L’article 2, en transférant à l’autorité politique le pouvoir d’interdire à une personne de manifester, ne pourra qu’être jugé non conforme à la Constitution

Mon groupe votera sans hésitation cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Mes chers collègues, l’équilibre entre respect de la liberté de manifester et respect de l’ordre public imposé par l’article X de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est manifestement rompu et la jurisprudence du Conseil constitutionnel à ce sujet est contredite.

Faut-il rappeler au Gouvernement et aux adeptes du « nouveau monde » de La République En Marche que cette Déclaration a une valeur pleinement constitutionnelle, faisant partie intégrante du bloc de constitutionnalité ?

Cette proposition de loi, par chacun de ses articles, mais également dans sa globalité, offense l’article X du texte fondateur de 1789.

L’addition des articles, à l’exception du modeste article 1er A, porte gravement atteinte à la liberté d’expression et d’opinion, dont le véhicule est, justement, le droit de manifester.

L’article 2, en transférant à l’autorité politique le pouvoir d’interdire à une personne de manifester, de surcroît, sur l’ensemble du territoire et pour une durée maximum d’un mois, ne pourra qu’être jugé non conforme à la Constitution. C’est inéluctable !

L’article 4, qui sanctionne lourdement la dissimulation du visage, même partielle et sans élément intentionnel, ne respecte pas non plus les libertés fondamentales.

L’article 6, sur les peines complémentaires, pose également de lourdes questions.

Les modifications apportées par la majorité de l’Assemblée nationale au texte sénatorial ont provoqué un dérapage incontrôlé et la décision d’Emmanuel Macron de saisir lui-même le Conseil constitutionnel se rapproche de la sortie de route.

Le Président de la République est piégé par un texte de circonstance, qui visait à diaboliser le mouvement des « gilets jaunes » pour tenter de reprendre la main à tout prix, et il a accouché d’un monstre juridique.

M. François Grosdidier. La proposition de loi est antérieure au mouvement des « gilets jaunes » !

Mme Éliane Assassi. Nous appelons solennellement le Sénat à prendre ses responsabilités en votant l’irrecevabilité.

J’indique, enfin, que mon groupe souhaite s’associer à la saisine du Conseil constitutionnel qui est en cours de préparation, en rappelant que soixante sénatrices et sénateurs peuvent exercer ce droit.

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