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Fonds d’indemnisation des préjudices causés par les essais nucléaires pratiqués en Algérie et en Polynésie française

Par / 12 février 2007

PRÉSENTÉE

Par Mme Hélène LUC, MM. Guy FISCHER, Robert BRET, Robert HUE, Mmes Eliane ASSASSI, Marie-France BEAUFILS, M. Michel BILLOUT, Mme Nicole BORVO COHEN-SEAT, M. Jean-Claude DANGLOT, Mmes Annie DAVID, Michelle DEMESSINE, Evelyne DIDIER, M. Thierry FOUCAUD, Mme Gélita HOARAU, M. Gérard LE CAM, Mme Josiane MATHON-POINAT, MM. Roland MUZEAU, Jack RALITE, Ivan RENAR, Bernard VERA, Jean-François VOGUET, François AUTAIN et Pierre BIARNÈS,

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis plusieurs années, de nombreuses personnes qui ont soit participé en tant que militaires ou civils aux essais nucléaires effectués par la France entre le 13 février 1960 et le 27 janvier 1996, soit vécu à proximité des pas de tir du Sahara ou de la Polynésie française, sont regroupées en associations afin de défendre leurs droits matériels et moraux et être indemnisées des préjudices qu’elles estiment avoir subis.

Ces personnes font état de graves problèmes de santé, d’origine cancéreuse mais aussi ophtalmologique et cardiovasculaire. Ces pathologies se retrouvent aussi bien chez les anciens militaires, les salariés du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et des entreprises métropolitaines, que chez nos concitoyens de Polynésie et parmi les populations algériennes alors présentes aux alentours des sites des essais.

Actuellement, le système en vigueur dans notre pays rend complexe et aléatoire toute prise en charge de ces pathologies sous forme d’indemnisation ou de pension.

Les droits à pension sont en effet examinés sur la base de deux types de législation :

- le code des pensions militaires d’invalidité pour les militaires. Celui-ci ne prévoit pas de liste limitative des maladies susceptibles d’être radio-induites, mais l’intéressé doit apporter la preuve du lien avec le service. Cependant, dans la réalité des procédures et en l’absence de preuve indiscutable, le droit à pension peut être reconnu à partir d’un faisceau de présomptions ;

- le code de la sécurité sociale qui s’applique, quant à lui, à certains agents civils de l’État et aux salariés de droit privé ; dans sa partie relative aux maladies professionnelles, il comporte une liste limitative des maladies susceptibles d’être radio-induites.

Sur la base de ces dispositions, seule une vingtaine de décisions d’attribution de pensions au titre des conséquences des essais nucléaires sont intervenues ces dernières années. C’est notoirement insuffisant au regard du nombre de procédures en cours et du nombre de cas recensés par l’association des vétérans des essais nucléaires (AVEN) et l’association polynésienne Mururoa et Tatou.

L’injustice créée par cette situation est encore plus grande pour les anciens travailleurs polynésiens du Centre d’expérimentation du Pacifique (CEP). En droit, les pathologies dont ils souffrent ou dont ils sont décédés relèvent en effet du régime d’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles en vigueur en Polynésie. Or, il apparaît que ce système, s’il s’inspire des dispositions de notre code de la sécurité sociale, n’offre pas des garanties identiques et ne permet notamment pas, même en présence d’une faute inexcusable de l’employeur, d’obtenir une indemnisation intégrale.

Pour nos concitoyens de Polynésie ce système est ainsi doublement injuste. D’une part, il fait supporter aux partenaires sociaux polynésiens d’aujourd’hui la charge des conséquences des actes commis par l’État entre 1966 et 1996, et d’autre part, le système auquel est imputé la responsabilité d’actes qui lui sont étrangers, n’est pas en mesure d’assurer la réparation intégrale des préjudices subis.

À l’expérience, et d’une façon générale, notre système d’indemnisation de ces préjudices particuliers résultant des essais nucléaires n’est pas satisfaisant pour tous ceux qui ne dépendent ni du code des pensions militaires, ni ne relèvent des budgets de pensions de leur profession. On l’a vu, il est encore moins satisfaisant pour nos compatriotes de Polynésie.

Afin de remédier à cette situation, il conviendrait donc de créer le cadre juridique qui permettrait à l’État de procéder aux justes réparations des préjudices causés par les essais nucléaires qu’il a effectués.

Nous proposons donc, à l’instar de ce qui a été fait pour les salariés victimes de l’amiante, de créer, sous la forme d’un établissement public à caractère administratif, un Fonds d’indemnisation des préjudices résultant d’une exposition à des rayonnements ionisants ou à une contamination interne due aux essais nucléaires effectués par notre pays entre le 13 février 1960 et le 27 janvier 1996.

Tel est l’objet de notre proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Peuvent obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices :

1° Les personnes qui ont subi un préjudice résultant d’une exposition à des rayonnements ionisants et/ou à une contamination interne à l’occasion d’une explosion d’un dispositif nucléaire au Sahara entre le 13 février 1960 et le 16 février 1966, ou en Polynésie française entre le 2 juillet 1966 et le 27 janvier 1996 ;

2° Les descendants des personnes exposées à des rayonnements ionisants et/ou à une contamination interne dans les conditions visées au 1°, subissant un préjudice lié aux effets trans-générationnels d’une telle exposition ;

3° Les ayants droit des personnes visées aux 1° et 2°.

Article 2

Il est créé, sous le nom de « Fonds d’indemnisation des victimes des essais nucléaires », un établissement public national à caractère administratif, doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, placé sous la tutelle des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.

Cet établissement a pour mission de réparer les préjudices définis à l’article premier.

Il est administré par un conseil d’administration composé de représentants de l’État, des organisations siégeant à la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, des associations de victimes des essais nucléaires et de personnalités qualifiées. Il est présidé par un magistrat.

Il emploie des agents régis par les titres II, III ou IV du statut général des fonctionnaires en position d’activité, de détachement ou de mise à disposition. Il emploie également des agents contractuels de droit public avec lesquels il peut conclure des contrats à durée déterminée ou indéterminée. Il peut également faire appel à des agents contractuels de droit privé pour occuper des fonctions exigeant une qualification particulière dans le domaine de l’indemnisation des préjudices ou des maladies professionnelles. Les agents contractuels employés par le Fonds d’indemnisation des victimes des essais nucléaires sont tenus au secret et à la discrétion professionnels dans les mêmes conditions que celles qui sont définies à l’article 26 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Article 3

Le demandeur justifie de sa présence sur les sites où ont eu lieu des essais nucléaires, et de l’atteinte à l’état de santé de la victime.

Le demandeur informe le fonds des autres procédures relatives à l’indemnisation des préjudices définis à l’article premier éventuellement en cours. Si une action en justice est intentée, il informe le juge de la saisine du fonds.

Si la maladie est susceptible d’avoir une origine professionnelle et en l’absence de déclaration préalable par la victime, le fonds transmet sans délai le dossier à l’organisme concerné au titre de la législation française de sécurité sociale ou d’un régime assimilé, le cas échéant à la Caisse de prévoyance sociale de Polynésie française, ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d’invalidité. Cette transmission vaut déclaration de maladie professionnelle. Elle suspend le délai prévu à l’article 4 jusqu’à ce que l’organisme concerné communique au fonds les décisions prises. En tout état de cause, l’organisme saisi dispose pour prendre sa décision d’un délai de trois mois, renouvelable une fois si une enquête complémentaire est nécessaire. Faute de décision prise par l’organisme concerné dans ce délai, le fonds statue dans un délai de trois mois.

Le fonds examine si les conditions de l’indemnisation sont réunies : il recherche les circonstances de l’exposition aux rayonnements ionisants et/ou à une contamination interne et ses conséquences sur l’état de santé de la victime ; il procède ou fait procéder à toute investigation et expertise utiles sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ou industriel. Vaut justification de l’exposition aux rayonnements ionisants la reconnaissance d’une maladie professionnelle occasionnée par les rayonnements ionisants au titre de la législation française de sécurité sociale ou d’un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d’invalidité, ainsi que le fait d’être atteint d’une maladie provoquée par les rayonnements ionisants et figurant sur une liste non limitative établie par décret.

Il est créé une commission médicale autonome, chargée d’étudier les demandes d’indemnisation.

Dans les cas valant justification de l’exposition aux rayonnements ionisants visés au quatrième alinéa, le fonds peut verser une provision si la demande lui en a été faite, il est statué dans le délai d’un mois à compter de la demande de provision.

Le fonds peut requérir de tout service de l’État, collectivité publique, organisme assurant la gestion des prestations sociales, organisme assureur susceptibles de réparer tout ou partie du préjudice, la communication des renseignements relatifs à l’exécution de leurs obligations éventuelles.

Les renseignements ainsi recueillis ne peuvent être utilisés à d’autres fins que l’instruction de la demande faite au fonds d’indemnisation et leur divulgation est interdite. Les personnes qui ont à connaître des documents et informations fournis au fonds sont tenues au secret professionnel.

Le demandeur peut obtenir la communication de son dossier, sous réserve du respect du secret médical.

Article 4

Dans les six mois à compter de la réception d’une demande d’indemnisation, le fonds présente au demandeur une offre d’indemnisation. Il indique l’évaluation retenue pour chaque chef de préjudice, ainsi que le montant des indemnités qui lui reviennent compte tenu des prestations énumérées à l’article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, et des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même préjudice. Le fonds présente une offre d’indemnisation nonobstant l’absence de consolidation.

Une offre est présentée dans les mêmes conditions en cas d’aggravation de l’état de santé de la victime ou si une indemnisation complémentaire est susceptible d’être accordée dans le cadre d’une procédure pour faute inexcusable de l’employeur.

L’acceptation de l’offre ou la décision juridictionnelle définitive rendue dans l’action en justice prévue à l’article 5 vaut désistement des actions juridictionnelles en indemnisation en cours et rend irrecevable toute autre action juridictionnelle future en réparation du même préjudice. Il en va de même des décisions juridictionnelles devenues définitives allouant une indemnisation intégrale pour les conséquences de l’exposition aux rayonnements ionisants à la suite d’une explosion nucléaire.

Article 5

Le demandeur ne dispose du droit d’action en justice contre le fonds d’indemnisation que si sa demande d’indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans le délai mentionné au premier alinéa de l’article 4 ou s’il n’a pas accepté l’offre qui lui a été faite.

Cette action est intentée devant la cour d’appel dans le ressort de laquelle se trouve le domicile du demandeur, ou en cas de décès, le lieu de la succession.

Celui-ci a la possibilité de se faire assister ou représenter par son conjoint, un ascendant ou un descendant en ligne directe, un avocat ou un délégué des associations de mutilés et invalides du travail les plus représentatives.

Article 6

Si le fait générateur du dommage a donné lieu à des poursuites pénales, le juge civil n’est pas tenu de surseoir à statuer jusqu’à décision définitive de la juridiction répressive.

Article 7

Le fonds est financé par une contribution de l’État, dans les conditions fixées par la loi de finances.

Article 8

Les demandes d’indemnisation des préjudices causés par l’exposition aux essais nucléaires en cours d’instruction devant les commissions instituées par l’article 706-4 du code de procédure pénale à la date de publication du décret mentionné à l’article 11 sont transmises au fonds d’indemnisation des victimes des essais nucléaires. Les provisions allouées en application du dernier alinéa de l’article 706-6 du code de procédure pénale sont remboursées par le fonds d’indemnisation des victimes des essais nucléaires au fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions.

Les dispositions de l’alinéa précédent ne remettent pas en cause la compétence juridictionnelle pour connaître, en appel ou en cassation, des décisions rendues avant la date de publication du décret mentionné à l’article 3 par les commissions instituées par l’article 706-4 du code de procédure pénale.

Article 9

Il est créé auprès du Premier ministre une Commission nationale de suivi des essais nucléaires, composée des ministre chargés de la Défense, de la santé, de l’environnement et des Affaires étrangères ou de leur représentants, du Président du gouvernement de Polynésie française ou de son représentant, de deux députés et de deux sénateurs, de représentants des associations représentant les victimes des essais nucléaires, de représentants des organisations syndicales patronales et de salariés.

La répartition des membres de cette Commission, les modalités de leur désignation, son organisation, son fonctionnement et ses missions sont précisés par décret en Conseil d’État.

Le Président de la Commission nationale des essais nucléaires est membre de droit de la direction du département de suivi des centres d’expérimentations nucléaires créé par l’arrêté conjoint du 7 septembre 1998 par le ministre de la Défense et le secrétaire d’État à l’industrie.

Le suivi des questions relatives à l’épidémiologie et à l’environnement, jusqu’à présent attribué au département du suivi des centres d’expérimentations nucléaires, est attribué à la Commission nationale de suivi des essais nucléaires.

La Commission nationale de suivi des essais nucléaires assure le suivi médical des populations qui vivent ou ont vécu à proximité des sites visés à l’article premier.

La Commission nationale de suivi des essais nucléaires publie chaque année un rapport sur l’application de la présente loi.

Article 10

La présente loi est applicable aux collectivités d’outre-mer et à Mayotte.

Article 11

Les dépenses de l’État induites par l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une majoration des droits visés par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.

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Bio Express

Éliane Assassi

Sénatrice de Seine-Saint-Denis - Présidente du groupe CRCE
Membre de la commission des Lois
Elue le 26 septembre 2004
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