Tribunes libres

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Stop aux violences policières et au racisme ! 

Réunion publique à la bourse du travail de Gennevilliers -

Par / 14 mars 2017

L’acte abominable commis à l’encontre de Théo Luaka à Aulnay-sous-Bois nous rappelle la violence inouïe qui peut parfois alimenter les relations entre citoyens et forces de l’ordre dans nos quartiers.

Car, hélas, ces faits ne constituent pas un événement tragique et isolé ; ils font écho à des pratiques pour le moins douteuses de contrôle policier et d’interpellation bien connues dans les quartiers populaires. Ce n’est pas un fait divers, « c’est un fait de société », a d’ailleurs estimé le défenseur des droits, Jacques Toubon, au moment des faits.

Mon propos en l’occurrence n’est pas de remettre en cause le travail et la déontologie de l’ensemble de nos forces de sécurité, dont nous reconnaissons la qualité de l’engagement, qui plus est dans le contexte actuel, et avec le peu de moyens dont elles disposent.

Mais une tension permanente, dont témoignent les forces de l’ordre et les citoyens, existe dans ces quartiers. Nous reconnaissons la dégradation des conditions de travail de la police de terrain, mais il convient aussi d’entendre les voix des nombreuses associations et des citoyens. Tous évoquent des contrôles d’identité discriminatoires, parfois répétés, voire systématiques. Les palpations de sécurité sont souvent faites hors des règles du code de déontologie des forces de sécurité, et s’apparentent trop fréquemment à une véritable atteinte à la dignité humaine.

Or, au lieu de proposer de véritables mesures d’apaisement, le gouvernement en place nous a proposé — dans un contexte anxiogène d’inflation législative de lois antiterroristes depuis plusieurs années, et de multiplications de dispositifs d’urgence depuis le 13 novembre 2015 — de refondre l’usage des armes des forces de l’ordre. Alors que la loi « anti-terroriste » du 3 juin 2016 prévoyait déjà que les policiers, militaires de Sentinelle, gendarmes et douaniers puissent faire usage de leur arme en cas de « périple meurtrier ».

Ainsi note-t-on une fois encore un glissement des lois d’exception vers notre droit commun de plus en plus dicté par le tout sécuritaire. Des mesures qui risquent de trouver une application dans la répression de la délinquance « ordinaire » plutôt que dans la lutte contre le terrorisme.

Avec ce projet de loi (dont nous demanderons l’abrogation avant la fin de l’intersession), nous constatons, une fois encore, et avec une gravité certaine, que la « gauche » socialiste au pouvoir aura bâti les fondations solides à l’édifice du tout sécuritaire qu’érigera aisément un futur gouvernement de droite dure…

C’est l’illustration du basculement dangereux de l’État social à l’État pénal…
Ce que nous réclamons au Parlement, c’est de cesser de faire la loi dans l’émotion.

La peur sert de prétexte à un mode de gouvernement, un programme politique qui s’élabore indépendamment des émotions des citoyens. C’est ce que nous enseignent l’historien Patrick Boucheron et le politologue Robin Corey dans un entretien intitulé Exercice de la peur : usages politiques d’une émotion.

L’affaire Théo comme l’ensemble des affaires dites de « violences policières » témoignent de l’urgence d’une réflexion importante sur l’organisation de nos forces de l’ordre. Dans ce cadre, il est temps de restaurer une police de proximité soucieuse du vivre ensemble et dans le même temps de mettre en œuvre des garde-fous aux dérives policières (avérées par des décisions de justice) en mettant en place, par exemple, les récépissés lors des contrôles d’identité. Je souhaiterais insister sur ces deux points (qui sont liés).

Depuis le rapport Guichard de 1976 jusqu’au rapport de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) sur la Seine-Saint-Denis en 2007, l’éloignement progressif entre police et population n’a cessé d’être mis en avant. Aujourd’hui la situation est par endroits très dégradée avec des conséquences négatives sur les citoyens, les services de police et de gendarmerie, et finalement la sécurité de tous.

Aujourd’hui, l’existence des contrôles d’identité discriminatoires dits « au faciès » est une réalité incontestable. Comme le révèle également l’étude menée conjointement par des chercheurs du CNRS et Open Society Justice initiative : en moyenne une personne noire a six fois plus de risque qu’une personne blanche de subir un contrôle d’identité et une personne « arabe » huit fois plus. D’autant que ces contrôles abusifs viennent au quotidien s’ajouter à la liste des discriminations dont sont victimes beaucoup de nos concitoyens : discrimination à l’embauche, discrimination à l’accès au bail, etc., ces « cérémonies permanentes de dégradation » de leurs propres mots.

Avant d’aller plus loin, je voudrais être claire sur un point, l’ambition de la proposition de loi que nous avons déposée l’année dernière pour lutter contre les contrôles d’identité abusifs n’est pas de remettre en cause l’usage ciblé et approprié des contrôles d’identité dans un objectif de prévention et de répression de la délinquance.

Au contraire, un des objectifs de notre proposition de loi est d’améliorer les relations entre la police et la jeunesse, pour qui, surtout dans nos quartiers, le premier contact avec l’Etat, la République est : l’école et… la police !

Il serait injuste de parler de la police dans sa généralité et de penser que tous les policiers sont unanimes sur le sujet : nombre d’entre eux sont favorables à une révision de l’article 72-8 du code de procédure pénale et à l’expérimentation de la remise d’un récépissé lors des contrôles.

Fonctionnaires de police et de gendarmerie souffrent eux aussi de cette détérioration des relations avec les citoyens.
La remise d’un récépissé permettrait aussi de les protéger et de leur donner un cadre davantage délimité dans leur mission, afin qu’ils s’emploient par ailleurs plus efficacement à leur travail d’enquête.

Le principe d’efficacité de la police, entérinée par Nicolas Sarkozy est parvenu à faire de nos anciens « gardiens de la paix » des « forces de l’ordre » : changement sémantique particulièrement éloquent et révélateur de la désincarnation de notre police et de la tentative d’instrumentalisation de leur travail à des fins politiques. À ce sujet, je vous invite à lire La force de l’ordre (une anthropologie de la police des quartiers) de Didier Fassin (professeur de sciences sociales).

Loin des imaginaires que nourrissent le cinéma et les séries télévisées, il raconte le désœuvrement et l’ennui des patrouilles, la pression du chiffre et les doutes sur le métier, les formes invisibles de violence et les manifestations méconnues des discriminations. Inscrivant ces pratiques policières dans les politiques qui la rendent possible, il montre qu’elles visent moins à protéger l’ordre public qu’un certain ordre social.

L’usage généralisé des lanceurs de balles de défense (flash-ball) a également été un changement de doctrine majeur. L’usage d’une arme visant un citoyen a été banalisé. Dans les banlieues, le nécessaire recours au flash-ball est quotidien, symptomatique d’une relation police/population réduite à la force. Surtout depuis la suppression de la police de proximité en 2003 par Nicolas Sarkozy (alors ministre de l’Intérieur) lui reprochant de jouer les « assistantes sociales ».

Après 15 ans d’échec Sarko-Vallsiste, c’est toute la politique de sûreté et de sécurité qui doit être refondée. Une refondation d’autant plus cruciale et difficile dans un contexte de réduction drastique des moyens pour nos forces de l’ordre.

Car rappelons que les premiers mots d’ordre des policiers mobilisés à l’automne dernier portaient : –d’une part, sur des revendications matérielles → la vétusté des locaux, les véhicules et les protections inadaptées ;
– et, d’autre part, sur des revendications « salariales », telles que les millions d’heures supplémentaires accumulées.

Or, une fois encore le gouvernement a éludé la question des moyens. La mise en place des mesures sur le cadre d’usage des armes ne masquera pas la « paupérisation » des deux forces de l’ordre, qui ne disposent plus des moyens en fonctionnement et en investissement pour assurer leurs missions.
Il faudrait s’attacher à défendre les conditions de travail concrètes des policiers qui sont des travailleurs du service public et notre sécurité publique ne s’en verra que renforcée !

Par ailleurs, dans un contexte d’état d’urgence renouvelé de manière incessante, il faut avoir le courage d’affirmer que ce régime d’exception a trouvé ses limites en matière de politique répressive. C’est maintenant un autre état d’urgence qu’il faut déclencher : celui de la mise en mouvement de la société pour repousser la division. Cet état d’urgence populaire doit s’appuyer sur une autre politique économique et budgétaire.

Notre société va mal. Nos concitoyens refusent les choix libéraux (comme cette désastreuse loi Travail). Ils aspirent à vivre en paix, à vivre en sécurité, à vivre heureux, au travail comme en famille, avec leurs amis.
L’état d’urgence sécuritaire, cette surenchère souvent indécente et irresponsable, ne répond en rien à cette attente.

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