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Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Il est grand temps que l’ensemble des habitants de nos villes puissent participer à la vie civique

Droit de vote et d’éligibilité des étrangers non communautaires aux élections municipales -

Par / 8 décembre 2011

L’octroi du droit de vote et d’éligibilité aux étrangers dans les élections locales se pose depuis 30 ans dans notre pays.

Les parlementaires communistes portent, quant à eux, cette exigence démocratique de façon constante depuis plus de 20 ans, que ce soit par le biais de propositions de loi ou d’amendements, voire par le biais de la mise en œuvre de la procédure de discussion immédiate comme en janvier 2006.

Pour mémoire, une première proposition de loi constitutionnelle relative au droit de vote et à l’éligibilité des étrangers dans les élections municipales a été déposée à l’Assemblée nationale le 13 décembre 1988 et au Sénat le 5 avril 1990.

Depuis lors et chaque fois qu’un texte de loi nous en a offert la possibilité, nous avons déposé des amendements tendant à attribuer de nouveaux droits politiques aux étrangers.

Toujours en vain en raison de l’ancrage à droite de notre Haute-Assemblée.

Il faudra attendre le 3 mai 2000 pour que l’Assemblée nationale, majoritairement à gauche à l’époque, adopte une proposition de loi constitutionnelle instituant le droit de vote et d’éligibilité des étrangers.

Ce texte -issu de 4 propositions de loi similaires dont celle de mon ami Bernard BIRSINGER à qui je tiens à rendre ici un hommage ému et appuyé- n’a hélas jamais été inscrit à l’ordre du jour du Sénat.

Aujourd’hui, plus de 10 ans après l’Assemblée nationale, nous nous apprêtons donc à adopter un texte accordant enfin le droit de vote et d’éligibilité aux résidants étrangers non communautaires.

Même si ce texte ne sera pas appliqué immédiatement compte tenu du fait qu’il devra être à nouveau soumis à l’Assemblée nationale puis à référendum, nous nous réjouissons de l’examen de ce texte rendu possible grâce au basculement du Sénat à gauche.

Mesure symbolique du changement de majorité certes mais au-delà, avec la reconnaissance d’un tel droit, il s’agit bel et bien d’une avancée démocratique importante, d’une étape supplémentaire vers plus d’égalité, d’un indéniable facteur d’intégration.

En effet, nous ne pouvons plus continuer à écarter du droit de vote et d’éligibilité des milliers de résidents étrangers qui participent dans notre pays, depuis plusieurs années et de façon active, à la vie de la cité, à la vie associative, syndicale, culturelle, éducative etc.

Ne votent-ils pas déjà aux élections prud’homales et aux élections au sein de l’entreprise ? N’élisent-ils pas les parents d’élèves aux conseils d’écoles ?

Faut-il rappeler qu’ils bénéficient depuis 1981 du droit d’association ?

Faut-il encore rappeler que la plupart d’entre eux est issue de nos anciennes colonies, qu’elle a contribué - et contribue aujourd’hui encore - au développement économique et à la richesse de notre pays ?

On ne peut plus les considérer comme des « travailleurs de passage en France » censés retourner dans leurs pays d’origine.

Ces étrangers, qui sont venus en France dans les années 60-70 pour répondre aux besoins de main d’œuvre, y ont construit toute leur vie : privée, familiale et sociale. Ils ont eu des enfants en France, lesquels sont français et ont le droit de vote. D’ailleurs, ces enfants ne comprennent pas pourquoi leurs parents sont exclus de ce droit.

L’exclusion de la vie politique locale des parents ne peut que rejaillir sur ces jeunes. C’est pourquoi j’estime qu’accorder le droit de vote aux résidents étrangers devrait avoir aussi un effet bénéfique sur la participation aux élections de leurs enfants.

On le voit, il est grand temps que l’ensemble des habitants de nos villes puissent participer à la vie civique. Il s’agit d’un enjeu majeur.

D’autant plus que nul n’ignore combien l’exercice de la citoyenneté peut être un facteur essentiel d’intégration à la société française et par là-même un levier d’émancipation. Le tout permettant, contrairement à ce que prétend la droite, de lutter contre le communautarisme et le repli sur soi.

Car c’est précisément lorsqu’on divise les gens, lorsqu’on stigmatise certaines populations, comme le fait la droite à longueur d’année que l’on favorise le communautarisme.

Brandir cet argument des dangers du communautarisme, c’est refuser de reconnaître que l’on n’a pas mis en place tout ce qui permettrait de lutter contre le repli sur son semblable, à savoir, la participation à la vie de la collectivité.

L’exercice du droit de vote constitue à mes yeux la garantie à la fois d’une citoyenneté participative, active, et d’une construction partagée entre les différents habitants d’un territoire pour vivre ensemble de manière égale et solidaire.

Le présent texte va permettre également de mettre un terme à une discrimination criante entre les étrangers communautaires et les étrangers non communautaires.

En effet, depuis la ratification du traité de Maastricht, les ressortissants de l’UE ont la possibilité de participer aux élections municipales sans condition de durée de résidence.

Il est contraire au principe d’égalité que tous les étrangers présents sur notre sol n’aient pas les mêmes droits alors même que les élections municipales les concernent tout autant.

Comment justifier en effet que des habitants d’une même ville, qui se côtoient, qui fréquentent les mêmes lieux, dont les enfants vont dans les mêmes écoles, n’aient pas les mêmes droits selon qu’ils sont communautaires ou extra-communautaires ? Comment justifier qu’un ressortissant européen récemment établi sur notre sol puisse voter et être élu alors même qu’un salarié algérien ou marocain résidant en France depuis plusieurs dizaines d’années ne le puisse pas ?

C’est injustifiable et fortement injuste.

D’autant plus que nous avons autant de liens avec nos anciennes colonies – si ce n’est plus – qu’avec les pays de l’Union européenne.

Au plan européen, je rappelle que la plupart des pays membres de l’UE (17 sur 27) ont déjà instauré -totalement ou partiellement- le droit de vote à leurs résidents étrangers.

La France est, avec l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie, à la traîne sur cette question fondamentale dont la mise en œuvre apparaît de plus en plus incontournable.

La population est acquise à ce principe. Les sondages montrent en effet qu’une majorité des personnes interrogées sur le droit de vote et d’éligibilité des étrangers non communautaires en France y est favorable.

Ainsi, avec 61% d’opinion favorable à l’instauration d’un tel droit, la société française a aujourd’hui l’opportunité de franchir une étape importante vers un renforcement de la démocratie et permettre ainsi au plus grand nombre d’accéder à la citoyenneté.

Certains élus locaux y sont également favorables. J’en veux pour preuve les votations citoyennes organisées par des municipalités un peu partout en France, notamment dans mon département, et qui ont fait l’objet d’un large débat public.

Des milliers de personnes se sont ainsi prononcées majoritairement en faveur de l’octroi du droit de vote aux étrangers non communautaires.

De nombreuses associations et mouvements prônent également depuis de longues années l’égalité des droits en la matière.

Malgré toutes ces initiatives, malgré l’évolution positive de la société, le pouvoir en place reste sourd à ce qui constituerait pourtant une réelle avancée en matière de démocratie et de citoyenneté.

Reconnaître ce droit serait un signal fort adressé à toute une partie de nos concitoyens qui reste mise à l’écart d’un droit aussi fondamental que celui de voter ne serait-ce que pour des représentants locaux.

La droite refuse cette avancée après pourtant s’y être ralliée en 2005 à la suite de Nicolas SARKOZY alors Président de l’UMP qui, une fois Président de la République, y est redevenu opposé comme il l’était en 1997.

De nombreuses personnalités politiques de tous bords, y compris à droite et au centre (M. BORLOO, M. BAYROU) se sont exprimé pour le droit de vote des étrangers.

Pour mémoire, en 2006, en réponse à notre demande de discussion immédiate sur le droit de vote des étrangers, M. Pascal CLEMENT, alors garde des sceaux, avait indiqué je le cite :

« Lorsque nous sentirons, les uns et les autres, que le débat est mûr, alors - mais je ne veux pas présumer de l’évolution de la société française -, peut-être le gouvernement du moment déposera-t-il, non pas incidemment mais avec une volonté forte, un projet en ce sens sur le bureau des assemblées parlementaires ».

Je pense qu’aujourd’hui, la société française a évolué et qu’elle est prête.

Malgré les tergiversations et les voix discordantes à droite, celle-ci fait néanmoins bloc aujourd’hui contre cette réforme. A preuve les 3 motions de procédure déposées sur ce texte ainsi que votre présence M. le Premier Ministre et celle des ministres de l’intérieur et de la justice.

Votre présence, Monsieur le Premier ministre, si légitime qu’elle soit, ne manque pas de m’interroger.

• ⎝ vous qui, d’ordinaire, ne vous déplacez guère y compris lorsque nous examinons des textes qui concernent des dossiers cruciaux, particulièrement depuis que la majorité du Sénat est à gauche ;

• ⎝ vous qui, d’ordinaire, ne daignez même pas nous répondre quand nous vous posons des questions d’actualité par exemple sur la casse de l’industrie en général et automobile en particulier.

Votre présence aujourd’hui, sur une proposition de loi certes constitutionnelle, mais déposée et examinée dans le cadre -je le rappelle de la semaine sénatoriale d’initiative- pour inédite qu’elle soit a, selon moi, plus d’un sens : *instrumentalisation du thème lié aux étrangers dans la perspective des prochaines élections ; *recadrage de vos troupes divisées sur la question ; signal adressé à la droite populaire ; *appel du pied à l’attention des électeurs FN… que sais-je encore ?

D’ailleurs, l’ensemble de vos arguments pour refuser ce texte relèvent avant tout et au choix : du mensonge, de la mauvaise foi, de la démagogie, de la xénophobie. Tout y est.

Concernant l’argument de la naturalisation, arrêtez de faire croire que si les étrangers veulent voter ils n’ont qu’à demander à être naturalisés.

Vous le savez pertinemment -et pour cause c’est la droite qui a réformé à plusieurs reprises le code de la nationalité - il est très long et très difficile d’accéder à la nationalité française tant les conditions de naturalisation ont été durcies.

J’ajoute que le raisonnement mis en avant par la droite selon lequel la citoyenneté serait indissociable de la nationalité n’est pas fondé dès lors que le traité de Maastricht opère d’ores et déjà une distinction entre nationalité française et citoyenneté européenne.

S’agissant en l’occurrence d’élections locales, il convient de retenir la notion de « citoyenneté de résidence » qui permet à chacun d’être pleinement citoyen là où il vit.

Arrêtez par ailleurs de laisser croire que les étrangers vont devenir maires. C’est un mensonge !

Je condamne à cet égard les propos particulièrement choquants tenus par M. Guéant qui stigmatise une fois n’est pas coutume le département de la Seine-Saint-Denis et sa population qui connaît de graves souffrances dues aux choix politiques du Président de la République.

Plutôt que de remédier aux vrais problèmes de nos concitoyens inquiets à juste titre par rapport à l’emploi, au pouvoir d’achat, à la protection sociale, à l’éducation, etc. la droite dans son ensemble s’emploie à attiser toutes les peurs en ces temps de crise sociale, financière et économique.

Vos arguments favorisent la montée de l’extrême droite qui trouve ses racines dans la mal-vie de nos concitoyens. Mais comme j’ai l’habitude de vous le dire : les électeurs préfèrent toujours in fine l’originale à la copie.

Arrêtez de faire de la surenchère en matière de xénophobie pour récupérer les voix du FN.

Je vous le dis tout net : non, le présent texte ne prévoit pas que des résidents étrangers soient élus maires, ni adjoints au maire, ni être désignés grands électeurs pour élire les sénateurs.

Non, l’ouverture du droit de vote aux non communautaires ne va pas remettre en cause la souveraineté nationale de notre pays. C’est le gouvernement lui-même qui s’en charge mieux que quiconque lui qui est précisément en train de brader notre souveraineté nationale en se soumettant aux exigences de l’Allemagne, au niveau européen.

Il faut, de plus, cesser les amalgames douteux et dangereux opérés par la droite entre la religion et la nationalité comme on a pu l’entendre en commission par la voix de M. BAS ; amalgames qui visent essentiellement les hommes et les femmes de confession musulmane.

Enfin et pour conclure, je voudrais dire que chaque fois que le droit de vote a été élargi que ce soit lorsque le droit de vote censitaire a été supprimé, lorsque le droit de vote a été accordé aux femmes, lorsque l’âge requis pour pouvoir voter a été abaissé, lorsqu’a été accordé le droit de vote aux étrangers communautaires, c’est la démocratie qui s’en est trouvée renforcée.

La France, terre d’accueil, pays des droits de l’Homme, dont l’histoire reste marquée par la révolution française à la conception très ouverte de la citoyenneté, s’honorerait par conséquent d’inscrire dans sa Constitution que le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales est accordé aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France.

Pour toutes ces raisons, les sénatrices et les sénateurs du groupe CRC voteront la présente proposition de loi, ne serait-ce que pour une simple raison : rendre justice à toutes celles et ceux qui vivent ici, qui travaillent ici, qui ont à juste titre des devoirs, mais à qui on refuse l’accès à des droits fondamentaux.

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