Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Des bidouillages qui remettent en cause le pluralisme

Modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle (nouvelle lecture) -

Par / 31 mars 2016

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le débat que nous reprenons aujourd’hui montre bien que la précipitation et sa traduction parlementaire, la procédure accélérée, ne produisent pas toujours les effets escomptés.

En première lecture, nous avions critiqué les modalités de mise en débat de textes organisant la future élection présidentielle à une année tout juste de celle-ci. Nous avions également noté l’insuffisance du temps de discussion accordé à des textes fourre-tout comportant nombre de mesures de première importance pour la vie démocratique de notre pays.

Après l’échec de la commission mixte paritaire, la majorité de l’Assemblée nationale a choisi de reprendre les dispositions qu’elle avait adoptées en première lecture, à l’exception de quelques aménagements de second ordre.

Lors de notre discussion du 18 février dernier, en première lecture, j’ai regretté que le grand débat sur l’état de nos institutions n’ait pas eu lieu durant les quatre dernières années. Beaucoup regrettent le décalage croissant entre le pouvoir politique et les citoyens et, plus généralement, le rejet croissant de la politique, qui se concrétise, malheureusement, par une abstention massive.

La question de l’élection présidentielle est, selon nous, au cœur de cette crise.

Le déséquilibre des pouvoirs au profit de l’exécutif, induit par la Constitution de 1958, s’est renforcé au fil des années. L’effacement progressif du Parlement, détenteur du pouvoir législatif, a confirmé cette évolution dangereuse pour notre démocratie.

Avec la mise en place du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, qui soumet l’élection législative à l’élection présidentielle, une forme d’hyper-présidentialisation est à l’œuvre, symbolisée par l’introduction dans la Constitution, en 2008, du discours du Président de la République devant le Congrès, qui avait été alors critiquée par toute la gauche réunie.

La vie politique tourne autour de l’élection présidentielle et, finalement, de la quête de l’homme ou, plus rarement, de la femme providentielle.

Le Président de la République centralise des pouvoirs considérables. D’ailleurs, la manière dont François Hollande, hier, a clos le débat constitutionnel sur l’état d’urgence et la déchéance de la nationalité est assez symptomatique : il décide, tel un monarque, de la vie ou de la mort d’un débat public.

Que devient le pouvoir du peuple et de ses représentants dans un tel système ? À l’heure de la révolution numérique, bien réelle, un tel pouvoir pyramidal est contraire aux aspirations profondes de notre peuple.

Avec le parti communiste et le front de gauche, nous appelons à une véritable révolution citoyenne et à une refondation de nos institutions, ce qui passe par plusieurs évolutions, notamment la remise à plat d’un système qui, chacun le sait ici, ne fonctionne plus et expose notre pays à de graves dérives démocratiques.

Nous n’aurons pas ce grand débat sur nos institutions, notamment sur la place du Président de la République en leur sein, durant ce quinquennat. En revanche, le Gouvernement nous propose ces deux textes, une proposition de loi organique et une proposition de loi, qui, sous un aspect anodin, renforcent encore le caractère bipolaire, voire tripolaire, de notre vie politique.

Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des points abordés par ces textes, car je les ai évoqués plus en détail lors de la première lecture.

Cependant, je tiens quand même à évoquer deux éléments importants rétablis par l’Assemblée nationale dans leur rédaction d’origine, ou presque, alors que la rédaction du Sénat, sans être totalement satisfaisante, atténuait quelque peu l’impact du texte gouvernemental.

En premier lieu, je tiens à dire que nous refusons radicalement la limitation du champ temporel des comptes de campagne pour l’élection présidentielle à six mois au lieu d’une année, et ce à plafond constant. Cette incitation à une augmentation importante des dépenses électorales favorisera bien entendu les grandes formations au détriment des petites et, surtout, s’inscrit dans une conception de la vie politique qui l’associe sans hésitation au monde de l’argent. Le modèle doit-il être celui où une élection présidentielle se gagne à coup de centaines de millions de dollars ? Nous voterons une nouvelle fois avec détermination contre une telle mesure.

En second lieu, je veux aborder la mise en cause de la règle actuelle de répartition du temps de parole, qui, là aussi, se fera au détriment du pluralisme.

La majorité de l’Assemblée nationale a confirmé le 24 mars sa version de la proposition de loi qui n’est, nous l’avons bien compris, qu’un projet gouvernemental déguisé.

Le texte dont le Sénat a été saisi en nouvelle lecture propose donc de nouveau, purement et simplement, de supprimer l’égalité du temps de parole durant la période dite intermédiaire, c’est-à-dire la période s’écoulant entre la publication des candidatures par le Conseil constitutionnel et l’ouverture de la campagne présidentielle officielle.

Au principe d’égalité, la majorité gouvernementale propose de substituer un principe d’équité, fondé en particulier sur la capacité d’animation du candidat ou de la candidate et sur son niveau dans les sondages !

Pourquoi ne pas avoir décidé de donner mission à un CSA transformé de faire respecter l’égalité du temps de parole plutôt que de procéder de tels bidouillages, qui, là encore, et de manière caricaturale et provocatrice, remettent en cause le pluralisme et donc la démocratie ?

Faut-il que le pouvoir se sente faible pour procéder à de telles manœuvres destinées à le préserver… Les conditions d’examen de dispositions aussi essentielles sont indignes, et nous estimons que le Conseil constitutionnel devra en être saisi.

L’attitude du Gouvernement et de la majorité de l’Assemblée nationale est violente. Elle s’apparente à un coup de force que nous n’acceptons pas, et auquel nous appelons à résister, car l’esprit de résistance est dans nos gènes !

En démocratie, la voix du peuple trouve toujours son chemin, comme aujourd’hui, pour contester ce projet de loi détestable de casse du code du travail.

Nous nous opposons donc avec détermination et résolution à ces deux textes, et, ce qui est plus rare, nous voterons, en cohérence avec mes propos, la motion tendant à opposer la question préalable déposée par notre rapporteur.

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