Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Au nom de quel principe républicain avoir ainsi accordé une représentation supplémentaire à une catégorie spécifique de citoyens ?

Assemblée des Français de l’étranger -

Par / 18 mars 2013

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nos compatriotes expatriés bénéficient de longue date d’une représentation politique qui leur permet de défendre leurs intérêts et de faire valoir leurs droits auprès des pouvoirs publics.

Le premier texte qui nous est soumis, et qui fait l’objet d’une discussion commune avec le second, ne soulève pas à mes yeux de problème majeur.

Il s’agit en effet d’une question de calendrier juridique, en prolongeant le mandat des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger afin de rendre possible la mise en œuvre de la réforme du mode de représentation que nous allons examiner.

La représentation des Français établis à l’étranger est ancienne puisqu’elle existe depuis les années cinquante. C’est pourtant une originalité démocratique de notre pays qui est méconnue de nos concitoyens sur le territoire national, mais aussi, bien souvent, de nos compatriotes résidant hors du territoire national eux-mêmes.

Il est donc compréhensible et logique que des modifications sur la façon dont cette représentation était organisée aient été rendues nécessaires par des évolutions de toutes sortes.

Mais la modernisation de ce système de représentation était aussi une revendication ancienne des deux principales associations d’expatriés. Elle a fait l’objet d’un avis rendu par la commission des lois de l’Assemblée des Français de l’étranger, elle faisait aussi partie des promesses de campagne de candidats à l’élection présidentielle.

C’est dire combien cette réforme était attendue.

En outre, l’une des dispositions de la révision constitutionnelle de 2008, qui a créé de nouveaux députés chargés de représenter spécifiquement nos compatriotes expatriés, a encore renforcé la nécessité d’une réforme. Elle a en effet modifié l’équilibre et la cohérence du dispositif qui existait précédemment en superposant différents niveaux de représentation.

Enfin, il fallait assurément remédier à un abstentionnisme très développé à des élections qui sont peu connues des personnes concernées et dont l’intérêt leur paraît encore faible.

Il est vrai que s’attaquer à cette question n’était pas chose aisée tant elle soulève de problèmes de principe et tant elle appelle de réponses techniques et juridiques d’une assez grande complexité. J’en veux pour preuve ce long texte de 37 articles.

Avant de vous donner l’appréciation de mon groupe, je voudrais brièvement revenir sur une question de fond évoquée en juillet 2008 lors des débats sur la modernisation de la vie publique.

En effet, je continue de m’interroger sur le bien-fondé d’avoir maintenant 11 députés : je ne suis toujours pas convaincue que cela ait vraiment fait avancer l’égalité républicaine. Lors des débats susmentionnés, notre groupe s’était d’ailleurs opposé à cette disposition.

Au nom de quel principe républicain avoir ainsi accordé une représentation supplémentaire à une catégorie spécifique de citoyens en leur réservant des députés ?

Comme tout citoyen français, les Français résidant hors du territoire national disposent du droit de vote aux élections législatives. Ils avaient donc déjà la faculté d’être représentés en tant que tels à l’Assemblée nationale, et non en leur seule qualité de Français résidant dans un pays étranger.

De plus, l’Assemblée nationale n’ayant pas souhaité augmenter le nombre de députés, cette mesure a, pourrait-on dire, mécaniquement supprimé un nombre équivalent de circonscriptions sur le territoire national.

Pourquoi avoir voulu, à ce prix, créer un nouveau niveau de représentation ? J’en suis persuadée, la démocratie n’y a pas vraiment gagné ; sinon, cela se saurait !

Quoi qu’il en soit, la loi est votée, et il fallait procéder aux adaptations nécessaires. Vos projets de loi, madame la ministre, tiennent compte de cette réalité, et découlent aussi directement de la réflexion engagée par le Gouvernement pour moderniser la vie publique.

Le projet de loi sur la représentation des Français établis hors de France y répond de façon souvent pertinente.

Presque tout le monde, en tout cas les deux principales associations représentatives, est d’accord pour constater que le fonctionnement de ce dispositif de représentation de nos compatriotes expatriés n’est ni satisfaisant ni efficace. Et il est vrai qu’en juin dernier l’élection de députés spécifiques aux Français de l’étranger a fait apparaître au grand jour les graves défauts et la faiblesse de leur représentation au niveau local.

Je reconnais que votre tâche était difficile, madame la ministre, car procéder à des redécoupages ou à des créations de circonscriptions est un exercice pour le moins périlleux. Un gouvernement, quel qu’il soit, est toujours suspecté par ses adversaires de vouloir se livrer à des opérations douteuses.

La Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique vous a pourtant pratiquement décerné, dans son rapport intitulé « Pour un renouveau démocratique », un satisfecit. Elle a en effet constaté que le découpage actuel des 52 circonscriptions de l’Assemblée des Français de l’étranger, l’AFE, provoquait d’importants écarts démographiques auxquels il fallait bien sûr remédier.

C’est ce qui a conduit à ce nouveau découpage, avec un poids démographique plus homogène de 1 conseiller à l’AFE pour environ 20 000 électeurs inscrits.

De là résulte la création des conseils consulaires. C’est une innovation majeure qui peut permettre de redonner du sens à une vie démocratique – nous y sommes, vous le savez, comme d’autres, très attachés – si difficile à animer parmi nos compatriotes expatriés. Ceux-ci se sentent souvent isolés et délaissés lorsqu’ils vivent dans un pays étranger.

L’élection de ces conseils au suffrage universel direct est un gage de rapprochement des électeurs avec leurs élus. Ce mode de scrutin peut en faire de véritables élus de terrain, directement responsables auprès d’électeurs, quand bien même ceux-ci seraient éloignés géographiquement.

Cette nouvelle catégorie d’élus a ainsi toute la légitimité démocratique pour qu’ils deviennent des interlocuteurs de poids auprès de nos représentations diplomatiques et de nos chefs de postes consulaires.

Les compétences de ces conseils seront aussi plus étendues que celles qui ont été confiées aux comités consulaires actuels.

Toutes ces dispositions vont dans le bon sens, et j’ajouterai que j’apprécie fortement que l’égalité entre les hommes et les femmes soit assurée, puisque les listes de candidats seront établies à parité.

Les mesures que vous proposez pour réformer l’Assemblée des Français de l’étranger sont également les bienvenues et participent d’une réelle volonté d’en améliorer le fonctionnement dans un sens plus démocratique. Je pense notamment au fait qu’elle puisse désormais élire son président, ou sa présidente, ce qui, concrètement, peut la dégager d’une certaine forme de tutelle du ministère des affaires étrangères.

Enfin, l’élargissement du collège électoral des sénateurs devenait impératif pour mettre fin à une curiosité française. Passer de 155 conseillers de l’AFE à 520 grands électeurs est une étape, non négligeable, sur la voie d’une plus grande représentativité de chacun de nos douze sénatrices et sénateurs.

Certes, quelques points, comme le vote par remise en mains propres à l’ambassadeur ou au chef de poste consulaire, la dématérialisation de l’envoi de la propagande électorale ou bien encore la création du vote par anticipation, mériteraient, à mon avis, de faire l’objet d’un meilleur encadrement. On peut raisonnablement présager que le décret en Conseil d’État pris dans ce domaine y veillera.

Au total, votre texte, madame la ministre, comprend de nombreuses mesures qui, je le répète, vont dans le sens d’une représentation améliorée et plus démocratique de nos compatriotes expatriés. Je vous ferai néanmoins un léger reproche, celui d’être parfois restée au milieu du gué alors que vous auriez pu proposer des dispositions plus ambitieuses.

C’est pourquoi les travaux de notre commission des lois, et je veux ici saluer l’excellent rapport et les amendements de notre collègue Jean-Yves Leconte, ont permis d’apporter quelques améliorations substantielles.

La principale d’entre elles est la modification du mode de scrutin des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger. Elle consiste à mettre en place un mode de scrutin direct : les conseillers seront élus au suffrage universel direct et à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne pour les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages au niveau de la circonscription.

Vous le savez, c’est une disposition à laquelle nous sommes particulièrement attachés – nous l’avons évoquée récemment lors de la discussion d’un autre texte –, car elle conditionne grandement le pluralisme d’expression des diverses sensibilités politiques.

D’autres dispositions ont permis d’améliorer ce texte, de façon plus ou moins importante.

Ainsi, le nombre minimal de candidats pour les circonscriptions d’élection des conseillers consulaires qui doivent élire des délégués consulaires est augmenté. Cela contribue à donner une assise plus large au collège électoral : c’est donc un nouveau point positif.

Le droit à la formation pour les élus, élément qui manquait dans votre projet de loi, madame la ministre, est dorénavant explicitement prévu. C’est une mesure nécessaire pour apporter aux élus des compétences, qui leur permettront de mieux défendre les intérêts de leurs électeurs auprès des services des ambassades et des consulats.

La fixation de la durée du mandat des conseillers consulaires et des conseillers à l’AFE à six ans, ainsi que la concomitance de leur renouvellement avec celui des conseils municipaux sur le territoire national, donnera plus d’audience et de lisibilité à ce type d’élections.

Bien que rien ne soit jamais parfait, je regrette pourtant que le Gouvernement n’ait pas été plus ambitieux dans sa volonté de réforme en la matière.

Je persiste notamment à déplorer que, malgré un élargissement certain, le collège électoral des sénateurs représentant nos compatriotes établis à l’étranger reste aussi limité.

Pour un peu plus de 1,6 million d’électeurs inscrits, avec seulement 520 grands électeurs pour 12 sénateurs, admettez, madame la ministre, que l’on reste là dans un « entre-soi » de bon aloi, qui soulève quelques problèmes de représentation démocratique.

On pourrait même penser qu’il s’agit d’une véritable « maladie sénatoriale » puisque cela nous renvoie à des discussions très récentes que nous avons eues sur une question existentielle pour le Sénat, celle de la représentation des territoires ou des populations. Mes collègues qui ont participé à ces débats voient certainement de quoi je veux parler.

À cet égard, la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique avait aussi pris l’exemple des prochaines élections sénatoriales, en septembre 2014 : chacun des six sièges soumis à renouvellement au titre des sénateurs représentant les Français établis hors de France sera pourvu par à peine 28 grands électeurs ! Il n’y a pas de meilleure façon de montrer que cela pose un problème, non pas de légitimité des élus, bien sûr, mais d’équité et d’exigence démocratique à l’égard de nos concitoyens.

Certes, je le répète, la question est complexe à résoudre. Nonobstant le risque de modifier les équilibres entre les différents niveaux de représentation des Français de l’étranger, je considère que la multiplication par deux, ou même par trois – soyons gourmands ! –, du nombre de conseillers à l’AFE permettrait d’améliorer la représentation démocratique.

Madame la ministre, ce texte a été amélioré par les travaux de notre commission et permettra de moderniser substantiellement notre vie démocratique. C’est pourquoi, sauf si nos débats devaient bousculer ces avancées, ce que je ne souhaite pas, le groupe CRC le votera.

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