Les débats

Marianne pleure des larmes de sang, mais nous prononçons avec elle ces mots : Liberté, Égalité, Fraternité

Réunion du Congrès à Versailles -

Par / 16 novembre 2015
Marianne pleure des larmes de sang, mais nous prononçons avec elle ces mots : Liberté, Égalité, Fraternité
Marianne pleure des larmes de sang, mais nous prononçons avec elle ces mots : Liberté, Égalité, Fraternité

Monsieur le président du Congrès, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, deux jours ont passé, et le choc des premières minutes est toujours présent.

Paris, Saint-Denis sa voisine, ont subi les attentats les plus violents commis dans notre pays depuis la Seconde guerre mondiale. Des dizaines et des dizaines de vies, souvent jeunes, ont été brutalement interrompues. Des centaines de corps ont été meurtris, blessés. Des milliers de citoyens, de femmes, d’hommes, d’enfants – témoins, familles ou proches – sont directement confrontés au malheur.

Après janvier, les terroristes ont à nouveau frappé la France au cœur. Ce vendredi 13, ce vendredi noir qui marquera l’histoire de notre pays, c’est notre peuple tout entier qui a été agressé de manière aveugle, barbare.

Le massacre du Bataclan, les tueries dans les cafés et les restaurants, l’effroi semé au Stade de France poursuivent un objectif nouveau, celui de toucher nos concitoyennes et nos concitoyens dans leur quotidien, dans leur vie.

Notre jeunesse a payé un lourd tribut dans ce Paris qui, chaque fin de semaine, s’emplit de joie et de bonheur. « Paris est une fête » écrivait Hemingway. Aujourd’hui, Paris est une tragédie.

À cette tribune de Versailles, mon premier sentiment est l’émotion, l’émotion du deuil. Mes pensées, celles de mon groupe vont vers ceux qui souffrent aujourd’hui, dans leur cœur et dans leur corps. Je tiens à saluer avec force l’action courageuse des forces de sécurité, leur dévouement à la République. Je tiens à saluer l’action remarquable des services de santé, confrontés à une situation inédite, et celle des pompiers. Encore une fois, ces grands services publics ont fait face et le peuple les remercie.

Notre peuple, c’est une évidence palpable, n’en peut plus de cette menace, de cette angoisse d’un éternel recommencement. Il veut comprendre, il veut agir pour vivre en paix. Il veut rester uni.

Ce matin, dans des milliers d’établissements scolaires, nos enfants, nos adolescents, ont cherché à comprendre, ils ont débattu. Nous, adultes, élus ou non, nous cherchons aussi à comprendre.

Qui compose Daech ? Qui compose son armée ? Qui sont ces hommes et ces femmes prêts à mourir pour une cause absurde ? Quels sont les chemins qui amènent à devenir des assassins d’une brutalité telle qu’elle rappelle les heures les plus sombres de l’humanité ? Pour combattre un ennemi, il faut le connaître. Il faut expliquer, montrer les origines géopolitiques, rappeler les responsabilités bien réelles des puissances occidentales, ces guerres destructrices en Irak et en Afghanistan, le non-sens de l’intervention en Libye, pour souligner qu’il ne s’agit pas d’une guerre contre l’islam, mais contre une organisation politique terroriste.

Mes chers collègues, notre peuple veut la sécurité. Il fallait donc prendre des mesures d’urgence, ce qui a été fait vendredi soir avec raison par le Président de la République. Face à la violence d’attaques multiples, l’état d’urgence est aujourd’hui pleinement justifié. Les forces de police et la justice doivent disposer des moyens nécessaires pour réagir avec fermeté et célérité.

M. Paul Giacobbi. Très bien.

Mme Éliane Assassi. Mais comme le disait M. le Premier ministre lui-même le 13 janvier dernier devant l’Assemblée nationale, « À une situation exceptionnelle doivent répondre des mesures exceptionnelles ». « Mais je le dis aussi avec la même force », poursuivait-il, « jamais des mesures d’exception qui dérogeraient aux principes du droit et à nos valeurs ».

C’est à la lumière de vos propos, monsieur le Premier ministre, que nous étudierons les modifications proposées à la loi de 1955. Le renforcement de la sécurité dans le respect des libertés publiques sera le principe qui guidera notre appréciation.

N’oublions pas que l’objectif de Daech est de semer l’effroi pour ébranler notre société et pousser à remettre en cause des principes qui fondent la République. L’objectif de Daech est donc profondément politique. Il pousse à la confrontation, à la division et, dans ses rêves les plus fous, à la guerre civile. Attention donc à la stigmatisation ! Évitons le piège qui nous est tendu. Ce qui fait la force de la France, la force de notre peuple, c’est la liberté, et nous veillerons avec beaucoup d’autres à ce que, dans le dur et nécessaire combat qui nous attend, cette liberté demeure au cœur de notre action.

Si l’état d’urgence est prolongé, ses objectifs doivent être bien définis. Protéger notre peuple n’est pas qu’une affaire de loi sécuritaire renforcée. Combien y en eut-il, en une décennie ? Pour quelle efficacité ? En revanche, il faut des moyens pour les services publics, et là se pose un vrai débat.

Je le disais à la tribune du Sénat le 13 janvier : l’austérité n’est pas compatible avec la guérison des maux terribles qui minent notre société, dont cette grave menace terroriste. Des moyens nouveaux devront être débloqués, c’est une nécessité, mais pas au détriment d’autres services publics qui, à notre sens, sont également indispensables pour résoudre les problèmes de la radicalisation de certains individus : la justice, la santé et surtout l’éducation nationale, ainsi que la vie associative. Le choix des moyens consacrés est donc crucial.

Mes chers collègues, notre opinion est sans ambiguïté : il faut détruire Daech, jeter aux oubliettes de l’Histoire ce terrorisme aveugle et sanguinaire. Il faut aussi constater avec lucidité que ces attaques sans précédent sur Paris signent l’échec de quinze ans de guerre.

Mon ami Pierre Laurent l’indiquait hier soir, la coalition internationale est au cœur du problème. Il faut repenser les choses rapidement et cesser d’agir en ordre dispersé, chacun défendant ses intérêts géopolitiques, et malheureusement aussi économiques. Nous devons mettre en place une large coalition internationale sous mandat de l’ONU qui, au-delà du combat contre Daech, Al-Qaïda et d’autres organisations, doit avoir pour ambition de reconstruire ces régions, permettre le retour au pays des milliers de réfugiés et établir une paix durable dans la région. Toute intervention sans cette perspective aura le même effet que celles d’hier : le développement du terrorisme.

La logique de guerre, les appels à la vengeance, répondent exactement aux objectifs de Daech. Nous proposons une logique de paix qui passe par l’élimination de la menace Daech mais qui place le développement de ces régions, la voie de la démocratie, comme moyen de vaincre définitivement ceux qui se nourrissent de la violence et de la haine.

La force de notre pays est de pouvoir montrer au monde que, même plongé dans la douleur, notre peuple, son gouvernement, ses élus poursuivent l’objectif de donner une chance à la paix dans cette région. La puissance de ce désir de paix, qui animait hier, rappelons-le, les combattants du nazisme – une vie heureuse, s’aimer, travailler, vivre, en un mot – cette puissance peut stopper la dérive mortifère qui menace le monde.

C’est cette volonté de paix qui permettra de dépasser l’obstacle des dictatures de la région, dont celle de Bachar Al-Assad. C’est cette volonté de paix, de développement, qui peut enfin mettre un terme au conflit israélo-palestinien et permettre à ces peuples de vivre dans deux États qui se respectent et coopèrent.

Je l’avais indiqué en janvier, la violence terroriste révèle les maux de nos sociétés. Une question me taraude, comme en janvier : comment des jeunes Français ont-ils pu commettre de tels actes, comment ont-ils pu sacrifier leur vie pour tuer, pour massacrer ?

Bien sûr, il y a le fanatisme, les dérives sectaires, la manipulation, l’absence de culture. Mais il faut ouvrir les yeux : une société comme la nôtre, et c’est vrai aussi dans de nombreux autres pays, où l’argent est érigé en valeur absolue au détriment du travail alors que les inégalités croissent année après année, ne peut que générer de l’exclusion, de la violence.

Le « vivre ensemble » qui nous est cher, qui est au cœur de la République, a un prix. Il faut réorienter les immenses richesses vers l’épanouissement humain.

L’éducation doit être cette école de la démocratie. De grands moyens doivent être dégagés pour la culture, l’éducation et le travail. Ce sont, à mon sens, les vraies, les seules réponses au désespoir, à la perte de sens qui mène à la folie meurtrière. Notre pays, la France, est en deuil aujourd’hui. Le monde nous accompagne sur ce chemin. Marianne pleure des larmes de sang, mais nous prononçons avec elle, avec force et détermination, ces trois mots : Liberté, Égalité, Fraternité.

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