Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Derrière les beaux discours sur le respect des territoires, se cache la volonté de favoriser le parti majoritaire

Nombre de conseillers territoriaux : demande de renvoi en commission -

Par / 4 juillet 2011

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne peux pas dire que je sois satisfaite d’être appelée, une nouvelle fois, à examiner un texte fixant le nombre des conseillers territoriaux dans chaque département et dans chaque région. Nous pensons que le Parlement a autre chose à faire que de débattre plusieurs fois d’un même projet de loi du fait d’erreurs manifestes, de coups tordus volontaires, accumulés par le Gouvernement dans le contenu de ce texte et dans les procédures employées.

Malheureusement, cet entêtement à tordre les règles républicaines n’a pas trouvé devant lui une majorité de parlementaires pour l’empêcher de perdurer. Ce n’est pourtant pas faute de vous avoir alertés, mes chers collègues, notamment quand notre groupe soulevait, le 7 juin dernier ici même, l’exception d’irrecevabilité par une motion de procédure défendue par notre collègue Jean-François Voguet, au motif de l’inconstitutionnalité de nombreux aspects de ce texte.

Vous aviez alors, monsieur le ministre, demandé à votre majorité de rejeter cette motion, sans contester pourtant notre argumentation. En revanche, notre rapporteur, lui, contestait nos arguments, en particulier celui qui soulevait l’obligation qu’un tel texte soit déposé devant le Sénat en première lecture.

Pour ne pas insister, je vous renvoie, mes chers collègues, au compte rendu de cette séance et vous appelle à méditer sur ce que le Gouvernement vous amène parfois à dire et à faire. En effet, vous avez été tout de même 187 sénateurs et sénatrices à déclarer constitutionnel un texte de loi jugé inconstitutionnel quelques jours plus tard. Cela devrait vous faire réfléchir.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est en général un texte voté que le Conseil constitutionnel déclare inconstitutionnel…

Mme Éliane Assassi. Vous comprenez très bien ce que je veux dire, monsieur le président de la commission.

Le Gouvernement n’est pas toujours bon conseilleur et vous perdez bien souvent tout sens de la mesure et de votre mission en acceptant des textes contraires à notre droit fondamental.

Ainsi, par deux fois et pour des raisons différentes, le Conseil constitutionnel a censuré ce tableau de répartition départemental et régional du nombre de conseillers territoriaux. C’est donc la troisième fois que nous y revenons, et ce n’est peut-être pas la dernière. En effet, d’autres motifs d’inconstitutionnalité ont été et seront encore soulevés par les groupes de l’opposition et risquent d’être retenus par le Conseil constitutionnel dans le cadre d’une prochaine saisine.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !

Mme Éliane Assassi. Il est donc urgent que nous prenions le temps d’un examen sérieux afin d’être assurés de légiférer sur un texte enfin constitutionnellement recevable, que l’on en approuve ou non le contenu.

C’est la première raison de notre demande de renvoi devant la commission des lois de notre assemblée. Laisser du temps au temps est une nécessité, car cela nous permettra de mieux comprendre l’ensemble des enjeux portés par ce projet de loi, qui pourtant semble simple, ou qui nous est en tout cas présenté comme tel.

Mais, chaque fois que nous sommes appelés à discuter de la répartition du nombre de conseillers territoriaux, nous nous rendons mieux compte des différents problèmes que ce projet de loi soulève sur le terrain de sa propre légalité, mais aussi sur son application et sur ses liens avec d’autres réglementations en cours et à venir.

Ainsi, cette question semble de plus en plus liée aux schémas départementaux de coopération intercommunale, les SDCI, actuellement en débat dans tous les départements. Lors de notre dernière discussion, nous étions les seuls à faire état du lien existant entre les intercommunalités et le périmètre des futurs cantons. Dorénavant, ce lien semble reconnu par tous et cela commence même à se dire publiquement.

La question a même été soulevée lors des débats organisés par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation et elle est présente dans le rapport que la délégation vient de rendre à propos de la mise en place des SDCI. Plusieurs sénateurs ont fait référence à cette question.

Aussi, permettez que nous insistions sur cet aspect important concernant le rapport entre la définition des futurs périmètres communautaires et les futurs cantons. Nul ne peut penser que les préfets aient réfléchi aux périmètres des intercommunalités en oubliant leur réflexion sur le contour des futurs cantons.

La diminution drastique du nombre d’EPCI, avec dans le même temps l’augmentation du nombre des communautés d’agglomération et des communautés urbaines créent de nouveaux territoires élargis, qui permettront sans doute d’accueillir en leur sein un ou plusieurs cantons.

La diversité sociologique, et électorale, rassemblée dans ces nouveaux territoires permettra aussi, sans aucun doute, des découpages cantonaux favorisant de nouveaux équilibres politiques ; le charcutage électoral que vous allez conduire en sera facilité !

Ce sont d’ailleurs ces raisons qui nous ont motivés et amenés à lancer un appel à la vigilance de l’ensemble des élus locaux du haut de cette tribune le 7 juin dernier, lors d’une de nos interventions dans la discussion générale, sur ce même projet de loi.

Aussi, afin d’éviter le télescopage de ces nouveaux découpages territoriaux, intercommunautaires et cantonaux, et empêcher que ceux-ci ne s’entremêlent, il nous faut, à notre avis, découpler dans le temps les deux procédures et les deux réflexions. C’est la deuxième raison qui motive notre demande de renvoi de ce texte devant la commission des lois de notre assemblée.

Par ailleurs, chacun se souvient certainement que, dès l’origine de la réforme des collectivités locales, il était prévu que le projet de loi n°61, intitulé « Élection des conseillers territoriaux et renforcement de la démocratie locale », nous permette de légiférer sérieusement sur cette question. Or, alors que nous n’entendions plus parler de ce texte, vous nous avez annoncé, monsieur le ministre, que celui-ci nous serait soumis à l’automne et qu’il permettrait d’apporter les correctifs nécessaires et urgents à la réforme du 16 décembre 2010. Ainsi, nous aurons une nouvelle fois à débattre des conseillers territoriaux, dans quelques semaines, à partir de ce projet de loi n°61.

Dès lors, puisque rien ne justifie la précipitation du Gouvernement à faire adopter dès maintenant ce projet de loi – je vous rappelle en effet que les élections des conseillers territoriaux, s’ils voient le jour, ne se dérouleront qu’en 2014 –, nous demandons que le tableau de répartition que nous examinons aujourd’hui soit introduit dans le débat parlementaire que nous aurons sur le projet n°61.

Il n’y a donc pas lieu de débattre aujourd’hui de cette question. C’est pourquoi nous vous demandons le renvoi de ce texte devant la commission des lois, dans l’attente de l’examen du projet de loi n°61 que vous nous avez annoncé, monsieur le ministre. C’est la troisième raison qui motive cette motion de renvoi que je vous présente aujourd’hui.

Enfin, nous considérons que le Parlement ne dispose pas actuellement de l’ensemble des éléments nécessaires à sa prise de position éclairée sur cette question.

En effet, par-delà les fortes disparités du nombre de conseillers territoriaux entre départements, que nous avons déjà dénoncées et qui mettent en cause le principe constitutionnel d’égalité de chaque citoyen devant l’expression de sa souveraineté, nous ne disposons d’aucun des éléments qui serviront de base au prochain découpage cantonal.

Nous ne disposons d’aucune information sur les principes à respecter pour définir les circonscriptions électorales de ces conseillers territoriaux dont on nous demande aujourd’hui d’avaliser le nombre. Ainsi, quelles règles de variation possibles du nombre d’habitants ou d’électeurs par canton seront appliquées ? Nul ne le sait. Les écarts à la moyenne se calculeront-ils par département ou par région ? Nul ne le sait.

En fait, nous sommes, dans l’état actuel des informations fournies par le Gouvernement, dans l’ignorance la plus totale des réelles possibilités d’application de ce projet de loi, que l’on nous demande pourtant d’approuver aujourd’hui.

Les nombres d’élus par département et par région que l’on nous demande d’adopter seront-ils suffisants pour permettre un juste équilibre entre chaque canton, dans chaque département et dans chaque région ?

M. Philippe Richert, ministre. Parce que c’est le cas aujourd’hui ?...

Mme Éliane Assassi. Vous vous êtes livrés à un calcul théorique, fondé sur la seule volonté de réduire le nombre d’élus. Mais cette définition théorique va devoir maintenant s’appliquer sur nos territoires. Nul ne sait s’il sera possible de tordre suffisamment les territoires pour permettre l’application de ce que vous proposez aujourd’hui.

Ainsi, au sein d’une même région et parfois même au sein d’un même département, la localisation des habitants est telle que, par exemple, la concentration du plus grand nombre dans une ou plusieurs agglomérations donnera à ces territoires un nombre d’élus largement majoritaire au sein des futurs conseils généraux. Est-ce ce que vous souhaitez ? Je n’en suis pas sûre. Alors, allons-nous vers des écarts très importants entre le nombre d’habitants par canton ? Nous le craignons.

Ce qui est sûr, c’est que nous ne savons pas quelle sera votre grille d’analyse, comment et sur quelles bases vous allez faire passer les ciseaux du découpage ou le couteau du charcutage. Pour notre part, nous redoutons le pire.

Nous savons que, derrière les beaux discours sur le respect des territoires, se cache la volonté de favoriser le parti majoritaire et même la majorité de celui-ci. Aussi, chacun d’entre nous, mes chers collègues, sera comptable de ce résultat devant chacun de ses électeurs en septembre prochain et plus largement devant l’ensemble de nos concitoyens. Songeons-y avant de rejeter cette motion et d’adopter ce texte.

Pour notre part, nous considérons qu’en l’adoptant en l’état nous signons un chèque en blanc au Gouvernement. Ce faisant, le Sénat ne jouerait pas le rôle qui lui est dévolu. D’une certaine façon, nous n’assumerions pas notre responsabilité de faire la loi en toute clarté, en parfaite connaissance des conséquences de nos choix.

C’est pourquoi nous demandons au Gouvernement de nous donner toutes les informations nécessaires pour nous forger l’assurance que ce tableau pourra s’appliquer dans le respect de notre loi fondamentale assurant l’égalité des citoyens devant le vote. Qu’il nous propose des simulations, au moins des tests, somme toute une vraie étude d’impact, comme il lui en est fait obligation !

C’est la quatrième et dernière raison de notre demande de renvoi de ce projet devant la commission des lois, en attendant les informations complémentaires qui nous manquent aujourd’hui.

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