Nos propositions de loi et de résolution

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Reconnaissance et indemnisation des victimes des essais nucléaires

Par / 2 décembre 2008

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Pour la première fois, après le dépôt - en six ans - de dix-huit propositions de loi de parlementaires de la majorité comme de l’opposition, la présente proposition de loi a pour objet - forte d’un équilibre transpartisan - de répondre à l’attente de toutes les personnes qui ont soit participé en tant que militaires ou civils aux essais nucléaires effectués par la France entre le 13 février 1960 et le 27 janvier 1996, soit vécu à proximité des sites d’expérimentation du Sahara (Reggane et In Eker) ou de Polynésie française.

Nombreux sont celles et ceux, aujourd’hui regroupés en associations, qui font état de graves problèmes de santé, notamment cancéreux, mais aussi ophtalmologiques et cardiovasculaires. Les mêmes problèmes de santé se retrouvent chez les personnels militaires, les civils du CEA et des entreprises sous-traitantes d’origine métropolitaine que chez nos concitoyens de Polynésie française ou même des populations qui ont été employées en Algérie sur les sites d’essais du Sahara.

Au-delà de la question de l’utilité stratégique militaire de ces essais, nous ne pouvons ignorer leurs conséquences sur la santé, même après plusieurs dizaines d’années. Les témoignages abondent de vétérans ou d’anciens salariés décédés dans la force de l’âge de pathologies que certains médecins n’hésitent pas à attribuer à la présence de leur patient sur un site d’essais nucléaires.

Des dizaines de vétérans ont, depuis des années, engagé des procédures en justice pour obtenir droit à pension ou à indemnisation en réparations des préjudices qu’ils attribuent aux essais nucléaires. Plusieurs tribunaux ont reconnu le bien-fondé de ces demandes et les jugements font état de « conséquences d’irradiation pouvant se révéler tardivement, même jusqu’à plusieurs décennies après l’exposition au danger radioactif ». Cependant, il y a un surcroît d’injustice à contraindre les victimes de ces activités à entreprendre des actions judiciaires longues, coûteuses et aléatoires, alors qu’est avéré le lien de causalité entre ces activités et des pathologies cancéreuses, ophtalmologiques et cardiovasculaires.

Les mêmes pathologies se retrouvent chez les vétérans ou les populations ayant vécu à proximité des sites d’essais nucléaires des autres puissances qui ont effectué les mêmes expérimentations. C’est le cas notamment aux États-Unis et en Grande-Bretagne, mais aussi en Australie, en Nouvelle-Zélande et aux Fidji où des ressortissants de ces pays ont participé aux essais anglais en Australie et aux Iles Christmas et également aux îles Marshall où ont été effectués des essais nucléaires par les États-Unis.

Dans ces différents États, les gouvernements ont pris - certains depuis longtemps - des dispositions concrètes pour faire droit aux revendications de leurs ressortissants :

- depuis la fin des années 1950, les États-Unis ont mis en place un suivi médical spécifique des populations des îles Marshall et ont créé un fonds d’indemnisation pour les populations déplacées de ces atolls ;

- le 25 avril 1988, le Sénat américain a adopté une loi d’indemnisation des vétérans exposés aux radiations, en établissant une présomption d’un lien avec le service, pour des maladies dont souffrent les vétérans ayant été exposés aux radiations. Cette loi américaine, révisée en 2002, a ainsi défini une liste de vingt-neuf maladies cancéreuses ;

- en Nouvelle-Zélande, le gouvernement a financé une étude sur un groupe de cinquante vétérans utilisant la méthode des tests radiobiologiques permettant de démontrer l’exposition aux radiations. Les résultats de cette étude ont été publiés dans une revue médicale internationale en février 2008. Un système de prise en charge des vétérans et de leurs descendants a également été mis en place ;

- le gouvernement australien après avoir publié la liste nominative des personnes affectées aux essais britanniques sur son territoire (environ 16 500) a financé, à la hauteur de 500 000 dollars, une étude épidémiologique qui a permis, en juin 2006, l’adoption d’une loi d’indemnisation ;

- le gouvernement britannique, vient d’accorder en février 2008 le financement - à la hauteur de 412 000 livres - d’une étude radiobiologique indépendante sur la santé des membres de l’association des vétérans anglais, et a décidé la révision de ses propres études épidémiologiques,

- le gouvernement canadien vient de créer, le 2 septembre 2008, un fonds d’indemnisation de 22,4 millions de dollars pour le millier de vétérans canadiens exposés dans les années 50 aux effets nuisibles d’armes atomiques dans le désert américain du Nevada.

- le Comité scientifique pour l’étude des rayonnements ionisants de l’ONU (UNSCEAR), dans un rapport de 2006, vient de reconnaître que les « effets non ciblés » des radiations peuvent être à l’origine des cancers et des maladies non cancéreuses sans la relation avec la dose reçue.

Il s’avère donc qu’une initiative législative représenterait un message fort de reconnaissance vis-à-vis de tous ceux et celles qui ont eu à subir des séquelles sur leur santé et celle de leurs descendants du seul fait de leur participation aux expériences nucléaires de la France.

Nous proposons donc, à l’instar de ce qui a été fait pour les salariés victimes de l’amiante, de créer, sous la forme d’un établissement public à caractère administratif, un Fonds d’indemnisation des préjudices résultant d’une exposition aux rayonnements ionisants ou à une contamination interne due aux essais nucléaires effectués entre le 13 février 1960 et le 27 janvier 1996.

Telles sont les raisons de la proposition de loi que nous vous demandons d’adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Il est établi le principe de présomption de lien avec le service pour la ou les maladies dont souffre toute personne, civile ou militaire, ayant participé à une activité à risque radioactif lorsqu’elle était en service actif, c’est-à-dire lorsqu’elle a participé sur site à une explosion d’un dispositif nucléaire entre le 13 février 1960 et le 27 janvier 1996.

Article 2

Peuvent obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices :

1° Les personnes qui ont subi un préjudice résultant d’une exposition à des rayonnements ionisants et/ou à une contamination interne à l’occasion d’une explosion d’un dispositif nucléaire au Sahara entre le 13 février 1960 et le 16 février 1966, ou en Polynésie française entre le 2 juillet 1966 et le 27 janvier 1996 ;

2° Les descendants des personnes exposées à des rayonnements ionisants et/ou à une contamination interne dans les conditions visées au 1°, subissant un préjudice lié aux effets trans-générationnels d’une telle exposition ;

3° Les ayants droit des personnes visées aux 1° et 2°.

Article 3

Il est créé, sous le nom de « Fonds d’indemnisation des victimes des essais nucléaires », un établissement public national à caractère administratif, doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, placé sous la tutelle des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.

Cet établissement a pour mission de réparer les préjudices définis à l’article 2. Il est alimenté pour partie par les crédits de la défense alloués au titre de la compensation de l’arrêt des essais nucléaires.

Il est administré par un conseil d’administration composé de représentants de l’État, des organisations siégeant à la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, des associations de victimes des essais nucléaires ou de leurs descendances et de personnalités qualifiées. Il est présidé par un magistrat.

L’organisation et le fonctionnement du Fonds d’indemnisation des victimes des essais nucléaires sont fixés par décret.

Article 4

Il est créé auprès du Premier ministre une Commission nationale de suivi des essais nucléaires, composée des ministres chargés de la défense, de la santé, de l’environnement et des affaires étrangères ou de leur représentants, du Président du gouvernement de Polynésie française ou de son représentant, de deux députés et de deux sénateurs, de représentants des associations représentant les victimes des essais nucléaires et leurs descendances, de représentants des organisations syndicales patronales et de salariés.

La répartition des membres de cette commission, les modalités de leur désignation, son organisation, son fonctionnement et ses missions sont précisés par décret en Conseil d’État.

Le Président de la Commission nationale des essais nucléaires est membre de droit de la direction du département de suivi des centres d’expérimentations nucléaires créé par l’arrêté conjoint du 7 septembre 1998 par le ministre de la défense et le secrétaire d’État à l’industrie.

Le suivi des questions relatives à l’épidémiologie et à l’environnement, jusqu’à présent attribué au département du suivi des centres d’expérimentations nucléaires, est attribué à la Commission nationale de suivi des essais nucléaires.

La Commission nationale de suivi des essais nucléaires assure le suivi médical des populations qui vivent ou ont vécu à proximité des sites visés à l’article 2.

La Commission nationale de suivi des essais nucléaires publie chaque année un rapport sur l’application de la présente loi.

Article 5

Les conséquences financières résultant pour l’État induites de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une majoration des droits visés par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Article 6

La présente loi est applicable aux collectivités d’outre-mer et à Mayotte.

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Bio Express

Éliane Assassi

Sénatrice de Seine-Saint-Denis - Présidente du groupe CRCE
Membre de la commission des Lois
Elue le 26 septembre 2004
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