Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Des dispositions qui accentueront encore le non-respect du pluralisme dans les médias

Modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle -

Par / 18 février 2016

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’élection présidentielle constitue la clé de voûte de la Ve République depuis 1962. Que cet événement soit un moment incontournable de la vie institutionnelle ne signifie pas qu’il constitue un bienfait pour la démocratie. Depuis des années, le caractère monarchique, pour les uns, personnel, pour les autres, du pouvoir présidentiel est dénoncé. Ce caractère s’est d’ailleurs encore renforcé sous les présidences de Nicolas Sarkozy et de François Hollande. À cet égard, le récent remaniement gouvernemental est caricatural et symbolise le fait du prince, tout comme la décision solitaire du Président de la République sur la déchéance de nationalité.

En 2008, nous avions souligné l’hyperprésidentialisation du régime organisée par la révision constitutionnelle d’alors, avec notamment la possibilité offerte au Président de la République de s’exprimer devant le Congrès et l’affaiblissement du rôle du Parlement. L’instauration du quinquennat en 2000, suivie de l’inversion du calendrier électoral, qui soumet l’élection des députés au tempo de l’élection présidentielle, avait d’ailleurs préparé cette dérive.

Chacun le reconnaît : le quinquennat place la question présidentielle au centre de la vie politique, et ce de manière permanente. Non seulement le Président de la République centralise des pouvoirs considérables, mais il monopolise le débat politique.

Les dégâts collatéraux de cet état de fait sont considérables. Nos concitoyens s’engagent fortement lors du scrutin présidentiel, car celui-ci est présenté comme le moment clé pour tenter de changer le cours des choses, mais les déceptions successives, les promesses non tenues par des candidats prêts à tout pour accéder à l’Élysée entraînent un rejet croissant de la politique.

La dérive présidentialiste actuelle a pour conséquence d’accentuer la déchéance du Parlement et, plus largement, des assemblées élues.

M. Jacques Mézard. Très bien !

Mme Éliane Assassi. Nous assistons à une présidentialisation à tous les étages : n’est-il pas déjà question d’élire les présidents de région au suffrage universel direct ?

Depuis 1958, le parti communiste français n’a de cesse de prôner le retour à un régime parlementaire et s’interroge, pour le moins, sur les pouvoirs du chef de l’État et sur son mode d’élection.

M. Jean-Pierre Bosino. Hé oui !

Mme Éliane Assassi. Nous estimons que l’heure n’est plus au rafistolage d’un système à bout de souffle et qu’il faut favoriser l’irruption citoyenne dans le cadre d’une VIe République.

Je le dis à tous les démocrates, aux partisans du pluralisme et du débat d’idées : il faut faire vite, car certaines forces entendent également changer la République, en instaurant un régime présidentiel, dans le cadre d’un transfert continu des pouvoirs à l’échelon européen.

Je regrette que, en lieu et place d’un grand débat sur nos institutions, nous n’abordions le sujet de l’élection présidentielle qu’à travers le prisme de ces deux propositions de loi. Ces textes portent sur de multiples questions, dont certaines sont d’une grande importance pour l’organisation de l’élection présidentielle et, nous le verrons, pour le respect du pluralisme.

En ce qui concerne tout d’abord les parrainages, j’estime qu’il faut laisser au candidat la responsabilité de l’envoi des signatures au Conseil constitutionnel. Je m’interroge par ailleurs sur la publicité intégrale des signatures. En effet, cela ne risque-t-il pas de favoriser les candidats disposant du plus grand nombre de signatures, en particulier pour l’attribution du temps de parole ou d’antenne, alors que, selon nous, l’égalité entre toutes celles et tous ceux qui ont obtenu 500 parrainages doit être assurée ? Le nombre de parrainages recueillis devient un enjeu et leur collecte s’apparentera à un « pré-premier tour ».

S’agissant ensuite des comptes de campagne, je m’oppose fermement, avec mon groupe, je m’oppose fermement à la réduction de un an à six mois de la période de comptabilisation des dépenses de campagne. Selon nous, cette proposition est inacceptable sur le plan de la transparence et de l’éthique ; c’est la voie ouverte à la surenchère financière. En effet, si les plafonds demeurent les mêmes, nous assisterons à l’explosion des dépenses électorales sur une année, ce qui renforcera de facto le rapprochement, déjà si patent – il suffit de s’intéresser à l’actualité de cette semaine, par exemple ! – entre argent et politique. Bien entendu, cette surenchère financière favorisera les grandes formations politiques.

Cette proposition a également pour finalité, à demi avouée, d’exonérer de déclaration les dépenses engagées par un candidat au titre des primaires organisées par son parti.

Nous le voyons bien, cette question du financement est essentielle au regard de l’accélération du processus de bipolarisation – ou de tripolarisation –, débouchant sur une américanisation de notre vie politique, ponctuée de shows médiatiques tous les cinq ans. Comment ne pas s’en inquiéter ?

Nous espérons que le report de l’application de cet article à 2022, proposé par M. le rapporteur et retenu par la commission des lois, permettra de reprendre la réflexion sur le sujet et de revenir à une durée d’un an pour la comptabilisation des dépenses de campagne.

Le point que je vais maintenant évoquer est celui qui suscite les plus vifs débats, à juste titre.

Le Gouvernement, par l’intermédiaire de MM. Urvoas et Le Roux, auteurs de ces propositions de loi, entend supprimer l’égalité des temps de parole entre candidats dans la période dite « intermédiaire », qui s’étend de la publication des candidatures par le Conseil constitutionnel à l’ouverture de la campagne officielle et couvre donc trois semaines déterminantes.

La justification de cette mesure est assez étonnante : comme le principe d’égalité ne serait pas bien respecté, on propose de lui substituer un principe d’équité fondé notamment sur la capacité d’animation du candidat ou sur son niveau dans les sondages !

On m’objectera que ces principes guidaient le CSA : cela explique mieux le déséquilibre actuel des temps de parole ! Le bagout de Mme Le Pen, ses capacités supposées d’animatrice et des sondages favorables expliqueraient donc son omniprésence médiatique lors des récentes campagnes électorales !

En réalité, les règles appliquées par le CSA doivent être revues, ainsi que son fonctionnement et sa composition. Dans cet perspective, nous approuvons les propositions visant à encadrer son fonctionnement.

En tout état de cause, mon groupe s’oppose avec vigueur à des dispositions qui accentueront encore le non-respect du pluralisme dans les médias, y compris durant la dernière ligne droite de la campagne pour l’élection présidentielle.

À la page 30 de son rapport, M. Béchu indique que c’est « la liberté éditoriale des médias audiovisuels [qui] prime » jusqu’à l’ouverture de la campagne officielle. Je trouve cela inacceptable !

Faute de temps, je ne rouvrirai pas le nécessaire débat sur l’indépendance des médias dans notre pays. Qui peut toutefois affirmer sans sourciller, dans cet hémicycle, que cette indépendance existe ou que les grands groupes financiers, d’une part, et les pouvoirs publics, d’autre part, ne jouent pas un rôle décisif ?

En résumé, mes chers collègues, ces propositions de loi d’inspiration gouvernementale ne répondent en rien aux questions fondamentales relatives à l’élection présidentielle.

Mme Nathalie Goulet. Tout à fait !

M. Jacques Mézard. C’est vrai !

Mme Éliane Assassi. Elles accentuent, bien au contraire, les atteintes au pluralisme, tout en esquissant les contours de l’instauration d’un régime purement présidentiel, comme le donne à entendre le débat sur les comptes de campagne.

M. Jacques Mézard. Excellent !

Mme Éliane Assassi. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe CRC votera contre ces textes, sauf bien entendu à ce que nos amendements soient adoptés, ce dont vous me permettrez de douter !

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