Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Les armes prolifèrent en France

Contrôle des armes : deuxième lecture -

Par / 27 février 2012

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’adoption de cette proposition de loi à l’unanimité, tant par le Sénat que par l’Assemblée nationale, montre, il est vrai, la préoccupation partagée par l’ensemble de la représentation nationale de revoir la législation sur les armes.

Cette préoccupation part d’un double constat fait par la mission d’information dans son rapport sur les violences par armes à feu et l’état de la législation.

D’une part, les armes prolifèrent en France, où elles semblent se vendre très facilement, faisant désormais l’objet d’un véritable trafic. Le nombre des victimes augmente, en lien avec la diffusion d’armes de plus en plus dangereuses.

D’autre part, les textes actuels visant à contrôler et à sanctionner la détention illégale d’armes sont trop complexes ; l’encadrement juridique est insuffisamment dissuasif et proportionné devant une telle propagation.

Nous avons pris acte du fait que le texte qui nous est proposé est issu d’une réelle concertation et qu’il répond aux attentes des chasseurs, des tireurs sportifs, des collectionneurs et des armuriers.

Toutefois, si nous sommes d’accord sur ce texte, permettez-moi de dépasser quelque peu le cadre du sujet qui nous occupe en revenant sur les interrogations qu’avait soulevées, en première lecture, notre collègue Nicole Borvo Cohen-Seat, aucune réponse satisfaisante ne lui ayant malheureusement été apportée.

Ces interrogations concernent certaines armes de quatrième catégorie : les armes à impulsion électrique permettant de provoquer un choc électrique à distance et les armes à impulsion électrique de contact permettant de provoquer un choc électrique à bout touchant.

M. René Garrec. Ce ne sont pas des armes de chasse, ma chère collègue !

Mme Éliane Assassi. Tout à fait ! Mais, sans revenir sur le fond du texte, je profite de cette occasion pour poser un certain nombre de questions.

Ces armes sont théoriquement, comme les armes à feu, interdites à la vente libre.

Le Conseil d’État a considéré, le 2 septembre 2009, que leur emploi « comporte des dangers sérieux pour la santé, résultant notamment des risques de trouble du rythme cardiaque, de syndrome d’hyperexcitation, augmentés pour les personnes ayant consommé des stupéfiants ou de l’alcool, et des possibles complications mécaniques liées à l’impact des sondes et aux traumatismes physiques résultant de la perte de contrôle neuromusculaire ; que ces dangers sont susceptibles, dans certaines conditions, de provoquer directement ou indirectement la mort des personnes visées ». Ce n’est pas rien !

De même, souvenons-nous que le comité de l’ONU contre la torture, dans un rapport du 23 novembre 2007 sur le Portugal, indiquait au sujet du Taser que « l’usage de ces armes provoque une douleur aiguë, constituant une forme de torture, et que, dans certains cas, il peut même causer la mort ».

Les États-Unis, précurseurs dans la banalisation de l’utilisation du Taser, ont récemment fait l’objet de critiques de la part d’Amnesty International, qui a recensé au moins 500 personnes mortes aux États-Unis depuis 2001 après avoir été touchées par cette arme lors de leur arrestation ou de leur incarcération.

En première lecture, Philippe Richert nous a répondu : « Le Taser est une arme non létale, ayant vocation à être classée dans la catégorie B, parmi les “armes soumises à autorisation pour l’acquisition et la détention”. Cette arme a donc un usage parfaitement réglementé et elle remplit sa vocation opérationnelle. »

Cette subtile distinction conduit à dire que ces armes ne sont mortelles que pour certaines personnes. Mais il reste que, lorsqu’on les emploie, on ne sait pas si les personnes susceptibles d’être atteintes font partie de celles pour lesquelles ces armes sont létales.

De plus, à la suite de nombreux drames liés à l’usage par la police de ce type d’arme, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, ou CNDS, a recommandé de ne pas utiliser le flash-ball « lors de manifestations sur la voie publique ». Elle rappelait, en effet, que cette arme, dont les policiers municipaux peuvent être équipés, risque de causer des blessures graves et irréversibles, d’autant que leurs trajectoires de tirs sont imprécises. Elle soulignait, en outre, que des négligences et des manquements professionnels graves ont été constatés à maintes reprises quant à l’utilisation de ces armes dites « sublétales ».

Voilà plus d’un an, le lundi 13 décembre 2010, un homme décédait à Marseille, victime d’un arrêt cardiaque, après avoir reçu un tir de flash-ball d’un policier.

De même, le 14 octobre 2010, lors d’une manifestation sur la réforme des retraites, un jeune lycéen a gravement été touché au visage par l’utilisation d’un flash-ball par un gardien de la paix qui avait été habilité en 2008 à utiliser cette arme, mais qui n’avait pas suivi la formation continue conditionnant chaque année le maintien de cette autorisation. Il n’en connaissait d’ailleurs même pas l’existence.

Plus récemment, dans une décision rendue le 7 février dernier, le Défenseur des droits reproche au ministère de l’intérieur de ne pas respecter ses propres prescriptions en ce qui concerne la formation et l’habilitation des policiers. Il souhaite, par ailleurs, que les responsables politiques s’interrogent sur l’opportunité de l’emploi de ces armes.

Pour notre part, nous avons soulevé ces interrogations, et nous vous faisons part de nos inquiétudes depuis plusieurs années. En 2010, le groupe CRC a d’ailleurs déposé une proposition de loi visant à interdire l’utilisation d’armes de quatrième catégorie par la police ou la gendarmerie contre des attroupements ou manifestations, leur commercialisation ou leur distribution pour des polices municipales ou des particuliers.

Monsieur le ministre, vos réponses ne conditionneront pas notre vote en faveur de la présente proposition, mais nous ne pouvons nous contenter de réponses évasives sur un sujet aussi important et renouvelons le souhait que soit décidé, dans l’immédiat, un moratoire sur l’utilisation de l’ensemble des armes de quatrième catégorie par les forces de l’ordre.

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