Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Suppression des conditions de nationalité pour certaines professions

Par / 11 février 2009

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’aborder la proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste visant à supprimer les conditions de nationalité qui restreignent l’accès des travailleurs étrangers à l’exercice de certaines professions libérales ou privées, je souhaiterais faire une remarque liminaire, qui n’a pas de rapport avec le texte, ses signataires et son rapporteur, mais qui mérite d’être évoquée à l’heure où le Sénat entame un débat sur l’organisation du travail législatif.

Je constate que, à l’occasion de la journée consacrée à l’initiative parlementaire, lorsqu’un texte est déposé par un membre de la majorité parlementaire, le rapporteur nommé en commission est du même bord politique, lorsque l’auteur est membre du groupe socialiste, le rapporteur nommé est également membre de ce groupe.

M. Yannick Bodin. Pas toujours !

Mme Éliane Assassi. Finalement, il n’y a que lorsqu’un membre du groupe CRC-SPG dépose une proposition de loi que le rapporteur nommé est d’une autre sensibilité politique, et de préférence issu de la majorité sénatoriale de droite.

Je pense ici à la proposition de loi déposée par ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin et tendant à abroger le service minimum d’accueil dans les écoles maternelles et primaires. Pour ce texte, point de rapporteur CRC-SPG, point d’auditions et, au final, point de discussion des articles.

Il y a vraiment deux poids, deux mesures. Où est donc la prétendue revalorisation du rôle du Parlement et, surtout, où est le renforcement des droits de la minorité parlementaire ?

Pour en revenir au texte relatif aux emplois dits « fermés » qui nous occupe, je rappelle qu’il nous est proposé de supprimer la condition de nationalité pour l’exercice de certaines professions libérales ou privées. Il s’agit en l’occurrence des professions réglementées suivantes : médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme, vétérinaire, architecte, géomètre expert, expert-comptable ; les avocats et les interprètes ont été retirés du texte pour les raisons explicitées par M. le rapporteur ; en outre, par un amendement, Mme Khiari nous proposera d’en rester au droit en vigueur pour les pharmaciens.

L’objectif ici visé est louable dans la mesure où il s’agit de lutter contre les discriminations à l’embauche que subissent les étrangers non communautaires. À diplôme égal, un étranger non communautaire devrait en effet pouvoir exercer dans les mêmes conditions que les Français ou les ressortissants communautaires qui ont, eux, accès aux professions réglementées et à la fonction publique non régalienne.

On estime que près de 7 millions d’emplois sont interdits aux étrangers extracommunautaires. Au total, 30 % de l’ensemble des emplois sont partiellement ou totalement interdits aux étrangers. Cela concerne, dans le secteur privé, environ cinquante professions qui sont plus ou moins fermées aux étrangers, mais la plupart des emplois fermés - 5,2 millions - se situent dans la fonction publique non régalienne.

La condition de nationalité pour l’accès au marché du travail n’est pas sans effet sur la dynamique de l’emploi des étrangers et sur leur intégration. Ce sont ces discriminations légales qui, en se propageant dans toute la société, finissent par entraîner des discriminations illégales.

En instituant dans certaines professions des discriminations entre Français et étrangers, entre ressortissants non communautaires et communautaires, voire entre ressortissants communautaires - je pense ici particulièrement aux Bulgares et aux Roumains, qui n’ont pas accès au travail en France -, le droit entretient l’idée selon laquelle il serait normal d’opérer des discriminations envers les étrangers, singulièrement quand ils sont extracommunautaires.

La condition de nationalité explique d’ailleurs la structure de l’emploi des étrangers, lesquels restent cantonnés dans certains emplois alors qu’ils sont totalement absents de certains autres secteurs du marché du travail.

Pour ces raisons, le parti communiste français, dont je suis membre, réclame de longue date l’ouverture des emplois fermés aux étrangers non communautaires dans les secteurs privé et public. Il l’avait d’ailleurs rappelé en 2001 en cosignant avec plusieurs organisations et associations des droits de l’homme, syndicats et partis politiques une lettre ouverte en ce sens adressée au Premier ministre de l’époque.

Il n’est pas inutile de rappeler que la décision d’interdire certaines professions aux étrangers a souvent été prise sous la pression des événements, à des moments troubles de notre passé, lors de guerres, de crises, ou de poussées xénophobes.

Ces interdictions ont également été motivées par la volonté de protéger les nationaux d’une concurrence considérée comme déloyale. Elles n’ont jamais été remises en cause sauf, dans une période récente, pour les ressortissants de l’Union européenne, sous la pression du droit communautaire.

Le présent texte amorce donc ici un processus d’ouverture de certaines professions aux étrangers extracommunautaires munis de diplômes nationaux.

Si l’intention des auteurs de la proposition de loi, à savoir lutter contre les discriminations à l’embauche, est, je le redis, tout à fait louable, il convient en revanche de veiller à ce que de telles mesures n’entraînent pas une fuite des talents de certains pays moins développés, qu’elles ne viennent pas renforcer ou conforter l’« immigration choisie » prônée par le Gouvernement et le Président de la République, choix politique que je combats fermement, enfin, qu’elles ne débouchent pas ultérieurement sur la mise en place de quotas d’étrangers dans chaque profession concernée en fonction des besoins de l’économie française, choix que je récuse tout aussi vigoureusement.

La donne a changé, singulièrement depuis 2003, avec les différentes lois sur l’immigration qui ont été adoptées, mettant en place cette « immigration choisie » chère à M. Sarkozy. À cette vision purement économique de l’étranger, réduit à une main d’œuvre flexible et bon marché, il est temps d’opposer, me semble-t-il, une approche plus respectueuse des droits et de l’égalité de traitement.

Cette proposition de loi ouvre des brèches intéressantes dans la lutte contre les discriminations, même si je m’interroge sur sa portée puisque seules sont visées quelques professions, et uniquement dans le secteur libéral.

Ainsi, la fonction publique non régalienne n’est pas concernée par le présent texte. C’est pourquoi nous présenterons un amendement visant à donner aux étrangers non communautaires la possibilité de concourir- à l’instar des étrangers communautaires depuis la loi de 1991 - pour occuper des emplois de l’une des trois fonctions publiques. J’y reviendrai plus précisément lors de la présentation de cet amendement.

Pour l’heure, j’indique que le groupe CRC-SPG votera cette proposition de loi telle qu’elle nous est présentée.

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