Lois
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Cette mesure n’a aucune utilité sanitaire
Passe vaccinal (nouvelle lecture) -
Par Éliane Assassi / 15 janvier 2022Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comment ne pas avoir cette après-midi une sensation de déjà-vu ?
Après des jours et des jours de « vous allez voir ce que vous allez voir ! », évoquant un Sénat gardien des libertés publiques, raisonnant à l’écart de la pression de l’urgence, vous nous expliquez aujourd’hui, monsieur le rapporteur, que la raison, en définitive, c’est justement de voter le texte du Gouvernement et de l’Assemblée nationale, laquelle a retoqué pour l’essentiel l’apport sénatorial.
Pourtant, monsieur le rapporteur, vous nous avez répété à maintes reprises, depuis plusieurs semaines, que ce texte ne répondait pas à une urgence sanitaire et qu’il n’aurait aucun impact sur la vague actuelle. Et qui, à part le Gouvernement, pourrait prétendre le contraire ?
Ce que vous nous demandez d’adopter, avec le Gouvernement, c’est un texte anachronique. La stratégie de la restriction des libertés publiques n’a pas marché contre la propagation du virus, ni pour le variant delta ni pour le variant omicron. Bien entendu, la simple annonce du passe sanitaire a provoqué une forte progression de la vaccination, ce dont nous nous félicitons.
Toutefois, faut-il se vanter d’avoir recours à la coercition parce que notre système de santé, de l’hôpital à l’assurance maladie en passant par la médecine de ville, est exsangue et n’a pas pu mener par la persuasion une campagne de vaccination, comme ce fut le cas dans de très nombreux pays ?
Le passe vaccinal, malgré les tentatives de déviation du débat pointant les non-vaccinés, n’aura qu’un impact très limité pour atteindre les 10 % de nos compatriotes encore aujourd’hui récalcitrants, qu’ils soient mal informés ou dépourvus de contact avec des personnes vulnérables ou âgées.
Madame la ministre, nous voterons contre ce projet de loi, car il n’a pas lieu d’être sur le plan sanitaire. Mais nous voterons aussi contre ce texte, car, comme ceux sur le passe sanitaire et sur la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, il participe à la transformation de notre société, à sa fracturation, à sa mise sous coupe.
Mes chers collègues, nous n’acceptons pas que l’Assemblée nationale, avec l’assentiment d’une majorité de circonstance, s’assoie sur le vote des 303 sénateurs ayant supprimé mardi soir l’ersatz de contrôle d’identité corollaire du passe vaccinal prévu par le projet de loi ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
Mme Éliane Assassi. Nous approuvons donc que le Sénat ait renouvelé son opposition à cette mesure, en adoptant un amendement ce matin, lors de la réunion de la commission des lois.
Aujourd’hui comme hier, nous dénonçons la mise en place par le Gouvernement d’un rideau de fumée visant à masquer l’incurie du libéralisme décomplexé qu’il défend quand il s’agit d’apporter, face à la crise, des réponses conformes à l’intérêt général.
Avec mon groupe et avec mes amis députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, j’ai inlassablement répété au cours des débats que d’autres choix sont possibles et qu’une autre voie peut être empruntée : celle de la solidarité sur le plan national et international, celle du service public.
Je le répète, cette politique masque la casse de l’hôpital public, la fermeture de lits durant l’épidémie, l’incapacité de notre industrie à produire le vaccin, l’assèchement de la recherche et le manque de moyens à tous les étages, notamment à celui de l’école, pour réorganiser la société face à cette terrible crise que nous traversons.
Jamais nous n’avons obtenu une discussion sérieuse sur la question clef de la levée des brevets ! Pourtant, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) nous y adjure. La multiplication des doses de rappel dans les pays riches n’est pas la solution à long terme. Il faut vacciner l’humanité tout entière !
M. Pierre Ouzoulias. Tout à fait !
Mme Éliane Assassi. Enfin, mes chers collègues, comment ne pas voir que la confusion actuelle provient en grande partie de la défaillance démocratique illustrée tant par les débats rocambolesques de la commission mixte paritaire que par les discussions de pure forme qui auront lieu aujourd’hui au Sénat ?
Mercredi soir, nous avons rappelé qu’il est nécessaire de sortir de la gestion sanitaire de la crise décidée par Emmanuel Macron, entouré de son conseil de défense opaque.
C’est l’ensemble des acteurs de la société qu’il faut mobiliser, et le Parlement doit reprendre pleinement sa place de décideur. Aujourd’hui, le Parlement, y compris malheureusement le Sénat, accompagne le Gouvernement dans ses choix antidémocratiques à l’efficacité contestable quant à la lutte contre la pandémie.
Nous voterons donc contre ce texte dépassé, dont l’objectif est politique et non sanitaire.