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Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Une police préventive, dissuasive et répressive

Réhabilitation de la police de proximité -

Par / 13 décembre 2017
Une police préventive, dissuasive et répressive
par [Groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste->https://www.youtube.com/channel/UCGMy4lcU26bYb4ZFHYMZQZw]
https://youtu.be/Y-ay8vRkxFk
Une police préventive, dissuasive et répressive

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, bien trop peu nombreux dans cet hémicycle – je pensais pourtant que la police était un thème intéressant tous les groupes du Sénat –, en inscrivant cette proposition de loi au sein de l’ordre du jour réservé à notre groupe, nous nous doutions bien du sort qui lui serait fait.

Nous espérions au moins créer les conditions d’un vrai débat. Or nous constatons avec beaucoup de déception, quoi qu’en dise notre rapport, M. Grosdidier, que cet hémicycle et sa majorité n’ont pas souhaité débattre sereinement – la preuve ! - d’un sujet pourtant si important pour nos concitoyens et pour la politique publique de sécurité intérieure de notre pays.

Permettez-moi d’abord un éclairage sémantique. Qu’entendons-nous par « police de proximité » et, plus précisément, par « proximité » ? Les mots ont un sens : ne les bradons pas.

Au sens concret du mot, la « proximité », c’est la « situation d’une chose qui est à faible distance d’une autre chose ou de quelqu’un ; de deux ou plusieurs choses qui sont rapprochées ». Au sens figuré, c’est le « caractère de rapprochement, d’affinité entre deux choses abstraites, deux entités ».

Notre « police de proximité » comprend ces deux acceptions. Il s’agit de déployer des agents de la police nationale au plus près des habitants et, en parallèle, de travailler à une nouvelle doctrine d’emploi de ces agents de police nationale, pour laisser place à une proximité dans la relation entre eux et les usagers du service public qu’ils incarnent.

Il aurait été nécessaire d’examiner sérieusement notre proposition de loi en commission, et non de la rejeter sur des bases idéologiques.

En effet, la brève expérience de la police de proximité a brutalement pris fin en 2002, alors qu’elle commençait à être étendue au territoire national. Lors des auditions que notre groupe a menées, les forces de l’ordre nous ont présenté un avis bien plus positif et nuancé sur l’expérience de la « polprox » que le vôtre, monsieur le rapporteur, qui évoquez un échec unanimement reconnu. Certains syndicats nous ont apporté leur plus clair soutien et partagent nos objectifs.

Quant aux plus dubitatifs, leur critique principale porte sur le manque flagrant de moyens du dispositif. Et pour cause, les moyens supplémentaires indispensables à la réalisation effective d’une police de proximité n’ont jamais été disponibles.

Le rapport confidentiel que vous vous êtes procuré auprès du ministère de l’intérieur, et que vous vous êtes bien gardé de nous communiquer jusqu’à hier après-midi, monsieur le rapporteur, va également dans ce sens.

C’est pourquoi nous vous avons proposé, la semaine dernière, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, un amendement visant à créer un nouveau programme dans la mission « Sécurités », un programme intitulé « Police de proximité », que nous proposions de créditer d’un milliard d’euros. Un budget sérieux, donc, qui aurait permis de mettre en place une direction générale de la police de proximité.

Cet amendement d’appel aurait dû trouver votre soutien, mes chers collègues, étant donné les difficultés d’ordre budgétaire que vous évoquez comme argument phare pour rejeter notre proposition.

Cela révèle une chose : le principal motif de votre rejet repose sur l’opposition idéologique répression-prévention, dont vous souhaitez le dépassement, mais que, paradoxalement, vous nourrissez abondamment avec vos arguments.

Nous sommes absolument d’accord : sortir de cette opposition est une nécessité impérieuse car, pour nous, la police de proximité est une police à la fois préventive, dissuasive et répressive. Il s’agit de renforcer ce triptyque en le rééquilibrant.

Abusivement présentée comme transformant les policiers en doublons des travailleurs sociaux, la police de proximité n’a jamais signifié une limitation des missions des policiers chargés de la mettre en œuvre.

D’ailleurs, dès 2006, la mission d’information créée par le Sénat à la suite des émeutes urbaines d’octobre et novembre 2005 concluait à la nécessité d’une police de proximité, « dont le rôle n’est pas de faire de la répression, mais de rappeler et d’expliquer la règle, […] et de réduire la fréquence du recours à l’intervention de la force publique ». Son auteur, Pierre André, un de vos collègues du groupe UMP d’alors, souhaitait à l’évidence, comme nous, dépasser le clivage répression-prévention.

Un dépassement indispensable car, loin de répondre aux inquiétudes de nos concitoyens en matière de sécurité, les politiques gouvernementales menées depuis 2002, et fondées sur le tout-répressif, se sont toutes révélées contre-productives. Pire encore, elles ont contribué à distendre le lien de confiance entre la population et les forces de l’ordre.

En parallèle, les fonctionnaires de police et de gendarmerie souffrent directement de la dégradation de leur relation avec la population, alors que leurs conditions de travail se trouvent extrêmement détériorées, notamment en raison du renouvellement incessant de l’état d’urgence ces vingt derniers mois, et du stress permanent qu’engendrent des situations trop souvent conflictuelles.

Face à cela, une argumentation que je qualifierai de « fallacieuse » nous est opposée. Vous prétendez, monsieur le rapporteur, que « la volonté de lutter contre le sentiment d’insécurité, notamment dans les zones les plus sensibles, et de rapprocher la police de la population n’a cessé, au cours des quinze dernières années, d’animer les réformes d’organisation de la police nationale ». Vous ajoutez, à propos des brigades spécialisées de terrain, les BST, qu’elles « assurent des missions de sécurisation de proximité ».

Sincèrement, je ne peux pas croire en une telle méconnaissance de votre part !

Créées en 2010 par Brice Hortefeux, ces brigades spécialisées de terrain avaient pour simple objectif de réinvestir les quartiers grâce à la dissuasion et à la répression. Ce ne sont pas des « policiers d’ambiance ou des éducateurs sociaux », assurait alors le ministre de l’intérieur, ni des « grands frères inopérants en chemisette qui font partie du paysage ».

En effet, peu de chances d’être assimilés à des éducateurs ! En plus des matraques télescopiques, LBD 40 ou flash-ball, grenades lacrymogènes, armes de service, gilet par balle, jambières et manchettes complètent la panoplie de ces policiers. À l’hostilité de cet accoutrement et de l’attitude ultra-répressive qu’elle inspire, nous pensons – et nous l’assumons très clairement – qu’être en contact permanent avec la population implique une aptitude à l’écoute et au dialogue, un équipement léger et un mode de déplacement simple.

En outre, la restauration du lien de confiance entre police et population ne passera que par le développement de la polyvalence de l’activité policière, en intégrant la réalité du quartier aux missions de prévention, de dissuasion, de répression et de sanction propres au métier de policier, qui irait de la pratique de l’îlotage à l’organisation d’opérations culturelles et sportives.

Nous ne craignons pas les clichés et les caricatures que susciteront nos propos, car nous sommes convaincus de la nécessité de changer de paradigme.

François Grosdidier lui-même en fait d’ailleurs la démonstration dans son rapport : « La multiplication des dispositifs policiers n’a pas permis d’enrayer le cercle de la délinquance, qui continue de se maintenir à un niveau élevé. La persistance de poches d’insécurité sur notre territoire, d’où les forces de l’ordre se sont elles-mêmes désengagées, est une situation indigne de notre République ».

De quelles « poches d’insécurité » parlez-vous, monsieur le rapporteur ?

En matière d’amalgames, je constate d’ailleurs, monsieur le rapporteur, que, comme M. Jourdain, qui faisait de la prose sans le savoir, vous faites du contrôle au faciès sans le savoir.

M. Christophe Priou. Oh !

Mme Éliane Assassi. J’en veux pour preuve les propos aberrants que vous avez tenus en commission, que je trouve à la page 34 de votre rapport. Je vous cite une nouvelle fois : « Il y a quinze jours encore, j’étais maire de Woippy, dont plus de la moitié de la population est de confession musulmane. Je connais ce sujet ».

Monsieur Grosdidier, comment savez-vous que plus de la moitié des habitants de cette commune sont musulmans ? Comprenez que ce genre d’amalgame est intolérable. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. Loïc Hervé. Oh !

M. Christophe Priou. Quand même !

M. Claude Kern. Lisez votre texte !

M. François Grosdidier, rapporteur. Nous parlions alors de radicalité !

Mme Éliane Assassi. Comprenez que, si nos quartiers les plus populaires ne sont plus réceptifs aux messages de prévention et encore moins à la répression, c’est aussi et surtout à cause de ce genre de propos.

Notre police de proximité ne s’adresse pas à certaines zones prioritaires de sécurité, et encore moins à une certaine population que vous n’avez de cesse de stigmatiser. Il s’agit d’une police à l’écoute de nos concitoyens et de leurs attentes en matière de sécurité publique, sur tout le territoire.

Vous soutenez qu’elle n’aurait pas sa place dans certains départements, mais y a-t-il sur le territoire français une collectivité où personne n’a jamais affaire à la police, une collectivité vierge de tout contentieux de voisinage, de tout problème de discriminations, ou encore de violences conjugales ?

Un autre argument consiste à dire que notre initiative législative s’entrechoque avec la police de sécurité du quotidien, la PSQ, annoncée par le Gouvernement. Hélas, mes chers collègues, le mince espoir qu’a fait naître chez nous cette annonce est vite retombé. Tout cela a fini de nous convaincre d’inscrire notre proposition de loi à l’ordre du jour. Les auditions que nous avons menées nous ont d’ailleurs confortés dans ce choix.

Les maires volontaires pour l’expérimentation de cette PSQ ont été très clairs sur la vacuité du projet.

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Éliane Assassi. Des maires ayant candidaté à l’expérimentation proposée n’y ont pas eu droit. D’autres attendent toujours une réponse. Pourtant, leurs attentes sont très fortes. Beaucoup attendent avec impatience cette expérimentation.

Laurent Russier, maire de Saint-Denis, s’adressait à Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur, en ces termes : « La police de sécurité du quotidien serait de nature à lutter contre les rapports de défiance des uns à l’égard des autres, qui nuisent à notre objectif commun de sécurité ».

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue !

Mme Éliane Assassi. Finalement, admettons que nous défendons ici deux visions de la société, ce que nous n’avons jamais cessé de faire.

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