Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Un lien détestable entre identité nationale et immigration

Loi de finances pour 2010 : immigration, asile et intégration -

Par / 27 novembre 2009

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » connaît cette année une hausse importante, de 12 % pour les autorisations d’engagement, créditées de 568,8 millions d’euros, et de 9,7 % en crédits de paiement pour atteindre 560,4 millions d’euros, ce qui indique bien votre volonté de continuer cette politique que nous dénonçons.

Monsieur le ministre, cette hausse est à mettre en relation avec votre offensive sur le terrain sécuritaire et idéologique, qui fait un lien détestable entre sécurité et immigration et entre identité nationale et immigration.

À ce sujet, comment pouvez-vous accepter que certains vomissent des logorrhées de propos racistes sur le site internet que vous avez créé pour, dites-vous, lancer ce débat ?

Comment pourrait-il en être autrement quand on prend connaissance de certaines questions de votre formulaire, telle celle-ci : « Comment éviter l’arrivée sur notre territoire d’étrangers en situation irrégulière, aux conditions de vie précaires, génératrices de désordres divers […] et entretenant, dans une partie de la population, des suspicions vis-à-vis de l’ensemble des étrangers ? » Question étrange, qui condense, me semble-t-il, tous les poncifs du discours xénophobe.

Ces pratiques sont proprement scandaleuses, et je vous demande d’intervenir pour qu’elles cessent. Je rappelle que le racisme est un crime.

Au-delà, vous espérez, avec ces amalgames, masquer l’échec de la politique gouvernementale face à la crise économique que nous traversons et flatter un électorat frontiste à l’aube d’une échéance électorale.

Je m’attarderai à présent sur les crédits du programme 303 « Immigration et asile », qui bénéficient d’une hausse de 12,5 %, laquelle illustre votre politique agressive de lutte contre l’immigration.

Ces crédits se montent à 104,4 millions d’euros, soit une augmentation de 29,2 % par rapport à 2009.

Or la CIMADE estime, dans son rapport annuel, à 533 millions d’euros le coût des expulsions en France. Ce document est très sérieux, puisqu’il s’appuie sur un rapport d’information de la commission des finances du Sénat et sur une étude de la Cour des comptes sur la gestion des centres de rétention administrative.

Il s’agit donc là de moyens disproportionnés pour atteindre un objectif scandaleux, qui ne produit même pas les résultats escomptés, car seule une mesure d’éloignement forcée sur cinq est réellement appliquée.

Le manque d’effectivité de vos mesures d’expulsion vient essentiellement de la décision du juge des libertés et de la détention, qui refuse souvent de prolonger la rétention. Cela démontre bien les atteintes aux droits que porte votre politique, ce que rappelle parfaitement la CIMADE, qui estime qu’elle « entraîne nécessairement une réduction des droits des étrangers et des atteintes graves aux droits fondamentaux de la personne humaine ».

J’en profite d’ailleurs pour condamner la situation déplorable des personnes qui sont parquées dans les centres de rétention administrative, alors même qu’elles n’ont commis aucun crime. Il faut aussi en finir avec ces pratiques !

Dans le même temps, le nombre de places dans les centres d’accueil des demandeurs d’asile, les CADA, est très insuffisant, et ce ne sont pas les mille places en passe d’être créées qui régleront le problème. Or une place dans les CADA permet d’accélérer l’obtention de l’asile. Mais cette situation semble vous satisfaire, puisque le maintien d’un nombre réduit de places ralentit le processus.

Les CADA ont une capacité d’accueil d’environ 21 000 places, alors même que le nombre des demandeurs d’asile dépasse le double. Il y a là un décalage dramatique.

On peut d’ailleurs signaler que vous estimez vous-même à 45 500 le nombre de demandeurs d’asile, chiffre qui est largement sous-estimé, comme l’indique M. le rapporteur spécial.

La hausse de 10 % des crédits alloués à l’accueil des demandeurs d’asile est donc bien trop faible pour pouvoir répondre au flux des demandes. De facto, cette faible capacité d’accueil des personnes qui ne trouvent pas à se loger conduit à la création de véritables villages de migrants en attente d’une décision – et je ne reviens pas sur ce qui s’est passé à Calais ! Ce faisant, vous avez déplacé le problème en « dégageant » – il n’y a pas d’autre terme – des hommes et des femmes qui ont quitté leurs pays, souvent meurtris par les guerres ou la misère, et dont le seul crime est d’avoir cru que la France était vraiment une terre d’asile respectueuse des droits de l’homme.

Créer mille places en CADA relève donc de l’affichage ; certes nécessaires, elles sont cependant largement insuffisantes. Il aurait été plus judicieux de concentrer les efforts sur le traitement des dossiers, dont les délais ne cessent de s’allonger.

Cela réduirait les dépenses relatives aux frais d’hébergement et au versement de l’allocation temporaire d’attente, l’ATA, et, surtout, cela contribuerait à ne pas laisser trop longtemps les personnes dans l’incertitude.

On peut d’ailleurs signaler que l’ATA, qui voit ses crédits passer de 30 millions à 53 millions d’euros, soit une hausse de 76,7 %, est le résultat de la sous-budgétisation manifeste de l’année dernière.

Monsieur le ministre, vous estimez que « le gain d’un mois de délai peut permettre d’économiser environ 8 millions d’euros sur le budget de l’État ». L’augmentation des crédits doit donc contribuer à l’amélioration des délais d’instruction des demandes d’asiles.

Actuellement, le délai de traitement d’un dossier est de cent vingt jours, ce qui est évidemment bien trop long, quand on pense aux personnes dont la vie est suspendue à cette décision.

Dans le même ordre d’idées, on pourrait penser que la subvention à l’OFPRA, qui passe de 29 à 32 millions d’euros, soit une hausse de 10,3 %, est une bonne chose. Mais force est de constater qu’elle sera très insuffisante pour faire face à la hausse du nombre de dossiers à traiter, d’autant que cette augmentation ne concerne pas le personnel.

Vous ne pouvez pas demander aux personnels de l’OPFRA d’assurer au mieux leurs missions alors que l’on constate une hausse importante et continue des demandes d’asile, hausse qui, selon les premiers éléments disponibles pour l’année 2009, atteint 16,5 %.

Cette hausse a d’ailleurs des effets sur l’augmentation des saisines de la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, qui voit, de ce fait, ses délais d’instruction augmenter. Or, comme le souligne M. le rapporteur spécial, les délais de traitement des demandes d’asiles sont « l’un des principaux facteurs de coût pour la mission ».

Il est donc urgent de prévoir l’augmentation du nombre de salariés à l’OFPRA, ce qui ferait baisser, d’une part, les délais et, d’autre part, les crédits alloués à l’ATA, car il y a un lien évident entre les deux.

On constate donc que les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » n’améliorent pas le moins du monde la mission d’intégration, mais se consacrent plus sûrement à renforcer le côté répressif de la mission, qui tend donc à l’exclusion. En cela, votre politique du chiffre en matière d’expulsions est emblématique.

On consacre bien plus de moyens à interpeller, à détenir et à expulser qu’à accueillir et à intégrer.

Vous n’écoutez personne, ni les associations ni les organisations qui s’alarment du contenu et du coût de votre politique.

Votre budget incarne une politique du chiffre, de chasse aux enfants, aux familles et aux jeunes. Il n’est pas surprenant que mon groupe s’oppose à un budget qui ne vise ni plus ni moins qu’à développer une politique niant les droits de l’homme.

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