Un risque majeur pour l’industrie française

Tribune parue dans le n°108 d’Initiatives, mars 2018.

Présentée comme un « mariage entre égaux », la fusion entre l’Allemand Siemens et le Français Alstom ressemble plutôt, une fois encore, à une absorption voire à une donation. Dans tous les cas, nous assistons à la perte d’un fleuron industriel français. Certes, les éléments de langage pour justifier cet abandon sont légion : on nous présente un « Airbus du rail/du ferroviaire » ; on insiste sur la nécessité de se prémunir de la concurrence internationale face notamment au chinois CRRC, largement subventionné par l’État chinois ; et enfin on nous garantit la cotation en bourse française pour dix ans au minimum, la sauvegarde des emplois pour quatre ans, la présidence de la nouvelle entité à Henri Poupart-Lafarge (PDG d’Alstom), etc. Bref, il n’y aurait pas de quoi s’inquiéter.

C’est oublier un peu trop rapidement les exemples de ces dernières années : Airbus Safran, Nexter et Kraus Maffei, Technip et le Texan FMC. Toutes ces fusions-absorptions ont finalement abouti, soit à une perte d’emploi, soit à des fermetures de sites, soit à un pillage industriel. Prenons un exemple d’une actualité criante : la branche électricité d’Alstom, vendue à l’américain General Electric en 2014, dont 345 emplois sur 800 sont aujourd’hui menacés. GE s’était pourtant engagé à créer mille emplois. On aura oublié de lire les petites lignes du contrat, sans doute. Autant de catastrophes du point de vue non seulement de l’emploi, mais également de la perte de savoir-faire. Et c’est oublier également qu’au sein d’Airbus, véritable projet de coopération, les États allemand et français ont conservé des parts, contrairement à la fusion Alstom-Siemens, dans le cadre de laquelle l’État français n’a pas racheté les parts sur lesquelles elle détenait jusqu’en octobre 2017 une option auprès de Bouygues. Plusieurs justifications à cette désertion : Bruno Le Maire a invoqué une volonté de ne pas spéculer avec l’argent des contribuables français et il s’agissait, nous dit-on, d’une condition de réalisation de la fusion pour Siemens.

Lors de nombreuses auditions et même lors d’un déplacement à Munich, dans le cadre de la mission d’information sur « Alstom et l’avenir de la filière industrielle française » mise en place au Sénat, nous n’avons pas réussi à répondre à une question : à quoi va ressembler le nouveau groupe ferroviaire, si la fusion est menée à bien ? À ce stade, personne chez Alstom n’est capable de le dire. C’est le flou qui règne ; en dehors du montage capitalistique, aucune information précise n’est donnée sur le ou les projets industriels. Par exemple, le groupe choisira-t-il de privilégier le TGV ou l’ICE ? Au bout de 4 ans, les « synergies » évoquées, soit près de 380 millions d’euros, seront-elles des suppressions de sites ou des pertes d’emplois ? Enfin, dans le cas de doublons au niveau des sites, lesquels seront privilégiés ? Sur cette question, nous avons déjà malheureusement pu observer quelques signes. Ainsi, l’activité de signalisation, où les taux de marges atteignent parfois plus de 20 %, sera basée à Berlin.

Ce n’est donc pas autour d’un véritable projet que ce rapprochement a lieu, mais bien autour d’intérêts financiers. Si la concurrence internationale peut, en effet, représenter un risque à plus ou moins court terme, pour autant, d’autres candidats que Siemens auraient pu être envisagés, comme par exemple Bombardier. Pourquoi Siemens ? Une autre question sans réponse satisfaisante. Nous refusons cet abandon d’Alstom ainsi que la perte d’emplois, de brevets et de savoir-faire qui l’accompagneront nécessairement. Non seulement parce que les emplois sont menacés sur le territoire du fait de cette fusion, mais également parce que cette industrie d’avenir est cruciale et le sera plus encore dans les décennies à venir, à l’heure de la mobilité et du développement des transports, et à l’heure où les transports mutualisés, en commun, permettent de limiter l’impact sur le réchauffement climatique. L’innovation technologique est essentielle aujourd’hui, et Alstom est au cœur de tous ces enjeux. Soutenez cette volonté de préserver Alstom en signant la pétition « Alstom ne doit pas être bradé ».

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