Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Budget sécurité pour 2005

Par / 2 décembre 2004

Question d’Eliane Assassi sur la politique du gouvernement en matière d’éloignement des étrangers en situation irrégulière

Monsieur le ministre,

Je souhaite attirer votre attention sur la politique du Gouvernement en matière d’éloignement des étrangers en situation irrégulière.

A l’heure actuelle, un constat s’impose : les conditions de rétention administrative des étrangers en situation irrégulière avant leur éventuelle expulsion sont dégradantes et inhumaines.

Sur les vingt-cinq centres de rétention, dont vingt en métropole, les deux tiers ne sont pas aux normes. L’arrêté du 24 avril 2001, qui précise les conditions de vie minimales dans les centres de rétention, est loin d’être appliqué de manière uniforme dans tous les centres. Peu d’entre eux disposent de chambres distinctes pour les hommes, les femmes et les enfants, d’équipements sanitaires en bon état, ou encore de bonnes conditions de chauffage ou d’aération. En outre, les personnes retenues ne disposent pas toujours de la possibilité de bénéficier des espaces de détente pourtant prévus par les textes.

A cela s’ajoute, non pas une surpopulation des centres de rétention, mais une saturation des effectifs, qui est à la source de tensions entre les étrangers retenus et qui, de surcroît, rend leurs conditions de vie particulièrement pénibles.

J’oserai dire que, aujourd’hui, la rétention administrative s’apparente de plus en plus à de la détention. Il faut y voir une des conséquences de la politique répressive du Gouvernement en matière d’immigration : je pense évidemment à l’allongement du délai de rétention, puisque la loi Sarkozy prévoit que celui-ci peut aller jusqu’à trente-deux jours.

Je reviens sur le cas des enfants retenus en centre de rétention, le plus souvent avec leurs parents, au motif que l’intérêt supérieur de l’enfant exige que celui-ci ne soit pas séparé de ses parents. De ce fait, et en raison de l’inadaptation des locaux, les enfants se retrouvent mêlés sans distinction aux adultes, hommes ou femmes. Ils vivent le plus souvent dans un climat dangereux, ce qui ne correspond pas à la notion de sauvegarde de l’intérêt de l’enfant.

Les associations, essentiellement la CIMADE, seule habilitée à être présente dans les centres de rétention administrative, ainsi que la défenseure des enfants, Mme Claire Brisset, s’accordent pour dénoncer la présence d’enfants dans ces centres, mais aussi les mauvais traitements auxquels ils sont inévitablement soumis. Nous les avons reçues récemment : toutes sont inquiètes et demandent que soit effectivement respecté le principe d’interdiction du placement des mineurs en centres de rétention.

Pourtant, les mineurs placés dans ces centres sont de plus en plus nombreux, qu’ils accompagnent ou non leurs parents. Ce phénomène est pour ainsi dire en train de se banaliser. Pis, il arrive que des mesures d’éloignement soient prononcées alors que l’enfant est scolarisé.

Ces pratiques, outre qu’elles ne respectent pas la convention internationale des droits de l’enfant, sont intolérables et constituent une source de souffrance supplémentaire dont ces enfants n’ont pas besoin. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour remédier à cette situation ?

Les centres de rétention administrative ne sont malheureusement pas le seul objet de nos critiques. En effet, à côté des centres de rétention, il existe d’autres lieux de rétention au statut beaucoup plus opaque et qui sont les locaux de rétention administrative. Mais, à la différence de ce qu’il en est pour les centres de rétention, aucun texte ne précise les conditions matérielles d’existence des étrangers et d’exercice de leurs droits dans ces locaux de rétention administrative.

Ainsi, peu de locaux disposent de la totalité des équipements qui devraient y exister.

Par ailleurs, la présence d’un service médical et de la CIMADE n’est nullement obligatoire. En raison de l’augmentation prévue des mesures d’éloignement, ces locaux de rétention administrative, plus simples à organiser puisque qu’aucun texte ne vient en préciser les modalités de fonctionnement ne risquent-ils pas d’augmenter de manière inquiétante ?

Monsieur le ministre, ces interrogations et ces inquiétudes appellent des réponses immédiates. Il n’est pas possible à la fois d’augmenter de 60 % le nombre des reconduites à la frontière et de faire vivre les étrangers en attente d’expulsion dans de telles conditions.

Vous me répondrez que des moyens budgétaires sont prévus pour augmenter le nombre de places dans les centres de rétention, afin de passer de 845 places à plus de 1500. Nous en prenons acte, mais allez-vous continuer à y entasser sans distinction des adultes, des mineurs, des familles entières ?

Il faut également penser aux personnels chargés de la sécurité : quels moyens leur donne-t-on ? Les policiers qui assurent la garde sont le plus souvent très jeunes et manquent d’expérience pour accomplir cette mission délicate. Sont-ils suffisamment formés pour faire en sorte que la gestion d’un centre de rétention ne s’apparente pas à celle d’un établissement pénitentiaire ?

Tels sont, monsieur le ministre, les points sur lesquels je souhaitais attirer votre attention. Il est urgent que ce gouvernement respecte les droits fondamentaux dont tout étranger devrait pouvoir bénéficier, qu’il soit ou non en situation régulière. Quels sont aujourd’hui vos engagements en la matière ?

M. le président : La parole est à M. Dominique de Villepin, ministre :

Madame la sénatrice, quand on est confronté à des questions aussi difficiles que l’immigration irrégulière, il ne faut pas s’écarter de l’essentiel.

Qu’est-ce que l’immigration irrégulière ? C’est une menace dangereuse pour la société française. C’est une atteinte à nos principes républicains. C’est dire que nous ne pouvons pas rester sans réagir.

Un rapport récent de la Cour des comptes a souligné que, depuis trente ans, les politiques qui avaient été menées étaient toutes insuffisantes.
Dans ces conditions, que doit faire un gouvernement responsable ?

Il doit faire preuve de fermeté, et c’est exactement ce que je veux faire. Les mesures qu’il faut prendre éviteront beaucoup de malheurs, éviteront de faire le jeu de filières mafieuses, éviteront l’exploitation d’hommes, de femmes et d’enfants dans des conditions scandaleuses. Nous n’avons pas le droit de nous rendre complices d’un quelconque laxisme à cet égard.

La fermeté passe d’abord par la politique de reconduite aux frontières. Un chiffre a été rappelé tout à l’heure : 13 000 personnes pour les dix premiers mois de l’année. L’objectif est d’atteindre 20 000.

L’immense intérêt de cette politique de fermeté est de détourner les filières d’immigration irrégulière de notre territoire. C’est ainsi que nous adressons le juste signal !
Avec la fermeture du centre de Sangatte, nous avons divisé par vingt le nombre des candidats à l’immigration clandestine vers le Royaume-Uni et, aujourd’hui, la situation est beaucoup plus saine dans le pourtour de Calais.

De la même façon, vous évoquez la construction des centres de rétention administrative. Nous avons un devoir d’humanité, c’est vrai, et nous entendons l’assumer pleinement. C’est pourquoi je veux améliorer les conditions d’hébergement dans les centres de rétention administrative.

Les plus anciens et les plus inadaptés seront remplacés par des centres neufs, avec des conditions d’accueil dignes. Ce sera le cas avec la fermeture des centres de Versailles et de Nanterre en 2005 et l’ouverture de ceux de Plaisir et de Palaiseau. Ce sera aussi le cas à Marseille avec la fermeture du centre d’Arenc et l’ouverture d’un nouveau centre en 2006.

Sans attendre, j’ai également obtenu dans la loi de finances rectificative pour 2004 deux millions d’euros supplémentaires pour améliorer les conditions d’accueil dans les centres existants.

Enfin, j’ai donné des instructions précises à mes services pour qu’une attention particulière soit portée à l’entretien et à la maintenance des centres.

Nous pouvons d’ores et déjà constater une baisse de cette pression migratoire. J’ai pu l’observer en me rendant dans la zone d’attente de Roissy : alors qu’en 2003 nous avions, chaque jour, 540 personnes non admises en attente, nous en avons aujourd’hui moins de 80. Des progrès ont donc été réalisés. Dans ces locaux, travaillent au quotidien avec nos forces de sécurité, dans un esprit de respect mutuel, des organisations humanitaires telles que l’association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers, l’ANAFE, et la Croix rouge.

Cela montre que nous avons le souci de concilier fermeté et humanité. C’est la tradition française et c’est l’exigence du Gouvernement.

M. le président : La parole est à Mme Eliane Assassi :

Monsieur le ministre, je vous remercie de vos propos concernant notre devoir d’humanité, parce que c’est une exigence qui nous est commune.

Mon intention n’était pas de vous demander la construction d’établissements supplémentaires, même s’il devait s’agir de structures « 4 étoiles ».

Les centres de rétention ne sont que la partie visible de l’iceberg. Il s’agit de prendre acte d’une situation qu’il faudra bien un jour traiter sous un angle différent de celui du « tout-répressif ».

Sans tomber dans l’angélisme, je considère qu’en la matière une approche préventive, plus humaine et plus juste, serait mieux adaptée.

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Bio Express

Éliane Assassi

Sénatrice de Seine-Saint-Denis - Présidente du groupe CRCE
Membre de la commission des Lois
Elue le 26 septembre 2004
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