Les rappels au règlement
Madame la ministre, nous apprenons que vous avez engrangé des bénéfices indécents sur le dos de la souffrance de 900 salariés et de leurs familles
Affaire Danone -
Par Éliane Assassi / 27 juillet 2017Madame la ministre, hier au soir, le journal l’Humanité, daté de ce jour, a révélé des éléments sur l’énorme plus-value que vous avez réalisée le 30 avril dernier à l’occasion de la vente des stock-options que vous aviez obtenues en récompense de vos états de service en tant que directrice des relations humaines du groupe Danone. (Mmes et MM. les sénateurs du groupe CRC brandissent des exemplaires de l’Humanité.)
Cette plus-value s’élève à 1,129 million d’euros. Elle a été réalisée grâce à une flambée boursière en faveur de Danone faisant suite à l’annonce de la suppression de 900 emplois.
Ce point est extrêmement grave sur le plan éthique et, peut-être, sur le plan juridique : de par vos fonctions, vous avez organisé ce plan social et vous en avez récolté les fruits pour votre profit personnel. De là à parler d’initié, il n’y a qu’un pas à franchir...
De plus, cette révélation est grave sur le plan politique.
Madame Pénicaud, vous êtes ministre du travail. Or le projet de loi dont vous êtes chargée et dont nous discutons aujourd’hui porte en lui une véritable atomisation du code du travail, dont la conséquence sera la précarisation et l’appauvrissement de milliers et de milliers de salariés. Le plafonnement des indemnités de licenciement en est un exemple concret.
Cette situation n’est pas supportable. À l’heure où votre gouvernement se livre à des comptes d’apothicaire pour serrer de plusieurs crans la ceinture de notre peuple – réduction des aides personnalisées au logement, les APL, gel des salaires de la fonction publique, casse des services publics –, nous apprenons, alors que vous occupez une fonction ministérielle de premier plan, que vous avez engrangé des bénéfices indécents sur le dos de 900 salariés, au prix de leur souffrance et de celle de leurs familles.
Des explications sont nécessaires, de toute urgence, alors que nous débattons du projet de loi que vous défendez. Nous vous demandons donc de nous apporter les éléments nécessaires en ce début de séance ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la sénatrice, j’entends votre question.
Je pense que nous tous, dans cet hémicycle, sommes d’accord sur ce point : nous sommes ici pour fabriquer la loi, et non pour nous livrer à des approximations, voire à des propos démagogiques, au sujet de faits concernant une personne, aujourd’hui moi, présente dans cet hémicycle ; demain, il pourrait s’agir de quelqu’un d’autre.
Chacun, chacune peut avoir son appréciation quant au niveau de rémunération des dirigeants des grandes entreprises internationales,…
Mme Laurence Cohen. C’est plus qu’une rémunération…
Mme Muriel Pénicaud, ministre. … des sociétés performantes, en France et dans le monde.
Chacun est libre d’exprimer son opinion sur ce sujet.
La seule chose que je veux dire ici, très fermement et avec force, c’est qu’il s’agit d’une rémunération décidée des années avant le plan de départs volontaires qui a concerné 200 salariés chez Danone. Au total, 233 solutions ont été trouvées.
Par démagogie, laisser interpréter autre chose que les faits me semble aller hors du champ de la discussion sereine qui doit avoir lieu au Sénat. Si j’ai à m’exprimer sur ce sujet, je le ferai dans d’autres lieux et en d’autres temps.
Pour l’heure, je propose d’en rester aux faits, et, les faits, c’est que nous sommes ici pour fabriquer la loi : c’est notre responsabilité collective.