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Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Chiens dangereux (deuxième lecture)

Par / 25 mars 2008

Madame la ministre, je suis d’accord avec vous : le projet de loi renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux aurait dû être débattu sans aucune polémique !

Cependant, force est de constater, comme je l’ai fait en première lecture, que ce texte est plus répressif qu’éducatif ou préventif.

J’en veux pour preuve l’article 8 bis, imposé par le Président de la République lors de la première lecture au Sénat, qui aggrave considérablement les sanctions pénales encourues par les propriétaires de chiens en cas d’atteintes involontaires à la vie et à l’intégrité de la personne.

Compte tenu du manque de moyens pour appliquer les mesures préventives, je pense qu’il ne restera finalement de votre texte que le volet répressif avec, notamment, cet article 8 bis, qui compte quatre pages - il convient de le souligner.

On ne retiendra de votre texte que l’aggravation des peines encourues, le juge unique, la remise à l’autorité administrative et le fichage de tous les propriétaires de chiens ! Quant à ses autres dispositions, elles n’auront servi qu’à habiller cette loi d’une prévention, qui restera toute théorique, pour mieux faire passer les mesures répressives.

Car, ne nous voilons pas la face, le volet préventif de votre projet de loi, à savoir l’attestation d’aptitude du propriétaire, l’évaluation comportementale du chien, ainsi que l’obligation introduite par l’Assemblée nationale d’obtention d’un permis de détention pour les propriétaires ou détenteurs de chiens de première et de deuxième catégories, se révélera très rapidement coûteux et complexe, donc difficilement applicable, inefficace, voire - plus grave encore ! - contre-productif.

Le dispositif que vous proposez est coûteux. En effet, la formation nécessaire à l’obtention d’une attestation d’aptitude et les visites chez le vétérinaire pour l’évaluation comportementale périodique, le tout à la charge du propriétaire, vont grever le budget des ménages, dont le pouvoir d’achat - faut-il vous le rappeler ? - est déjà fortement en baisse.

C’est un dispositif complexe. Il s’agit d’une véritable « usine à gaz », comme cela a été souligné à l’Assemblée nationale. Par exemple, la mise en oeuvre de la formation s’annonce difficile, voire incertaine, compte tenu du nombre de propriétaires visés par rapport au réseau susceptible de dispenser une telle formation.

Ce texte sera donc difficilement applicable, sauf bien sûr pour ce qui concerne son volet répressif, qui aura comme conséquences d’engorger les tribunaux, voire les prisons, et de multiplier les abandons d’animaux.

En termes de prévention de morsures, d’accidents graves ou mortels par attaque de chiens, votre texte sera inefficace et même contre-productif, ce qui, je le répète, est encore plus grave. Le remède risque en effet de se révéler pire que le mal. Je crains, par exemple, que l’obligation de formation ne marginalise in fine des propriétaires qui, faute de moyens, passeront dans la clandestinité, abandonneront leurs animaux ou les feront euthanasier.

S’agissant de l’obligation pour le propriétaire d’un chien ayant mordu de déclarer cette morsure au maire, je crains que l’on n’obtienne, là encore, l’effet inverse du but recherché et que, si elles ne sont pas mortelles et surviennent dans le cercle familial, les morsures soient passées sous silence à l’avenir.

Dès lors, vous pourrez vous targuer d’avoir réussi, grâce à votre loi, à faire baisser le nombre de morsures !

En outre, au-delà des propos de M. le rapporteur pour avis sur les chiens non « catégorisés », auxquels je souscris, j’ai tendance à penser que soumettre un chien qui a mordu à une évaluation comportementale ne relève pas de la prévention : c’est trop tard pour prévenir ; le chien en question a déjà mordu !

Finalement, ce texte restera marqué par la précipitation avec laquelle il aura été présenté et par les nombreuses lacunes qui découlent de cette impréparation. Vous avez mis « la charrue avant les boeufs » en présentant votre texte immédiatement après la survenue d’accidents horribles et surmédiatisés, sans avoir pris le temps de la réflexion.

Il aurait fallu commencer, par exemple, par prendre les décrets d’application de la loi de 1999, notamment en ce qui concerne la protection, la moralisation du commerce et les conditions de transport des animaux. Votre texte reste étrangement silencieux sur les élevages clandestins et les trafics d’animaux en provenance des pays de l’Europe de l’Est, dont on sait pourtant qu’ils favorisent le développement de l’agressivité chez les chiens par les mauvais traitements infligés : sevrage précoce et absence de socialisation, par exemple.

On estime à 100 000 le nombre de chiots importés plus ou moins légalement chaque année en France. Que prévoyez- vous, madame la ministre, pour renforcer le contrôle de l’importation en France de ces jeunes animaux alors que, dans le même temps, vous supprimez des postes de douaniers ?

Par ailleurs, nous continuons à débattre alors que les députés ont annoncé la création d’une mission d’information sur la filière canine. Allons-nous continuer à légiférer ainsi ? Ne gagnerions-nous pas en efficacité et en lisibilité en élaborant une loi d’ensemble sur la question des chiens dangereux, intégrant toutes les problématiques posées ?

Pourquoi se précipiter pour légiférer alors que, de toute façon, les mesures que vous proposez ne sont pas applicables immédiatement ? Certaines d’entre elles-mêmes n’entreront en vigueur qu’en 2009, voire en 2010, nous dit-on...

Allez-vous, madame la ministre, engager enfin une campagne de sensibilisation et d’information dans les médias afin, par exemple, de prévenir d’éventuels risques liés à la présence de chiens potentiellement dangereux dans les familles, dans les lieux publics, et de rappeler les obligations des propriétaires de chiens dangereux ?

Allez-vous, madame la ministre, débloquer des moyens en termes, notamment, d’équipes cynophiles suffisamment nombreuses, formées, compétentes, pour effectuer les contrôles préventifs indispensables à l’application effective des nouvelles obligations incombant, en particulier, aux propriétaires de chiens ou aux agents de surveillance ?

Allez-vous débloquer des moyens supplémentaires pour permettre aux maires, qui sont largement mis à contribution, de remplir toutes les nouvelles missions qui leur sont imposées par ce texte ? À toute mission supplémentaire, il faut une contrepartie financière de l’État.

De toute façon, je crains fort que ce texte ne fasse peser une très lourde responsabilité sur les maires et que leur responsabilité pénale ne soit engagée, dans certaines situations, en cas d’accident provoqué par un chien dans leur commune.

Alors que nous avons affaire à une question touchant l’ensemble de la société - l’on recense en France un peu plus de 8 millions de chiens et un chien dans un foyer sur trois -, le Gouvernement se décharge complètement du problème en la matière et fait peser sur les ménages et les collectivités territoriales le coût engendré par les mesures qu’il impose.

C’est une réforme qui ne vous coûte pas cher, puisque vous ne vous attaquez pas aux questions de fond : je pense notamment au démantèlement des trafics d’animaux, à la moralisation du commerce d’animaux et, bien sûr, aux moyens indispensables pour y parvenir.

Compte tenu de l’aggravation de ce texte depuis son dépôt sur le bureau du Sénat, j’ai présenté, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, quelques amendements tendant à supprimer les aspects les plus négatifs des dispositions qu’il contient.

Finalement, vous l’aurez compris, comme en première lecture et pour les mêmes raisons, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre ce texte.

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