Ce texte témoigne d’une volonté de contrôler la contestation sociale

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si le principe même de la navette parlementaire a un sens et ne se résume pas à une posture politicienne, il faut laisser du temps au débat, afin de pouvoir peser les arguments des uns et des autres, au Sénat comme à l’Assemblée nationale.

Hier en fin d’après-midi, le compte rendu intégral de la nouvelle lecture de ce projet de loi à l’Assemblée nationale, qui s’est tenue le 30 juin, n’était toujours pas en ligne. Par conséquent, pourquoi cette précipitation, alors que l’état d’urgence sanitaire se termine le 10 juillet ?

En première lecture au Sénat, le 22 juin dernier, j’avais voté sans hésitation contre ce projet de loi qui crée une nouvelle catégorie d’état d’exception, la « sortie » d’état d’urgence sanitaire, durant laquelle des restrictions, des interdictions, des réglementations exorbitantes du droit commun subsistent.

J’avais alors dénoncé avec force le projet originel du Gouvernement, qui permettait au Premier ministre de restreindre de manière arbitraire les libertés publiques jusqu’au 30 octobre prochain, sans que le Parlement ait à se prononcer de nouveau.

Alors qu’à l’annonce de ce projet de loi la majorité sénatoriale avait élevé le ton, en particulier par la voix de M. le président de la commission des lois, elle s’est au bout du compte arrêtée au milieu du gué, en supprimant la possibilité d’interdire les manifestations, mais en maintenant celle de réglementer les libertés publiques. Or chacun sait qu’une réglementation excessive, tatillonne, peut entraîner une grande restriction de droits pourtant constitutionnellement fondés.

Lors de la commission mixte paritaire, la majorité de l’Assemblée nationale n’a pas cédé sur ce qui constitue pour elle l’essentiel. En effet, elle a réintroduit la possibilité d’interdire l’exercice de certaines libertés publiques, en premier lieu les libertés de circulation et de réunion. Certes, elle a conditionné ces nouvelles interdictions à un cadre géographique limité, mais cela change-t-il vraiment quelque chose ?

À cette étape de la discussion, la commission des lois du Sénat a adopté une posture plus radicale sur la forme, en déposant une motion tendant à opposer la question préalable. Je le répète, pourquoi ne pas avoir rejeté ce texte d’emblée, dès la première lecture, d’autant que nous connaissons l’aveuglement de la majorité qui soutient sans faillir Emmanuel Macron à l’Assemblée nationale ? Pourquoi ce projet de loi, alors que l’article L. 3131-1 du code de la santé publique accorde des pouvoirs très larges au ministre de la santé en cas de circonstances exceptionnelles ?

Comment ne pas s’interroger sur l’obstination du pouvoir exécutif à vouloir maintenir cette situation dangereuse pour notre liberté ? Comment ne pas y voir la volonté de garder les moyens de contrôler la contestation sociale qui ne manquera pas de se développer, tant la violence de la crise s’abat sur les plus défavorisés, sur les salariés, tant l’absence de réponse aux légitimes revendications des personnels soignants choque ?

Oui, il faut un état d’urgence, monsieur le secrétaire d’État, mais un état d’urgence sociale, pour accompagner les victimes sanitaires et économiques de la crise de la covid-19. L’interdiction des licenciements, l’augmentation des salaires et des minimas sociaux, le blocage des prix dans l’alimentation ou l’énergie sont des exemples de mesures à prendre dans ce cadre. Bien évidemment, vous n’évoquez pas cette urgence-là… Allez-vous enfin renoncer à votre réforme injuste de l’assurance chômage ? Sur ce point, je crois véritablement qu’il y a urgence ; il en va de même pour la réforme des retraites.

Nous voterions contre ce projet de loi si sa nouvelle lecture allait jusqu’à son terme, mais nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable déposée par la commission des lois, même si nous avons des divergences avec sa majorité.

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