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Un pouvoir central éloigné du peuple, soumis à une seule loi supérieure, celle du marché

Journées parlementaires -

Par / 19 septembre 2019

Introduction des journées parlementaires d’Unieux et Saint-Etienne.

Merci d’être ici, parlementaires, collaboratrices, collaborateurs, pour, durant deux jours, échanger, débattre, préparer une année qui s’annonce lourde sur le plan social, politique et électoral.

Les sessions ordinaires et extraordinaires que nous avons vécues depuis septembre 2018 se sont déroulées dans un contexte exceptionnel, dans un contexte dur face à un pouvoir bousculé, ébranlé, mais déterminé à appliquer coûte que coûte un programme libéral dogmatique et parfaitement injuste.

E. Macron et son gouvernement agissent fort et vite depuis le 6 mai 2017.
Durant la première année de son mandat, il a frappé fort, profitant à plein de l’effet de surprise de son élection. En usant à plein d’une rhétorique habile, fondée sur le « en même temps », sur une argumentation démagogique mais efficace, il a pu abroger l’ISF et casser le statut de la SNCF.

Rien ne semblait s’opposer à l’évidence de l’offensive néolibérale maquillée d’un vernis progressiste.

Puis d’un coup, la machine s’est enrayée en juillet 2018.
Nous avions cependant eu un premier signe au Sénat à l’occasion du tollé contre le rejet par le gouvernement de notre proposition de revalorisation des retraites agricoles.
En juillet 2018, l’affaire Benalla a fait tomber le masque du pouvoir en mettant en lumière un monde d’intrigue, de connivence, l’autoritarisme et de violence.
Au même moment, un sursaut parlementaire à l’Assemblée nationale bloque la révision constitutionnelle.

Cet évènement politique ne doit pas être minimisé. La République en marche, le gouvernement, le Président de la République encore arrogant quelques jours auparavant à Versailles où nous avons le 9 juillet 2018 prêter ensemble le serment de faire face à cette monarchie présidentielle, tout ce beau monde s’est retrouvé seul, incapable d’imposer une révision constitutionnelle qui s’attaquait frontalement aux pouvoirs déjà bien limités du Parlement.

Un fait doit nous questionner et peut soulever débat : c’est la question démocratique, des barbouzeries du pouvoir à la marche vers une République plus autoritaire, joug d’un hyper-président omnipotent qui a enclenché la large crise politique et sociale qui allait suivre.

Rappelons-nous cet intérêt stupéfiant de nos concitoyens pour l’affaire Benalla, l’écoute inédite dans les cafés, par le peuple, des auditions organisées par la commission des lois au cœur de l’été.

Oui, la Démocratie est abîmée dans notre pays, comme dans bien d’autres endroits : il suffit de se tourner vers nos voisins, Grande-Bretagne, Italie, Allemagne, avec cette montée inquiétante de l’extrême-droite dans ce pays marqué au fer rouge par le nazisme. L’avènement Trump et Bolsonaro souligne l’ampleur du recul démocratique, de la confusion démocratique.

Notre démocratie est abîmée. Je l’ai dit, le Parlement est depuis des décennies attaqué.
Le rationalisme parlementaire, comme le dénomme les professeurs de droit constitutionnel, a confié petit à petit des pouvoirs déraisonnables à un pouvoir exécutif hypertrophié, méprisant pour le peuple et ses élus.

Nous, sénatrices, sénateurs, député.e.s, constatons année après année, cet affaiblissement.

Les causes sont profondes. La crise politique n’est bien entendu pas qu’une affaire institutionnelle et puise sa source dans les injustices croissantes insupportables que connaît notre pays.

Mais quand même, tout le monde sait que la corrélation entre l’élection du Président de la République au suffrage universel, les pouvoirs considérables que lui confie la Vème République et l’avènement du quinquennat et de l’inversion du calendrier en 2000, ont instauré une domination du Président de la République sur les institutions.
Cet état des choses a mis plus en évidence la mise à l’écart du peuple, du peuple souverain devrais-je rappeler, symbolisée par le reniement honteux du résultat du référendum de 2005, par des partis dominants, alors d’accord sur l’essentiel : l’instauration d’un libéralisme décomplexé en Europe.

La défiance de nos concitoyennes et de nos concitoyens à l’égard des institutions nationales, à l’égard de la politique – un sondage publié par Le Monde lundi dernier, souligne que seuls 10% font confiance aux partis politiques.
Les maires échappent à ce mauvais jugement.

La proximité des élus avec la population, la résistance de ce dernier îlot de service public qu’est la mairie dans un monde dérégulé et massivement privatisé, explique pour une bonne part cette situation.

Mais cette capacité des maires, au-delà de leur dévouement bien souvent constaté, dépend de choix économiques et sociaux, de choix budgétaires. La crise s’amplifiant vu les moyens pour les communes, leurs compétences se réduisant. Bientôt, ces femmes et ces hommes courageux ne pourront plus faire face.
L’enjeu des municipales de l’année prochaine c’est aussi celui-là, organiser une résistance démocratique, préserver l’exercice d’un mandat citoyen essentiel, préserver la commune, rempart contre les ravages du libéralisme.

La démocratie selon E. Macron c’est donc un pouvoir central éloigné du peuple, soumis à une seule loi supérieure, celle du marché. Le Parlement est donc un obstacle. Le débat démocratique est un obstacle, le droit d’amendement, qui fonde la souveraineté parlementaire puisqu’il nous donne le droit d’influer sur les propositions du pouvoir exécutif est un obstacle. E. Macron souhaitait réduire les compétences du Sénat et de l’Assemblée nationale. Y a-t-il renoncé ? Non. Il a transmis aux Présidents des deux chambres la responsabilité de le faire par voie de modification du Règlement.
Ce sont ainsi Richard Ferrand et Gérard Larcher qui prônent la restriction des pouvoirs des parlementaires, pratiquant ainsi une forme d’automutilation.

Quant à la réduction du nombre de parlementaires, nous avons déjà dit que redresser la démocratie ne passe certainement pas par moins de représentantes et représentants, mais par une représentativité réelle et une interaction à tous les niveaux entre peuple, élu.e.s et administration.

Ce dérèglement démocratique auquel nous assistons génère affaire sur affaire. La déconnexion entre pouvoir et peuple autorise le pouvoir à se permettre n’importe quoi, à se sentir intouchable, comme une forme de nouvelle autocratie.
Comment ne pas constater que ce pouvoir méprisant au pied d’argile - lorsque l’on connaît les conditions de l’élection d’E. Macron - s’appuie sur une justice bien souvent aux ordres, sur des médias bien complaisants, dominés par des financiers en accointance avec le pouvoir.

La décision courageuse d’un juge de Lyon sur l’affaire des « décrocheurs » ne doit pas faire oublier la soumission du parquet aux directives gouvernementales. Mme Belloubet, dans un beau lapsus, n’évoquait-elle pas « ses procureurs ». Le procès qui s’ouvre aujourd’hui de J-L. Mélenchon, quoi que l’on puisse penser de sa stratégie de défense qui n’engage que lui-même, met en lumière un rapport malsain entre pouvoir exécutif et justice. Cela est incontestable et cela doit être dénoncé.

Décidément, les affaires Ferrand, les révélations sur Mme Belloubet elle-même et même le comportement indécent d’Isabelle Balkany après internement de son mari, montrent que beaucoup dans le monde politique n’ont rien compris à l’explosion de colère de novembre dernier qui a secoué le pays durant de longues semaines.
Ces comportements sont une véritable provocation à l’égard des milliers de femmes et d’hommes qui vivent mal, qui souffrent.

Ce n’est plus supportable. Ce doit cesser. Il faut mettre un terme à cette Vème République en décomposition, et révolutionner les institutions.
Nous avons des propositions, portons-les, n’ayons pas peur de l’audace, soyons audacieux !

Cette souffrance démocratique, elle puise sa source, je l’ai dit, dans la violente crise sociale, dans ce monde d’injustice où le luxe le plus indécent côtoie le dénuement extrême.

Je ne vous abreuverai pas de chiffres, vous les connaissez. Mais deux données suffisent à résumer mon propos : la première, 5% des plus riches disposent de près de 40% du patrimoine et la seconde, 5% des plus riches ont une espérance de vie supérieure de 13 ans à celle des 5% les plus pauvres.

Tout le démontre, un changement de logiciel complet dont la clef est une nouvelle répartition des richesses doit être enclenché pour barrer la route à ce libéralisme sauvage qui réorganise le monde et les sociétés, au profit de quelques milliers de puissants.

Comment accepter que dans notre pays, l’une des toutes premières puissances mondiales, des services publics fondamentaux comme la santé, l’école ou le logement, soient à la dérive ?

Comment accepter qu’une logique comptable présentée comme incontournable, justifie la fin de notre régime de retraite par répartition, justifie le recul sans fin de l’âge du juste droit au repos ?

La généralisation de la retraite par point, soumis aux aléas conjoncturels des politiques gouvernementales, c’est, je le rappelle, point de retraite !

Remettre en cause le droit même à la retraite, c’est opter pour une forme d’esclavagisme moderne. Le jeune qui rentre aujourd’hui sur le marché du travail, devra-t-il travailler jusqu’à la fin de sa vie pour pouvoir vivre ?
C’est déjà le cas pour bien des retraités aux ressources misérables. Cela va se généraliser.

Toucher aux principes mêmes d’une retraite sécurisée, l’exposer aux aléas économiques et politiques avec le recours au point, c’est s’attaquer à un droit fondamental.

E. Macron manœuvre face à l’inquiétude et la colère qui émergent face à ce coup de force antisocial.

Il ouvre une période de parodie de négociations avec les partenaires sociaux. Il va nous resservir le grand débat avec une présence médiatique et E. Philippe annonce l’adoption d’un projet de loi d’ici la fin de l’été 2020.

Parodie de discussion car nous savons qu’E. Macron a pris sa décision. Il vient d’ailleurs de déclarer devant les parlementaires comme chef de la majorité (adieu la séparation des pouvoirs), « Nous l’avons promis, on le fera ».

C’est là la force de pouvoir actuel. Il s’appuie de manière indécente sur des institutions qui protègent durant 5 ans un Président, même mal élu, et lui permettent d’avancer à marche forcée.

Combien de nos concitoyennes et concitoyens ont voté le 6 mai 2017 pour la remise en cause de notre système de retraite ?

Certainement pas une majorité et probablement une infime minorité des inscrits, 4, 5 ou 6%.

Cette réforme des retraites est un donc un coup de force des libéraux qui profitent des faiblesses de l’opposition politique. Les parlementaires communistes et leurs ami.e.s ici présentes et présents, seront dans la rue le 24 pour exiger le retrait de ces projets et pour ouvrir d’autres perspectives sociales.

Le partage du travail est de doute évidence, avec le partage des richesses au cœur d’un projet alternatif révolutionnant l’ordre capitaliste existant.

Reculer l’âge de la retraite, étendre la durée du travail est contraire au bon sens.
Réduire le temps de travail, ramener la retraite à taux plein à 60 ans, c’est permettre de s’attaquer au chômage de masse, à la précarité.

Des défis immenses s’annoncent avec la robotisation et l’avènement de l’intelligence artificielle. C’est un défi à l’échelle mondiale. De toute évidence, dans un proche avenir, à l’horizon 2050, le travail va profondément muter.

La bonne réponse n’est certainement pas la politique profondément antisociale liée aux appétits du capitalisme mondialisé.

Ce capitalisme n’est certainement pas la bonne réponse non plus au défi climatique et aux menaces pesant sur la biodiversité. A ce titre, nous avons vraiment raison de nous opposer à la ratification du CETA dont l’objet est de soumettre à la libre concurrence la production de biens et de services et donc de multiplier les consommations inutiles de biens et d’énergies non renouvelables qui pèsent sur notre agriculture et notre alimentation. La remise en question de ce système est donc un objectif qui lie étroitement luttes sociales et écologiques qui devraient bientôt ne plus qu’une.
Les mobilisations qui montent, nous en serons dès le 21 septembre, pour rappeler qu’on ne peut changer le climat sans changer de système sont un formidable espoir.
Les annonces comme celles d’avant-hier sur le relèvement du niveau de hausse minimum des températures d’ici 2100 est profondément anxiogène et il y a effectivement de quoi s’inquiéter.

Mais il faut faire attention à une tentation de culpabiliser les populations sans désigner les premiers responsables que sont les industriels et grands décideurs économiques et financiers et les dirigeants qui les protègent.

Un nouveau modèle de société est à construire, un nouveau mode de consommation doit émerger, s’appuyant sur un développement considérable des services publics. En effet, c’est une démarche collective, citoyenne qui apportera les réponses et non pas la course aux intérêts privés.

Maîtriser les transports aériens, grand facteur de pollution, ne passe certainement pas par la privatisation d’ADP.

Développer les transports en commun et en premier lieu le ferroviaire ne passe pas par la destruction de la SNCF.

Développons le fret ferroviaire en recul constant depuis 20 ans. Ré-ouvrons la ligne Perpignan-Rungis. L’urgence écologique c’est cela.

Stoppons l’arrêt des autoroutes et bien au contraire, développons les anti-trains comme les trains de nuit.

Mettons un terme aux fermetures de petites lignes et de gares, ré-humanisons ces dernières et bien entendu, moi qui suis usagère quotidienne du RER B, comme d’autres ici, mettons le paquet pour rendre leur dignité aux usagers des transports en région parisienne qui galèrent chaque jour faute d’investissements.

Barrons la route à la privatisation des barrages hydroélectriques.
ADP, j’y reviens, ne peut être privatisée sans référendum.

Nous mettons, avec d’autres, élu.e.s, associations, militantes, militants, toutes nos forces dans la bataille du référendum. Je me félicite du succès du recueil de signatures à la Fête de l’Humanité, 10 000 au moins, à laquelle les parlementaires et leurs collaboratrices et collaborateurs ont bien contribué sur leur stand.

Une procédure constitutionnelle est engagée dans le cadre de l’article 11 de la Constitution. Ce n’est donc pas une simple pétition, c’est l’exercice d’un droit citoyen au même titre que le droit de vote par exemple.

Le gouvernement ne joue pas le jeu. Il a construit un site archaïque, rébarbatif pour le recueil des signatures. Il refuse des moyens aux communes pour diffuser l’information et développer la collecte de signatures.

L’audiovisuel public refuse de faire le minimum démocratique en matière d’information du grand public et le CSA fait la sourde oreille.

Avec les 248 parlementaires qui ont signé la proposition référendaire à l’origine du processus, nous allons prendre des initiatives pour accélérer la campagne et gagner l’accès à l’audiovisuel public.

Nous allons également saisir la Commission Nationale du débat public pour ne pas laisser au seul E. Macron le bénéfice de l’organisation de rencontres sur tout le territoire et faire fonctionner cette instance qui pourra ainsi servir à quelque chose.
J’ai tenté de cibler un certain nombre de grandes questions de manière non exhaustive, je n’ai pas insisté par exemple sur la question cruciale du droit à se soigner, car je sais que les parlementaires animateurs du tour de France des hôpitaux reviendront très certainement sur leur action dans la discussion qui va s’ouvrir.

Comment ne pas évoquer avant de conclure la tentative honteuse du Président de la République pour dévier le débat sur les questions migratoires. Ce dirigeant qui a axé sa campagne ou les élections européennes sur le progressisme, tente dans un accès de démagogie populiste, de diriger le peuple vers des débats nauséabonds.

Les bourgeois qu’il a évoqués dont il est un digne représentant, il est lui-même un soldat de la bourgeoisie financière, ont depuis bien longtemps soufflé sur les braises du racisme et de la xénophobie pour diviser le peuple, les salariés.

Affirmer que le racisme est par essence lié au milieu populaire est une provocation, en un sens, historique.

E. Macron peut casser le mouvement social et politique qui s’élève contre lui en agitant de vieux démons.

Il prépare également la future échéance présidentielle en ressortant sa carte maîtresse, celle de son alliée qui l’a porté au pouvoir, M. le Pen.

Le mouvement des gilets jaunes lui-même l’a montré, la première préoccupation populaire, c’est le pouvoir d’achat, l’emploi, c’est la justice sociale et fiscale, c’est l’avenir de nos enfants, la santé et la prise en charge des anciens. E. Macron et son gouvernement sentent le désir du peuple de se réapproprier son destin de tourner la page de ce système de plus en plus autoritaire et antisocial.

Nous débattrons de tout cela et de bien d’autres choses comme d’importantes questions soulevées par la loi bioéthique durant ces deux jours. Nous reviendrons sur le projet de budget dicté par Bruxelles qui, on le sait déjà, écorne les budgets de l’écologie et de la santé, un comble dans le contexte actuel.

A vous la parole, réfléchissons ensemble sur les voies du rassemblement pour stopper une bonne fois pour toute l’offensive d’E. Macron

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