Les questions d’actualité

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Quand allez-vous faire entendre en Europe la voix de la France, au lieu de nous aligner sur les exigences allemandes ?

Crise chypriote -

Par / 28 mars 2013
Quand allez-vous faire entendre en Europe la voix de la France, au lieu de nous aligner sur les exigences allemandes ?
Quand allez-vous faire entendre en Europe la voix de la France, au lieu de nous aligner sur les exigences allemandes ?

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances.

L’économie chypriote, déjà ébranlée par la crise grecque, est frappée au cœur. Aujourd’hui, semblant découvrir les caractéristiques de ce paradis fiscal en pleine zone euro, vous qualifiez l’économie chypriote d’ « économie casino ».

Monsieur le ministre, faudra-t-il attendre que toutes les économies soient mises en état de faillite les unes après les autres du fait des incohérences des marchés, qui ont pour seul objectif l’enrichissement des plus fortunés, pour enfin déclarer la guerre à celui que François Hollande qualifiait d’« ennemi sans visage », c’est-à-dire le monde de la finance ?

Vous parlez d’« économie de casino », en faisant référence aux avoirs bancaires chypriotes, qui représentent huit fois le PIB du pays. Mais, ce que vous ne dites pas, c’est que l’actif du bilan de BNP Paribas est lui-même égal au PIB de la France !

Qu’attend-on pour que ces richesses phénoménales soient réellement mises au service de la croissance, en allant bien au-delà des mesures que vous soutenez en ce moment au Parlement, qui ne visent qu’à contrôler en France 3 % ou 4 % des capitaux concernés ?

L’île va connaître 7,5 % à 10 % de récession cette année et son taux de chômage passera de 4 % à 20 %.

Cette action de l’Eurogroupe, qui a choqué les peuples européens, serait pourtant un modèle à suivre, selon son président néerlandais.

Monsieur le ministre, quand allez-vous, au nom de la France, faire entendre en Europe une autre voix ? À chaque fois qu’un pays est en difficulté, allons-nous nous accorder sur les seules exigences d’austérité des dirigeants allemands ?

S’il faut nettoyer les « écuries d’Augias » du secteur bancaire européen, il faut le faire partout !

Allez-vous défendre, par exemple, monsieur le ministre, à l’Eurogroupe, auquel vous participez, l’exigence d’un assainissement du marché bancaire du Luxembourg, dont l’opacité, la puissance et l’ultralibéralisme n’ont rien à envier à celui de Chypre ?

Confirmez-vous votre désaccord, dont la presse s’est fait l’écho, sur l’initiative de l’Europe à l’égard de Chypre ? Admettez-vous, enfin, que ce conseil des ministres européens est un terrible déni de démocratie, qui confine maintenant à la caricature, puisqu’il décide du jour au lendemain de mettre à genoux tout un pays ?

L’Europe est une grande idée. Il faut la défendre, certes, mais contre qui ? Contre les prédateurs de la finance, et non en assommant les populations ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances. (Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste se lèvent et applaudissent.)

M. Alain Gournac. Mélenchon ! Mélenchon ! (Rires sur les travées de l’UMP.)

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Madame la sénatrice, Chypre n’est un modèle ni en termes de problèmes ni en termes de solutions.

Comme vous, je suis préoccupé par la situation de l’économie chypriote et par ce qui va advenir de la population de l’île. Néanmoins, il faut être conscient que ce pays offre un modèle impossible à défendre que j’ai appelé « économie de casino » mais qui est, pour le dire autrement, celui d’une plate-forme financière offshore.

Vous n’allez pas, vous spécialement, sénatrice du groupe CRC, défendre une économie où le système bancaire représente sept à huit fois le PIB du pays !

M. Roger Karoutchi. Si, ils vont le faire ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)

M. Pierre Moscovici, ministre. Vous n’allez pas, vous spécialement, défendre une économie où les dépôts sont rémunérés à 5 % ou à 6 % !

Vous n’allez pas, vous spécialement, défendre une économie où les dépôts bancaires des non-résidents atteignaient 45 % des dépôts !

Vous n’allez pas, vous spécialement, défendre une économie où l’on pouvait soupçonner le blanchiment d’être la règle !

Vous n’allez pas, vous spécialement, défendre une économie où le taux de l’impôt sur les sociétés était à 10 % !

Il y avait là un modèle économique qu’il fallait remettre d’aplomb.

Mme Éliane Assassi. Oui, nous sommes d’accord.

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est donc ce que nous avons fait, comme nous le devions.

Quoi qu’il en soit, tout cela est exceptionnel et je ne souscris pas à l’idée, que d’ailleurs le président de l’Eurogroupe a corrigée, selon laquelle la solution retenue pourrait servir de modèle.

Nous avons donc demandé une restructuration du système bancaire. Puisque vous m’interrogez sur ce point, je vous confirme que la voix de la France, celle que j’ai fait constamment entendre avant, pendant et a fortiori après, s’est sans cesse élevée contre l’approbation d’une solution qui aurait impliqué des dépôts inférieurs à 100 000 euros. En effet, comme l’a souligné le Président de la République il y a deux jours, la garantie des dépôts dans la zone euro est un principe intangible, qui doit s’appliquer à tous.

Vous soulevez également la question de la démocratie européenne. L’Eurogroupe n’impose pas : il discute. Ce sont les autorités chypriotes qui ont voté les décisions nécessaires. Nous devons respecter la souveraineté nationale, quel que soit le peuple concerné.

Pour le reste, la leçon que je tire de tout cela est que nous avons encore beaucoup à faire pour aller vers une véritable union bancaire et vers une Europe de la croissance. Nous devons redonner des perspectives aux Européens et rééquilibrer nos politiques entre, d’une part, la réduction des déficits, qui est indispensable, et, d’autre part, la recherche de la croissance, qui est la condition sine qua non de la reprise de l’emploi et du retour à la prospérité.

Il faudra faire preuve de solidarité à l’égard de la population chypriote, mais il était nécessaire d’agir, je vous l’assure. Après une première tentative, dont je reconnais volontiers qu’elle n’était pas la plus heureuse, nous avons pris la bonne décision, car elle est juste et globale !

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