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Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Prenons la mesure de la situation plus que dégradée des services d’incendie et de secours

Sapeurs-pompiers professionnels et volontaires -

Par / 20 décembre 2016

Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi fait consensus.

Avant tout, nous tenons à saluer ces femmes et ces hommes qui ont joué un rôle de premier ordre dans l’immense élan de solidarité qui a traversé le pays à la suite des drames que nous avons vécus en 2015 et 2016. Leur humanité et leur dévouement au service de tous ont été reconnus unanimement. Cette unanimité devrait, selon nous, être un moteur pour l’amélioration de leur statut.

Le présent texte contribuerait-il à cette amélioration ? Il fait suite à un accord conclu au mois d’avril dernier entre les différents acteurs de la sécurité civile : les collectivités territoriales, l’État, et les représentants des sapeurs-pompiers. Une des principales mesures qu’il comporte est la rénovation du dispositif de l’indemnité de fin de service pour les sapeurs-pompiers volontaires. Plus précisément, la proposition de loi instaure une nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance, financée par répartition. Il s’agit là d’une mesure urgente, le contrat d’assurance sur lequel reposait l’ancien dispositif étant arrivé à échéance le 31 décembre dernier. Nous reconnaissons donc la nécessité de ce texte.

Par ailleurs, les autres dispositions qu’il comprend, comme la possibilité donnée aux anciens officiers et sous-officiers de carrière de la défense et de la sécurité nationale de pratiquer une activité de sapeur-pompier volontaire sans perdre le bénéfice de leur pension de retraite, mais aussi les précisions sur le statut d’emploi des directeurs et directeurs adjoints des services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, et la mesure relative à la transparence des transferts de la fraction du taux de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance pour le financement des SDIS, ne nous semblent pas préjudiciables au bon fonctionnement du service public de la sécurité civile.

Il n’en reste pas moins que celui-ci est menacé par d’autres problèmes, que la présente proposition de loi n’aborde pas. De ce point de vue, les manifestations de nombreux sapeurs-pompiers le mois dernier ne doivent pas, à notre sens, rester sans réponse.

Il est par conséquent nécessaire de prendre la mesure de la situation plus que dégradée des services d’incendie et de secours de notre pays. Le modèle français fonctionne sur une organisation territoriale qui répond à un schéma départemental d’analyse et de couverture des risques. C’est donc logiquement que, dans 82 % des cas, les centres d’incendie et de secours sont placés sous l’autorité des départements.

Les sapeurs-pompiers volontaires, qui représentent les quatre cinquièmes de l’ensemble des effectifs, sont passés, en dix ans, de 207 000 à 193 700 engagés. Ils doivent pourtant assumer 70 % des interventions de secours et d’incendie, dont le nombre s’est accru sur la même période, passant de 3,6 millions en 2004 à 4,45 millions en 2015. Or les volontaires continuent à ne représenter que 15 % de la masse salariale des SDIS, alors qu’ils éprouvent de plus en plus de difficultés à concilier leur vie professionnelle avec leur mission de sapeur qui leur demande un investissement croissant.

La proposition de loi élude cette question de la condition matérielle des sapeurs-pompiers volontaires, qu’il conviendrait pourtant de sécuriser davantage, afin d’endiguer la diminution de leurs effectifs.

Nous nous devons de soulever aussi un autre enjeu : la fermeture des casernes. Relevons que, entre 2002 et 2015, pas moins de 1 700 centres ont fermé, dont 121 pour la seule année 2015 ! Le milieu rural est touché à titre principal par ce phénomène. Ainsi, faute de moyens, de nombreux centres sont supprimés, ce qui entraîne une extension des périmètres d’intervention, au détriment de la garantie d’un service public de qualité et, là encore, des conditions de travail et de la santé des personnels des centres d’incendie. De fortes inégalités territoriales se creusent d’année en année, sans que soient menées des politiques publiques propres à endiguer ce phénomène.

Le vrai problème, c’est que la politique de sécurité civile subit les mêmes recettes d’austérité que celle qui concerne les autres services publics. Ainsi, la baisse continue des dotations aux collectivités territoriales a fait des services d’incendie et de secours une autre variable d’ajustement des budgets départementaux, qui sont passés de 928 millions d’euros en 2010 à 761 millions d’euros en 2015. Cette austérité aggrave le creusement des inégalités territoriales, le budget par habitant et par an au profit d’un SDIS pouvant varier du simple au double selon le département.

Par ailleurs, les réductions budgétaires contribuent à l’épuisement des sapeurs-pompiers, volontaires comme professionnels, qui, de plus en plus, sont mobilisés en substitution d’autres services publics, comme le SAMU ou le SMUR.

Remarquons que les conditions générales dans lesquelles se trouve la société française n’aident pas non plus. Ainsi, les pompiers sont de plus en plus confrontés à la souffrance et à la misère sociale, sans formation préalable. Dès lors, on ne peut que comprendre que, désormais, 40 % environ des volontaires arrêtent leur activité au bout de cinq ans d’engagement.

S’ajoute à cela le manque de moyens matériels de nombreux centres, lié au non-renouvellement des équipements ou à la vétusté des véhicules.

Enfin, alors que les pompiers sont de plus en plus mobilisés, notamment pour des missions qui relèvent du secours à la personne, l’orientation sécuritaire ne contribue pas, loin de là, à alléger leur quotidien. Aussi, les personnels doivent assumer des missions au spectre de plus en plus large. C’est ainsi qu’on les a vus s’affairer dans le cadre des évacuations de camps de migrants. Et que dire de leur participation active lors des tristes événements qui ont frappé la France à partir de 2015 ? Or, en période d’état d’urgence, et alors que les risques de nouvel attentat sont élevés, aucun moyen supplémentaire n’est alloué aux SDIS.

L’article 14 de la présente proposition de loi instaure une dotation de soutien aux investissements structurants des services d’incendie et de secours. Certes, la nouvelle peut paraître bonne ; mais il convient tout de même de signaler qu’il s’agit d’un redéploiement de crédits correspondant au montant de l’économie attendue de la réforme de la prestation de fidélisation et de reconnaissance. En d’autres termes, il ne s’agit pas vraiment d’une nouvelle aide, d’autant que, rappelons-le, le fonds d’aide à l’investissement des SDIS avait été mis en extinction en 2013.

M. Bernard Vera. Très juste !

Mme Éliane Assassi. Il semble donc plus que nécessaire de nous interroger sur la viabilité de notre modèle de sécurité civile qui repose désormais sur des investissements départementaux en constante diminution et sur le système du volontariat, qu’il conviendrait de valoriser tout en renforçant aussi les effectifs des sapeurs-pompiers professionnels, garants de la continuité de ce service public. En somme, il s’agit d’assurer l’égalité des citoyens face aux risques en garantissant l’engagement de l’État dans ce service public auquel les Français sont très attachés.

Cela étant, nous voterons la proposition de loi soumise à notre examen, mais nous tenons à réaffirmer que de gros progrès sont encore à faire pour assurer des conditions de travail décentes aux femmes et aux hommes qui s’engagent pour protéger et secourir leurs concitoyens et pour pallier les inégalités territoriales grandissantes dans le domaine de la sécurité civile !

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