La copie finale s’avère pire que le brouillon

La loi de programmation de la recherche, massivement rejetée par la communauté universitaire se révèle, à la sortie du processus parlementaire plus dangereuse encore qu’à sa présentation en juillet par Frédérique Vidal.

La programmation budgétaire est prévue sur 10 ans jusqu’en 2030. Cette durée même de programmation rend le projet insincère, car incertain, car il peut engager trois majorités différentes. D’autre part, la montée en charge annoncée par le ministère de 5 milliards d’euros se résumera, au final, selon le rapporteur de la commission des finances du Sénat, à un unique milliard d’euros une fois l’inflation neutralisée. Ce milliard d’euros d’investissement sera d’autant plus inefficace qu’il s’inscrit dans la logique du financement sur projets promu depuis plusieurs années maintenant.

De plus, ce projet de loi précarise largement les acteurs de la recherche publique en multipliant les alternatives au recrutement au Statut.

Ainsi, et malgré les mises en garde du Conseil d’État quant à une possible inconstitutionnalité au regard de l’égalité d’accès aux emplois publics, il est prévu la création de plusieurs dispositifs de précarisation comme les chaires juniors, les CDI, limités dans le temps à une mission, ou encore les contrats doctoraux de droit privé. Ces contrats posent par ailleurs la question de l’indépendance des chercheurs et du respect des libertés académiques
garanties par la Constitution. En effet, cela marque un recul historique pour le recrutement au Statut, créé justement pour sécuriser les agents publics et les soustraire au pouvoir discrétionnaire des directeurs d’établissement. Crainte par ailleurs renforcée par l’intégration dans le texte d’un dispositif adopté au Sénat en accord avec le ministère. Ainsi, les établissements pourront procéder au recrutement de professeurs des universités et d’enseignants-chercheurs ne disposant pas de la qualification du Conseil national des universitaires, pourtant garante d’un cadre national de recrutement.

Dernier point, la loi assène un coup fatal à la démocratie et à la citoyenneté universitaire. Ainsi, en permettant aux présidents d’universités de bloquer l’application d’une décision votée en conseil central universitaire, elle contrevient au principe de séparation des pouvoirs en donnant aux directeurs d’établissement un pouvoir de contrôle de légalité dévolu à l’État. Enfin, en créant un « délit de blocage » des établissements, elle muselle toute contestation possible à l’université.

Les sénatrices et sénateurs du groupe CRCE rejetteront donc les conclusions de la CMP, tout comme ils et elles l’avaient fait lors du passage du texte au Sénat, et estiment nécessaire la saisine du Conseil constitutionnel pour qu’il statue sur plusieurs atteintes possibles à la Constitution, vis-à-vis notamment du principe d’égalité d’accès à l’emploi public et de la sincérité et l’intelligibilité de la Loi.

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