Gouvernement. Les enjeux sont de taille !

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