Les débats

Le seul objectif de la RLS est d’alléger les dépenses de l’État

Impact de la réduction loyer solidarité sur l’activité et l’avenir du logement social -

5 mai 2021

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe CRCE a souhaité débattre aujourd’hui de l’effet de la réduction de loyer de solidarité sur les bailleurs sociaux et de la menace que ce dispositif représente pour l’avenir du logement social tel que nous le concevons, c’est-à-dire à vocation non résiduelle.

Plus qu’un débat technique, il s’agit ici de dénoncer l’assèchement global et l’externalisation du financement des politiques publiques du logement, qui ont fait les frais depuis le début de ce quinquennat de la politique du rabot.

Incarnée par la baisse des APL dès l’été 2017, cette politique s’est poursuivie avec la loi ÉLAN, marquant une étape supplémentaire vers la dérégulation, la marchandisation de ce secteur et la banalisation des acteurs du monde HLM, pourtant pivots des politiques publiques du logement.

Cette loi a ainsi participé à soumettre le logement social à des logiques purement comptables, encourageant notamment la vente du parc HLM. Elle s’articule avec la réduction de loyer de solidarité engagée dans la loi de finances pour 2018, dont le seul l’objectif était de réduire les dépenses de l’État au titre des APL, versées à 2 millions de locataires dans les HLM. Par un jeu habile, cette « charge », qui relève pourtant de la solidarité nationale, est passée de l’État aux organismes HLM.

Les lois de finances successives ont accompagné ce mouvement d’économies, estimées initialement à 1,5 milliard d’euros, puis ramenées à 800 millions les premières années et à 1,3 milliard sur la période 2020-2022.

La RLS a ainsi conduit à priver les bailleurs sociaux de 4,5 % de leurs recettes de loyers. Dans mon département, la Dordogne, cela représente une perte annuelle de 2,5 millions d’euros pour Périgord Habitat, organisme public HLM qui gère 10 000 logements. Cette perte ampute la capacité de production de ce bailleur de l’équivalent de treize logements par an.

Le référé de la Cour des comptes de décembre dernier a confirmé nos craintes, la Cour reconnaissant l’extrême fragilité dans laquelle ont été placés les organismes et bailleurs sociaux. Elle reconnaît le caractère injuste de ce mécanisme, puisque sa charge a davantage affecté les offices publics HLM, qui accueillent une plus grande proportion de ménages modestes et qui pratiquent des loyers faibles. Elle a aussi relevé que l’autofinancement a diminué, conduisant à une réduction des investissements et à une diminution des dépenses d’entretien courant de 7 %.

Alors que nous allons examiner le projet de loi Climat et résilience, nous sommes dubitatifs sur la capacité des bailleurs sociaux à participer, dans ces conditions, à la lutte contre la précarité énergétique. Un ménage sur cinq est pourtant en situation de précarité énergétique dans notre pays !

Par ailleurs, le rapport pointe le fait que des bailleurs tardent à s’engager dans le nouveau programme national de rénovation urbaine, alors même que la situation se dégrade dans les quartiers populaires.

Enfin, la baisse de l’autofinancement rend les bailleurs plus dépendants de l’emprunt et donc de la variation des taux d’intérêt.

Face à ce constat implacable, nous estimons que les réponses formulées sont décevantes et ne constituent nullement des pistes sérieuses d’évolution. Pourtant, l’urgence est là et les chiffres sont parlants. Il n’y a jamais eu aussi peu d’agréments de logements sociaux : seuls 87 500 logements sociaux ont été agréés en 2020, soit une baisse de 17 % par rapport à 2019. En parallèle, le mal-logement touche désormais 4 millions de nos concitoyens.

Pour remédier à cette situation, un nouveau protocole d’engagement a été signé le 19 mars dernier entre l’État et les bailleurs HLM : il fixe les objectifs de construction à 250 000 logements en 2021 et 2022.

Pour rendre crédible cet engagement, nous pensons qu’il faut changer de braquet et donner concrètement aux organismes sociaux les moyens de remplir leur mission d’intérêt général au service du droit au logement pour tous, un objectif à valeur constitutionnelle.

À nos yeux, ce changement de paradigme passe par un retour pérenne de l’État dans le financement des aides à la personne, mais aussi dans celui des aides à la pierre, qu’il a totalement abandonnées. Il faut cesser de ponctionner le 1 % Logement pour compenser ces désengagements.

Par ailleurs, le secteur du logement fonctionne depuis un siècle sur deux jambes : une publique et une privée. Cet équilibre doit être maintenu et les organismes HLM soutenus dans leur diversité.

D’autres leviers doivent pouvoir être utilisés : réduction de la charge foncière, mais également révision de la loi SRU afin de la renforcer. Dans ce cadre, et alors que les objectifs de mixité sont plus que jamais d’actualité, nous regrettons que le projet de loi 4D prévoie de reporter à 2031 les objectifs de construction. Le séparatisme se situe aussi à ce niveau-là !

Pour conclure, mes chers collègues, nous espérons que le Gouvernement entendra la demande, quasi unanime sur les travées du Sénat, d’abandonner la RLS, à l’heure où nous avons plus que jamais besoin de politiques sociales et écologiques dans lesquelles le logement prend une place essentielle. D’autres pays, comme l’Allemagne et le Royaume-Uni, qui ont pratiqué il y a une trentaine d’années des politiques comme celle que nous connaissons aujourd’hui en France, l’ont bien compris et investissent aujourd’hui massivement dans le secteur du logement social.

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