Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Une majorité qui organise le coup d’État de la finance contre le social et contre la démocratie

Orientation des finances publiques et règlement du budget 2017 -

12 juillet 2018

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, le budget et les comptes, ce sont des chiffres. (Exclamations.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est bien vrai !

M. Philippe Dallier. Nous sommes d’accord !

M. Pascal Savoldelli. En voici un : 20,32.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Qui dit mieux ? (Sourires.)

M. Pascal Savoldelli. Ce chiffre n’est pas celui du déficit de la sécurité sociale, ni celui du déficit de l’État. Il s’agit seulement de la moyenne obtenue, lors des épreuves du baccalauréat, par une jeune fille de dix-huit ans, scolarisée en Polynésie, et qui, par la grâce de Parcoursup, se retrouve aujourd’hui sur liste d’attente dans un lycée métropolitain pour intégrer une classe préparatoire de mathématiques, faute de proposition en concordance avec ses attentes. (Protestations sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. Julien Bargeton. C’est démagogique !

M. Gérald Darmanin, ministre. Et c’est totalement faux !

M. Julien Bargeton. Fake news !

M. Pascal Savoldelli. Tout cela résume la politique menée depuis un an par votre gouvernement.

M. Gérald Darmanin, ministre. N’importe quoi !

M. Julien Bargeton. Quel rapport avec le débat ?

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, chers collègues, vous empiétez sur mon temps de parole ! Si vous ne me laissez pas parler, j’aiguiserai le propos... (Exclamations.)

M. Julien Bargeton. Vous aiguiserez le couteau ? (Sourires.)

M. Gérald Darmanin, ministre. Le couteau entre les dents !

M. Philippe Dallier. Comme au bon vieux temps !

M. le président. Un peu de calme, mes chers collègues. Veuillez poursuivre, monsieur Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Ce projet de loi inamendable, nous en convenons tous, traduit le bilan d’une année de transition entre une majorité libérale qui s’est éloignée du social et une majorité qui organise le coup d’État de la finance contre le social et contre la démocratie. Il nous faut bien en dresser le bilan.

Coup de tabac sur le prix de l’essence et du gaz, désencadrement des loyers, explosion de la précarité au travail avec le développement des plateformes et les effets conjugués des lois El Khomri et des ordonnances Pénicaud. Ainsi, 29 % des contrats de travail signés depuis le début de l’année sont des contrats d’un jour, monsieur le ministre – un seul jour !

Pour faire bonne mesure, les prix recommencent à augmenter, pendant que l’on gèle le point d’indice, que l’on bride la progression du SMIC, que l’on maintient la rémunération du livret A sous l’évolution de l’indice des prix, que l’on compresse la dépense publique, que l’on diminue les APL et que l’on ponctionne les retraités avec la CSG !

M. Julien Bargeton. Mais quel est le rapport ?

M. Pascal Savoldelli. N’allons pas chercher ailleurs les motifs de l’insatisfaction relative de l’opinion publique devant la politique menée…

Si l’on considère le rapport de la Cour des comptes ou que l’on se souvient des déclarations du gouverneur de la Banque de France, on comprend vite qu’il ne suffira pas d’habiller ce capitalisme de vertus populaires pour qu’il porte enfin les remèdes opératoires nécessaires à sortir la France de l’ornière de la crise.

On nous dit que les déficits ne baisseraient pas assez vite, mais est-il seulement venu à l’idée des brillants experts en politique économique et budgétaire que ce sont précisément les recettes qu’ils appliquent qui repoussent sans cesse le moment où nous retrouverons l’équilibre ?

Vous avez voulu alléger les cotisations sociales sur les bas salaires ? Fort bien, l’objectif est atteint ! Nous dépensons plus ou moins 30 milliards d’euros par an à entretenir ce que j’appelle le « tiers secteur » de la population active, ces millions de salariés à temps partiel, journaliers et autres, qui seront bientôt dépossédés de droits syndicaux, de droit à la formation et à la promotion sociale. Et nous avons dépensé, depuis 2012, quelque 60 milliards d’euros de CICE pour restaurer les marges des entreprises – objectif atteint, je vous rassure –, mais sans relance de l’investissement ni création massive d’emplois, sinon d’emplois précaires.

Il est temps de dire « stop », d’autant que la Banque de France nous indique que la dette privée, notamment celle des ménages, s’accroît, et ce malgré la faiblesse des taux d’intérêt : 140 % du PIB, monsieur le ministre, ce qui est très inquiétant.

Qu’avons-nous à faire de l’équilibre des comptes sociaux si celui-ci se fait sur les déserts médicaux, sur l’encombrement aux urgences, sur la mise en question des prestations familiales ou sur le gel des retraites et sur la hausse des prix ? Quand cessera ce procès instruit à l’encontre de la sécurité sociale, accusée d’être une charge pour la société, alors qu’elle constitue, au contraire, l’un des atouts du redressement économique et social du pays ?

Il est temps de mettre de côté le traité budgétaire et la loi de programmation des finances publiques ; il est temps de stopper cette confusion que l’on entend régulièrement, y compris ici, entre économie et financiarisation ; il est urgent de remettre au cœur du débat la question de la croissance et de son contenu, question très bien illustrée dans le document. Selon nous, la croissance n’a pas de sens lorsque sa visée se réduit à gonfler les actifs du CAC 40 ; elle a en revanche du sens quand elle fait de l’emploi sa priorité.

Non pas l’emploi déqualifié, maintenu sous perfusion par injection d’argent public à fonds perdu depuis trente ans, au grand bonheur des détenteurs de dette publique et de chefs d’entreprise à courte vue, non, l’emploi qualifié, reconnu par une véritable qualification et un salaire à la hauteur des besoins du temps !

Nous avons, mes chers collègues, 6 millions de salariés dans le halo du chômage et de la précarité, ayant une vie en pointillé, faite de difficultés quotidiennes, et nous avons entre 800 000 et 900 000 jeunes partis pour l’étranger pour travailler, faute de trouver en France l’emploi qu’ils méritent au regard de leur formation initiale.

Ce sont l’absence totale d’audace d’une partie du patronat, l’innovation réduite au minimum et la recherche chiche qui sont à la base de cette situation, dont l’économie française souffre. Ajoutez à cela un secteur bancaire qui, bien que solide du point de vue systémique, continue, depuis sa privatisation, à rechercher les investissements à retour rapide, et nous avons les vecteurs de la crise en cours et des catastrophes à venir.

Il est temps que la puissance publique prenne la main dans cette affaire, ne serait-ce que pour donner une impulsion à l’activité. Les taux d’intérêt demeurent faibles ; mais qu’attend la France pour négocier, au plus haut niveau européen, les enveloppes financières nécessaires à la mise en œuvre de projets fondamentaux pour l’aménagement du territoire de notre pays comme de celui de l’Europe de demain ?

Qu’attend la France pour relancer l’investissement ? Nous avons examiné les comptes de 2017. Êtes-vous fiers du résultat ? Le niveau de notre pays est exceptionnellement médiocre ; monsieur le ministre, si vos chiffres sont sincères. On parle de 3 % du PIB ! C’est ça un haut niveau d’investissement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. En 2017, je n’étais pas là…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Pascal Savoldelli. Pour ce qui concerne l’investissement mis à mal des collectivités, la mise en cause de leurs ressources et de leur autofinancement, je vous fais une suggestion, monsieur le ministre : prenez l’engagement clair et définitif, au nom du Gouvernement, de consentir un dégrèvement total au titre de la suppression de la taxe d’habitation. Ce serait un message de confiance envoyé par le Gouvernement à l’ensemble des collectivités territoriales.

Nous avons mieux à faire avec l’encours du livret A que de le mobiliser sur les marchés financiers à financer des start-up ou autres shut-up à durée de vie limitée à trois ans, avant cession ou fusion.

Je termine en répétant qu’il faut apporter une réponse aux besoins collectifs. Je vous le dis, nous trouverons des terrains d’accord à partir du moment où nous déciderons de remettre du droit commun partout dans la société.

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