Tribunes libres

Parues dans la presse ou dans le journal du groupe, retrouvez ici les tribunes libres signées par les membres du groupe CRC.

Lire la suite

Combattre la précarisation des jeunes

Lutter contre l’uberisation et réfléchir à un vrai droit au revenu -

20 avril 2021

Alors que la crise sanitaire et économique se traduit à présent en crise sociale, il est de plus en plus urgent d’apporter une réponse politique ambitieuse face à la précarité des jeunes. Je propose de porter la réflexion politique sur deux plans : d’une part, la lutte contre le capitalisme de plateformes, qui risque à terme de fragiliser l’ensemble des corps de métier, et d’autre part, un droit au revenu afin de forger les armes pour construire une société plus juste et solidaire.

Les chiffres en disent beaucoup plus que de longs discours : la pauvreté qui frappait déjà 9 millions de personnes en France, dont 3 millions d’enfants avant la crise, va se voir gonfler d’un million de personnes supplémentaires d’ici à la fin de l’année. Parmi les personnes concernées, la tranche d’âge la plus frappée est celle des jeunes âgés de 18 à 29 ans : d’après l’Observatoire des Inégalités, le taux de pauvreté a littéralement doublé entre 2002 et 2017, passant de 8,2% à 12,6%.

Il va sans dire que la crise a aggravé cette situation : les jobs étudiants qui permettaient d’assurer le financement des études ont été brutalement stoppés ou rendus impossibles avec le confinement. Les jeunes traversant des ruptures familiales se sont vus d’autant plus isolé.es dans ce contexte qui ne permet d’être au contact d’autres personnes qu’à travers les visioconférences.

Mais si le numérique a pu maintenir un lien nécessaire dans cette situation exceptionnelle, il convient d’être vigilant.es face aux situations monopolistiques qu’il a aussi créé pour nombre de plateformes numériques, dont Amazon est l’illustration parfaite : face à la fermeture forcée des commerces de proximité, l’entreprise qui avait déjà fait des profits exorbitants lors du premier confinement se prépare à mettre les bouchées double, tirant profit de ses pratiques de dumping social. Amazon, dont l’impunité fiscale, sociale et environnementale se fait de plus en plus connaître[1].

D’autres entreprises, suivant ce modèle de capitalisme de plateformes, ont largement bénéficié du contexte de crise : la livraison à domicile par des plateformes comme Deliveroo ou UberEats s’est faite au détriment de conditions de travail décentes pour leurs employés. Des travailleurs dits « indépendants » mais qui se trouvent être économiquement dépendants, parmi lesquels se sont trouvés de nombreux jeunes[2]. Face à cette situation, il est important d’user de tous les leviers existants - en particulier le levier législatif. C’est la raison pour laquelle, avec mon collègue Fabien Gay et avec les autres sénatrices et sénateurs du groupe Communiste Républicain Citoyen et Ecologiste (CRCE), nous avons déposé une proposition de loi portant sur le statut des travailleurs des plateformes numériques de travail.

Fruit d’un travail collectif impliquant acteurs de terrain, universitaires, syndicaux et politiques, cette PPL visait à renforcer les droits de ces travailleurs en les intégrant dans le livre 7 du Code du Travail ; cela afin d’octroyer la protection dont dispose le statut salarié, tout en assurant l’autonomie dont aspirent nombre de professionnel.les des plateformes. Si la proposition n’a pas été retenue par le Sénat, elle permettra malgré tout je l’espère de mettre le pied dans la porte d’un débat indispensable aujourd’hui : combattre le capitalisme de plateformes, qui risque à l’avenir de se propager vers tous les pans de métiers.

Mais ce combat contre le capitalisme de plateformes est un combat de longue haleine. Une sorte de David contre Goliath, car les travailleurs ubérisés se trouvent face à des géants du numérique, dont le pouvoir économique dépasse parfois le budget de certains Etats. Ainsi, pour avoir une chance de remporter cette bataille, il est indispensable de se donner les moyens de lutter et de construire des alternatives souhaitables. Pour cela, nous avons besoin de renforcer notre socle de sécurité économique, à commencer par celui des jeunes populations, qui sont les premières touchées par l’ubérisation et la fragilité économique qui l’accompagne. La sécurité économique est indispensable à l’engagement militant, à la construction d’idéaux et à la confrontation politique. Qu’il s’agisse d’étudiant.es ou de jeunes professionnel.les, je plaide donc pour un véritable droit au revenu. Un droit à la vie digne, qui permette d’éviter de tomber dans l’écueil du travail ubérisé comme seule alternative à la précarité.

La proposition[3]d’un revenu étudiant promue par l’Union des Etudiants Communistes va ainsi dans le sens de cette sécurité économique nécessaire, de même que l’élargissement du RSA aux 18-25 ans, ou encore celle d’un revenu minimum garanti, comme soutenu par une grande diversité d’acteurs de la société civile, qui garantirait que personne ne vive plus sous le seuil de pauvreté[4]. Je suis convaincu de l’importance de telles propositions pour permettre à notre jeunesse d’entrer sereinement et avec optimisme dans la vie active.

Plus qu’un pied dans la porte, nous avons aujourd’hui besoin de nous donner les moyens pour que le travail ne soit pas qu’une source de subordination et de précarisation, mais bien plus un espace d’épanouissement et d’utilité sociale pour le plus grand nombre. En ce sens, l’avenir du travail doit être central dans le débat public aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle je soutiens l’organisation d’un événement d’ampleur nationale sur le sujet, une sorte de convention citoyenne pour le travail, qui rassemblerait acteurs associatifs, syndicaux, politiques, universitaires et citoyens. Nous devons nous mettre autour de la table afin de penser collectivement l’avenir de l’emploi, sa revalorisation et son partage. Afin que le jour d’après, ne ressemble pas à celui d’avant-hier, construisons ensemble les alternatives souhaitables pour le monde de demain.

— -

[1] « Impunité fiscale, sociale, environnementale - Immersion dans le modèle Amazon » : https://france.attac.org/IMG/pdf/amz-hd.pdf

[2] Voir à ce sujet le très beau film « Les Délivrés » de Thomas Grandrémy, portant sur la lutte des livreurs des plateformes. Il sera diffusé le 16 novembre sur France 3.

[3]« Etudier c’est travailler », campagne de l’UEC : https://etudier-cest-travailler.fr/

[4] Voir notamment les travaux du collectif Alerte, du collectif RMG ou de l’Observatoire des Inégalités : https://www.secours-catholique.org/actualites/minima-sociaux-au-rsa-tu-ne-peux-rien-faire

https://www.inegalites.fr/Pour-la-creation-d-un-revenu-minimum-unique

Les dernieres tribunes

Tribunes libres Face à la politique libérale d’Emmanuel Macron, une autre voie est possible

Déclaration politique du groupe Communiste Républicain Citoyen et Ecologiste - Par / 6 octobre 2020

Tribunes libres Face à la crise démocratique, quelle révolution constitutionnelle ?

Interventions des participants au colloque organisé le 5 mars au Sénat - Par / 12 mars 2018

Tribunes libres Stop aux violences policières et au racisme ! 

Réunion publique à la bourse du travail de Gennevilliers - Par / 14 mars 2017

Tribunes libres C’est l’Amérique

Trump, Obama, Clinton, Sanders... - Par / 11 novembre 2016

Administration