Les débats

Les différents acteurs des collectivités locales, élus, agents et usagers, subissent aujourd’hui les conséquences des erreurs commises dès 2008 avec la RGPP

« Où va l’État territorial ? Le point de vue des collectivités » -

Par / 10 janvier 2017

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, je voudrais en premier lieu saluer l’ambitieux travail fourni par Éric Doligé et Marie-Françoise Perol-Dumont dans le cadre de ce rapport, en lien avec les membres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation et notamment avec son président, Jean-Marie Bockel.

Je salue en particulier l’initiative qui a consisté à interroger 4 500 élus locaux, via une enquête sur internet. Leur large participation démontre à quel point ceux-ci ont besoin d’être entendus et respectés. C’est une preuve supplémentaire du rôle qu’ils jouent au quotidien pour l’exercice de notre démocratie et pour faire vivre la République sur tout le territoire.

Depuis le début de la législature, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen n’ont pas cessé de demander l’organisation de débats participatifs, la réalisation d’enquêtes et d’auditions, afin de mettre les élus locaux au cœur de l’élaboration de chaque réforme de l’administration comme de chaque réforme territoriale. C’est malheureusement tout l’inverse qui a été fait.

On ne s’étonnera donc pas de voir que 93 % des élus locaux ayant répondu à l’enquête dont les résultats figurent dans le rapport estiment ne pas avoir été suffisamment associés aux dernières réformes, et que 52 % d’entre eux indiquent ne pas y avoir été associés du tout. Le constat est accablant pour les différents gouvernements qui se sont succédé et les méthodes qu’ils ont employées. Force est de constater qu’ils ont préféré obéir aux injonctions de Bruxelles plutôt que de répondre aux besoins des élus locaux, ces sentinelles de la démocratie, et qu’ils ont fait le choix de la technocratie plutôt que celui de la République !

Madame la rapporteur, monsieur le rapporteur, lorsque vous évoquez la réforme de l’administration territoriale de l’État, la RéATE, la révision générale des politiques publiques, la RGPP, et la modernisation de l’action publique, la MAP, vous parlez de mesures incessantes, mal articulées, au sujet desquelles les acteurs de terrain n’ont pas assez été sollicités. Nous ne pouvons que partager les constats que vous dressez et serions même prêts à aller encore plus loin.

Les différents acteurs des collectivités locales, élus, agents et usagers, subissent aujourd’hui les conséquences des erreurs commises dès 2008 avec la RGPP. La première erreur aura été de mettre en œuvre cette réforme non pas dans le but d’améliorer la qualité des services publics, mais pour servir une idéologie néolibérale, en vertu de laquelle moins d’État, c’est davantage de liberté pour les marchés et pour la finance.

La seconde erreur – le rapport le montre bien – a consisté à réformer l’action publique en appliquant le dogme de la réduction des déficits budgétaires et de la baisse de l’investissement. Quelle erreur ! Quelle aberration, quand on sait que l’Observatoire français des conjonctures économiques considère que c’est justement par la relance de l’investissement public que l’on sortira de la crise à laquelle les Français sont confrontés.

Il faut évidemment réformer l’action publique. Parfois, nos concitoyens considèrent en effet que le fonctionnement de l’administration est trop complexe. Cela étant, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux et les fermetures de services publics n’ont jamais permis d’améliorer la situation. Au contraire, cela a tout compliqué.

Les réformes menées ces dernières années, qu’il s’agisse d’attaques contre l’emploi public ou de délocalisation des services publics, ont considérablement complexifié et affaibli l’action publique.

Je veux notamment parler de l’affaiblissement du rôle de l’État en tant qu’accompagnateur des collectivités locales. Certains des élus, notamment ruraux, auditionnés par les rapporteurs ont notamment souligné le fait que la fonction de conseil auparavant assurée par les services déconcentrés de l’État avait quasiment disparu. Si bien qu’aujourd’hui, et pour ne donner que cet exemple, les prestations d’ingénierie territoriale destinées au bloc communal doivent être assurées par les conseils départementaux.

Ce constat me conduit à aborder un sujet préoccupant, à savoir le glissement d’une partie des politiques publiques, auparavant assumées par les services déconcentrés de l’État, vers les collectivités territoriales. Comment ces collectivités pourraient-elles assumer des politiques qui relèvent du pouvoir régalien, comme suppléer à la fermeture d’une gendarmerie ou d’une sous-préfecture, par exemple ? Comment pourraient-elles sortir de leurs compétences propres, alors même que la clause de compétence générale a été supprimée ? Surtout, comment pourraient-elles pallier les manques de l’État, alors qu’elles ont fait face à une baisse de 10 milliards d’euros de la dotation globale de fonctionnement au cours des trois dernières années ?

Les collectivités n’en sont tout simplement pas capables financièrement. Les élus locaux assistent impuissants au remplacement d’un poste sur deux dans telle sous-préfecture, à la fermeture d’une classe dans telle école, ou à la fermeture de la gendarmerie du canton.

Et que dire des services publics de l’État qui ont été privatisés ? Je voudrais évoquer la situation de La Poste et du risque de fermeture d’un tiers des bureaux de poste dans certains départements. Quelque 61 % des élus locaux ayant répondu à l’enquête déclarent ainsi que leurs communes ont été touchées par des suppressions de services publics déconcentrés. On peut donc parler d’un véritable effacement de l’action publique, à l’origine de fractures sociales et de fractures entre les territoires.

Est-ce cela que nous voulons pour la France du XXIe siècle ? En posant cette question, je m’adresse aux élus locaux, aux agents des différentes fonctions publiques et aux usagers : il n’y a pas de fatalité ! Tout est question de choix politique et de volonté politique !

Avec de la volonté politique – et nous, nous en avons ! –, nous pouvons bâtir une France protectrice et solidaire où l’État agit main dans la main avec les collectivités locales. Au travers d’un plan de relance des services publics, de l’école, de la gendarmerie et de la justice, nous pourrions assurer l’égalité et la sécurité des territoires.

Avec de la volonté politique, nous pourrions également prendre le pouvoir sur la finance. Il faut en finir avec les injustices fiscales, comme l’évasion fiscale qui coûte 80 milliards d’euros chaque année à l’État, ou ces 30 milliards d’euros de cadeaux faits au patronat, avec pour conséquence directe d’étrangler fiscalement les classes moyennes et populaires.

Mes chers collègues, voilà ce à quoi les citoyens et les élus locaux aspirent : un État fort pour développer notre économie, pour assurer davantage de démocratie, pour permettre davantage d’égalité entre les individus et entre les territoires. C’est ce à quoi travaillent les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen pour les échéances à venir : construire une nouvelle République et construire un nouveau pacte républicain.

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