Les questions d’actualité

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Passer en force est toujours un aveu de faiblesse

Utilisation du 49.3 pour l’adoption de la loi Travail -

Par / 12 mai 2016
Recours à l’article 49-3 : passer en force est toujours un aveu de faiblesse
Sénateurs communistes
Passer en force est toujours un aveu de faiblesse

Monsieur le Premier ministre, qu’il est loin le temps où François Hollande déclarait : « Le 49-3 est une brutalité. Le 49-3 est un déni de démocratie » ! (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Vous avez donc été brutal en utilisant cette arme pour stopper le débat démocratique sur le projet de loi relatif au travail.

Je vous entends déjà me parler d’obstruction, d’une minorité de blocage qui vous aurait contraint, dans la souffrance, paraît-il, à la dégainer.

Obstruction ? Vous avez, d’emblée, bloqué les votes avant même celui de l’article 1er ! C’est vous qui avez stoppé la discussion de ce texte de 173 pages ! C’est vous qui obstruez la démocratie !

L’opposition serait minoritaire ?

M. Bruno Sido. Eh bien, oui !

Mme Éliane Assassi. Mais de quelle opposition parle-t-on, quand 75 % de nos concitoyens sont choqués par votre méthode et que 74 % refusent le projet de casse du code du travail ?

Un mouvement continu, diversifié, exigeant, tenace parcourt le pays, et c’est cela qui vous inquiète.

Passer en force est toujours un aveu de faiblesse, en politique comme dans d’autres domaines.

Aujourd’hui, vous êtes minoritaires dans le pays, minoritaires au Parlement, minoritaires au sein de votre électorat.

Vous n’incarnez plus la gauche, mais vous ne ferez pas plier celles et ceux qui sont encore de gauche et qui ne renoncent pas en répondant aux sirènes du libéralisme.

M. Roger Karoutchi. Eh oui !

Mme Éliane Assassi. Votre projet de loi relatif au travail doit être retiré sans attendre. Ce texte ne conforte pas les droits des salariés.

Brandir le totem du compte personnel d’activité n’efface pas la scandaleuse inversion des normes, recul historique qui retire la protection de la loi au salarié. C’est un affront à ceux qui vous ont portés au pouvoir, à ceux qui attendaient des changements, et non cette restauration libérale dont M. Gattaz rêvait, que M. Sarkozy n’avait pu parfaire et que la droite sénatoriale va encore durcir !

Sortez donc de votre tour d’ivoire ! Cessez les provocations à l’égard de la jeunesse et des salariés ! Allez-vous, monsieur le Premier ministre, retirer enfin ce texte du débat parlementaire ? ( Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame Assassi, je vous ai écoutée avec évidemment beaucoup d’attention et d’intérêt parler de démocratie. Vous vous appuyez sur les sondages,…

Mme Éliane Assassi. Pas vous ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. … ce qui est, d’ailleurs, une conception assez étrange du rôle du Parlement que vous venez de rappeler : la légitimité du Parlement, la légitimité du Président de la République,…

Mme Éliane Assassi. Non ! Je parle de la légitimité du texte !

M. Manuel Valls, Premier ministre. … même s’il faut, bien sûr, être en permanence à l’écoute du pays, découlent, tout simplement, du respect du mandat que le peuple a confié aux parlementaires, au chef de l’État, et je n’oublie pas le respect des institutions.

Ce débat, je le connais. L’article 49, alinéa 3, de la Constitution peut être utilisé par le Gouvernement. Il l’a fait parce que, comme je le disais tout à l’heure, il a considéré qu’il y avait l’alliance des contraires.

Vous voulez nous donner, comme d’habitude, des leçons de gauche. C’est tout à fait votre droit. Mais, dans quelques instants, à l’Assemblée nationale, vos amis communistes vont voter une motion de censure présentée par la droite répondant à un programme que vous-même, vous combattez ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe CRC.) C’est leur droit !

Et même si la motion de censure, qui était déposée par des parlementaires de gauche n’a pas pu aboutir, de toute façon, elle n’avait de chance de passer que si elle recevait les voix de la droite. Donc, ne me donnez pas de leçons de gauche, madame Assassi, sur la méthode, sur la démocratie et sur le mélange des genres !

Quant au fond – parce que c’est cela qui intéresse nos concitoyens –, nous avons une divergence. Le débat est engagé, et il est tout à fait honorable. Mais c’est vous qui passez par pertes et profits le compte personnel d’activité,…

Mme Éliane Assassi. Non ! J’en ai parlé !

M. Manuel Valls, Premier ministre. … les dispositions sur le droit à la déconnexion, sur l’égalité entre les hommes et les femmes, sur la lutte contre la fraude au travail détaché, les mesures concernant la jeunesse…

Sur le débat qui concerne le dialogue social dans l’entreprise, oui, il y a des différences. Ces différences existent d’ailleurs dans le syndicalisme, elles existent dans le débat public, dans le débat politique.

Oui, la ministre du travail, Myriam El Khomri, et moi-même avons tranché : la négociation doit avoir lieu au sein de l’entreprise, parce que, aujourd’hui, il faut tenir compte à la fois de la confiance que nous devons aux entrepreneurs, comme aux salariés.

D’ailleurs, la plupart des syndicats signent des accords dans les entreprises. Et il faut regarder comment les choses évoluent et ce qu’attendent les salariés. Il n’y a aucune inversion des normes. C’est votre argument, que j’entends et que je respecte, mais il ne correspond pas à la réalité. C’est la raison pour laquelle nous considérons qu’il faut aller jusqu’au bout.

Enfin, par rapport à ce qui se passe dans le pays et dans la rue, vous le savez, je suis – et tel est le fondement de mon engagement en politique – extrêmement attentif à tout ce qui concerne la violence. Et la condamnation de la violence, madame la sénatrice, c’est un préalable pour un débat démocratique. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Et je regrette que vous, ou M. Pierre Laurent, l’ayez oublié en permanence !

Je pense à cette violence à l’égard notamment des forces de l’ordre, cette violence qu’on encourage quand on ne condamne pas les actes commis à l’encontre des forces de l’ordre, cette violence qu’on ne condamne pas quand on laisse passer des tracts de la CGT ignobles et insupportables vis-à-vis des forces de l’ordre. (Vifs applaudissements sur la plupart des travées du groupe socialiste et républicain, sur les travées du groupe du RDSE, de l’UDI-UC, ainsi que sur celles du groupe Les Républicains – Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Madame Assassi, quand on ne condamne pas la violence à l’égard des policiers et des gendarmes – mais c’est vrai, vous n’avez voté aucun des textes de loi destinés à lutter contre le terrorisme ! –, quand on ne condamne pas la violence, alors, le jour où la violence de l’extrême droite s’emparera de la rue, vous vous trouverez bien démunie pour condamner cette violence !

En démocratie, il y a des principes. Et moi, contrairement à vous, je respecte ces principes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour la réplique.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le Premier ministre, à l’évidence, vous êtes mal à l’aise : alors que je vous pose une question sur l’article 49, alinéa 3 de la Constitution et le projet de loi relatif au travail, vous me parlez de violence.

J’ai le sentiment que, quoi que nous disions, vous aurez toujours raison. Cela me conforte dans le soutien que nous avons apporté aux cinquante-six députés de gauche qui ont tenté hier de déposer une motion de censure. Cela me conforte aussi dans le soutien que nous apportons à nos camarades députés communistes et du Front de gauche pour le vote de la motion de censure cet après-midi.

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