Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Interdiction de la peine de mort : projet de loi constitutionnelle (intervention au Congrès)

Par / 19 février 2007

Monsieur le Président du Congrès,
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Mes Chers Collègues,

Aujourd’hui, notre parlement réuni en Congrès va accomplir un acte historique. Un acte qui s’inscrit dans le prolongement du mouvement abolitionniste entamé en France au siècle des Lumières et concrétisé voilà près de 26 ans par la loi du 9 octobre 1981 de notre collègue Robert BADINTER, alors Garde des Sceaux.
Les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen du Sénat -qui m’ont fait l’honneur d’être aujourd’hui leur porte-voix- se réjouissent unanimement de l’inscription dans notre Constitution des mots : « Nul ne peut être condamné à la peine de mort ».

Ils s’en réjouissent d’autant qu’ils sont depuis longtemps engagés dans les combats abolitionnistes aux côtés, d’associations ou d’organisations nationales, européennes ou internationales. Car en la matière les élus communistes et plus largement les communistes sont clairs : nous sommes pour l’éradication du châtiment suprême partout sur la planète ! C’est une conviction forte que nous défendons avec courage et détermination car c’est un combat qui ne peut connaître ni exceptions, ni justifications d’ordre politique, philosophique ou religieux !

Ainsi, aujourd’hui, la constitutionnalisation de l’abolition de la peine de mort -que nous attendions depuis longtemps- va permettre à la France d’une part, d’adhérer au second protocole facultatif au pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1989 et, d’autre part, de ratifier le protocole n°13 additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatif à l’abolition de la peine de mort en toutes circonstances.

Plus qu’un symbole donc, il s’agit bien de rendre dans notre pays l’abolition de la peine de mort définitive et irréversible, de rendre toute marche arrière impossible en la matière, c’est-à-dire concrètement de fermer définitivement la porte au rétablissement de la peine capitale en cas de guerre ou d’évènements exceptionnels.
Juridiquement nécessaire en ce qu’il répond à une recommandation du Conseil constitutionnel, le présent texte est d’une importance primordiale en ces temps troubles marqués par le terrorisme et les guerres à travers le monde et où la tentation est grande chez les nostalgiques de la guillotine de rétablir la peine de mort en certaines circonstances.
Et comment ne pas regretter ici -en ce moment solennel- que certains parlementaires français ne soient pas insensibles à cette tentation !

Cela dit, inscrire l’abolition dans notre texte fondamental ne peut constituer une fin en soi.
Tout au contraire, il représente à mes yeux un nouvel élan, un levier pour aller vers l’universalité de l’abolition de ce châtiment suprême qui est toujours en vigueur dans 78 pays où près de 2000 personnes attendent leur exécution dans les couloirs de la mort.
La France doit continuer à dénoncer, partout où elle est pratiquée, cette loi du talion qui constitue un traitement inhumain, cruel et dégradant, et qui est contraire aux droits de l’Homme les plus fondamentaux.
Inutile en terme de lutte efficace contre la criminalité, irréparable en cas d’erreurs judiciaires, la peine capitale qui est de surcroît davantage prononcée à l’encontre des minorités ethniques et des plus démunis, est toujours synonyme de l’échec de la justice.

Si je me félicite du recul de la peine de mort dans le monde, en revanche je déplore que trop d’Etats continuent de l’appliquer et que d’autres encore aient repris les exécutions après des moratoires prolongés.
Nous devons tous nous engager avec plus de force encore pour atteindre un objectif : celui de la disparition totale et inconditionnelle de la peine capitale des textes répressifs de tous les Etats du monde et faire ainsi grandir les valeurs qui fondent notre idée de la justice dans les démocraties.
Nous savons que cet objectif est loin d’être atteint puisqu’aux Etats-Unis, en Chine, au Japon, dans les pays Arabes, en Iran -et malheureusement dans bien d’autres encore- on continue de prononcer des condamnations à mort, on continue d’exécuter des personnes, y compris pour de simples délits.

Pour atteindre ce but, cela nécessite dans le même élan une mobilisation accrue des politiques nationale, européenne et internationale pour faire triompher la cause de l’humanité ; mobilisation qui doit s’accompagner d’une vigilance constante pour éviter tout retour en arrière.
J’ai conscience que c’est un travail de longue haleine mais ce travail est indispensable.
Je suis convaincue que le combat pour éradiquer universellement la peine de mort est synonyme de pacification et d’humanisation des relations dans le monde. A cet égard, il ne peut que contribuer au renforcement de la dignité humaine et le développement des droits de l’homme.

Vous l’aurez compris les sénatrices et les sénateurs du groupe CRC voteront en faveur de l’inscription dans notre texte fondamental de l’abolition de la peine capitale.
C’est une démarche qui nous honore tous.
En ce jour solennel, je forme le vœu que ce que nous accomplissons ici même pèsera très concrètement demain dans le mouvement universel en faveur de l’abolition de la peine de mort à travers le monde.

Comme l’a dit Arthur Penn, grand cinéaste américain : « Quand nous tuons au nom de la société, c’est toute la société qui est diminuée par cet acte ».
Oui, chaque exécution, mais également chaque condamnation à mort est une défaite pour l’humanité toute entière.
En ce sens, nous pouvons dire que l’acte que nous allons produire aujourd’hui est une contribution pour faire progresser l’humanité vers plus.... d’humanité.
Je vous remercie.

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Bio Express

Éliane Assassi

Sénatrice de Seine-Saint-Denis - Présidente du groupe CRCE
Membre de la commission des Lois
Elue le 26 septembre 2004
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