Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Projet de loi de finances pour 2009 : sécurité

Par / 2 décembre 2008

Madame la ministre, à l’occasion de l’examen de votre budget, je voudrais, à mon tour, faire une observation préalable sur la méthode employée. Vous demandez aux parlementaires de se prononcer sur vos crédits pour 2009, lesquels correspondent en fait à la première année d’exécution d’une loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure qu’ils n’ont même pas examinée !

Il y a donc de quoi s’interroger, surtout au moment où l’on nous ressasse que les droits du Parlement ont été renforcés grâce à la réforme constitutionnelle. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

Le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale appelle d’ailleurs les mêmes remarques. Alors que celui-ci n’a toujours pas été examiné par le Parlement, on nous demande tout de même de voter les crédits relatifs à l’organisation du rattachement organique et fonctionnel de la gendarmerie nationale à votre ministère.

Les gendarmes, auxquels je tiens à rendre hommage, sont eux-mêmes inquiets de cette réforme, dont le report de l’entrée en vigueur risque d’ailleurs de gêner, pendant plusieurs mois, la gestion quotidienne des gendarmeries.

Pour ma part, je m’interroge sur les raisons profondes d’un tel rattachement, car je ne vois rien qui le justifie, si ce n’est, bien évidemment, la volonté de réduire la dépense publique.

La présente mission « Sécurité » est, une fois de plus, la traduction budgétaire, pour l’année 2009, de la politique très sécuritaire que vous menez depuis 2002, avec des moyens en nette diminution. Elle illustre aussi, me semble-t-il, les choix imposés par la RGPP.

C’est ainsi que, d’ici à 2011, il est prévu de supprimer 7 000 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, soit 4 000 policiers et 3 000 gendarmes.

C’est à se demander si la LOPPSI 2, dont la lecture du rapport pour avis de M. Courtois nous apprend qu’elle s’exécutera à moyens constants, voire en baisse, ne va pas défaire le peu qu’avait fait la version initiale.

Quel peut-être, dans ces conditions, l’avenir des brigades de gendarmerie ?

En outre, les effectifs des forces mobiles vont, eux aussi, diminuer.

Madame la ministre, dans la perspective de pallier toutes ces baisses d’effectifs chez les forces de l’ordre, prévoyez-vous de généraliser ce qu’il faut bien appeler - même si le terme n’est pas heureux - la « dénonciation anonyme » ? Nous en avons déjà un exemple concret dans le département de l’Isère, puisque l’on trouve sur le site internet de la préfecture une rubrique intitulée « Comment aider les forces de l’ordre ? »

Pour compenser ces baisses d’effectifs, vous prévoyez des réorganisations, en fait des redéploiements, sur le principe des vases communicants, qui ne pourront pourtant pas tout régler.

D’un côté, vous avez supprimé la police de proximité, les ADS - les adjoints de sécurité - et un certain nombre de postes de gardiens de la paix ; de l’autre, vous créez les UTeQ et les compagnies de sécurisation, qui plus est sur les mêmes territoires : comment tout cela va-t-il s’articuler ? Quelle visibilité pour la population ?

Au-delà des seules données budgétaires, j’ai la faiblesse de penser qu’on ne peut pas évoquer le thème de l’insécurité sans aborder la situation économique.

À cet égard, l’ensemble du projet de loi de finances pour 2009, en ne profitant qu’à une seule frange de la population, celle qui, paradoxalement, en a le moins besoin, tout en ignorant la plus grande partie des Français, est lui-même source d’insécurité. Parmi les nombreux exemples, je citerai le désengagement de l’État en faveur de la rénovation urbaine, la suppression des RASED, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, le projet de suppression de l’école maternelle, votre politique du logement, la suppression de très nombreux postes dans la fonction publique, celle des services publics de proximité et du lien social qui y est attaché.

Croyez-vous que c’est avec ce genre de décision que vous allez améliorer la vie de nos concitoyens et leur permettre de vivre en toute sécurité et sérénité ?

Depuis les annonces faites en 2005 à la suite des émeutes, que s’est-il passé ? Rien ! Rien n’a en effet changé dans les quartiers dits « sensibles », à tel point que l’on peut se demander où est passé le plan Banlieue, pourtant si peu ambitieux !

La situation des populations écartées des centres urbains n’a guère évolué, que ce soit en matière de sécurité, d’éducation ou de transports. La précarité, le chômage, la misère, la crise du logement, la violence, le développement de l’économie parallèle qui gangrène des quartiers entiers : tout est là !

La question fondamentale est, bien sûr, celle des moyens et de l’utilisation de l’argent public.

On nous parle de restriction budgétaire, d’économie, de maîtrise des dépenses publiques, comme si la France, qui vient de débloquer des milliards d’euros en faveur des banques et du monde de la finance, était un pays pauvre.

Le problème, ce n’est pas que l’argent manque, c’est qu’il est très mal utilisé : les cadeaux fiscaux faits aux personnes les plus fortunées de France représentent autant de recettes en moins pour l’État. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

Il est grand temps d’utiliser les deniers publics de façon plus efficiente et plus équitable, afin qu’ils profitent à l’ensemble de la population, ce qui est loin, je le répète, d’être le cas.

Plutôt que d’investir dans des domaines qui coûtent très cher, mais dont l’efficacité reste à prouver, comme la vidéosurveillance, la biométrie, les fichiers, les scanners corporels, les Taser, mieux vaudrait investir dans l’éducation, l’emploi, la formation, l’habitat social, les services publics, l’accompagnement social, le financement des associations ou, encore, le déploiement d’une police de proximité, par le biais des UTeQ.

Bien sûr, il s’agit d’une politique de longue haleine, beaucoup moins spectaculaire et moins médiatique que les descentes de police filmées au petit matin dans les campagnes françaises.

La situation nécessite ainsi de mobiliser tous les secteurs de l’État, lequel doit jouer un rôle régulateur. Il est indispensable de débloquer des moyens considérables pour engager des actions dans la continuité. C’est non pas de moins d’État que nous avons besoin, mais bien au contraire de plus d’État !

Madame la ministre, tant que votre politique restera dénuée de toute réflexion de fond quant aux causes de la délinquance, à son indispensable traitement social et à sa nécessaire prévention, elle demeurera inefficace.

On le sait, la délinquance urbaine, juvénile, prend racine dans les difficultés sociales et économiques des Français. Quand l’écart se creuse, quand on constate, d’un côté, la dégradation des conditions de vie d’une partie de la population, et, de l’autre, l’explosion des richesses, la délinquance a tendance à augmenter.

Dire cela ne signifie ni excuser ni faire preuve de laxisme : il s’agit simplement de réfléchir, d’expliquer, de comprendre, pour mieux répondre à une situation donnée.

En effet, la réponse ne peut pas résider seulement dans l’allongement des peines d’emprisonnement, dans l’abaissement de l’âge pénal à douze ans, dans la construction de prisons et d’établissements supplémentaires pour mineurs, ces lieux d’enfermement dont on voit malheureusement, jour après jour, avec la multiplication des suicides, les effets détestables. Il s’agit là d’un raisonnement simpliste - pour ne pas dire populiste ! -, assurément réducteur et inévitablement dangereux, que nous ne pouvons suivre.

Or vos orientations budgétaires continuent de privilégier, d’une part, la culture du chiffre, du résultat, et, d’autre part, la répression et l’enfermement, au détriment de la prévention de la délinquance. Alors que les prisons n’ont jamais été aussi surpeuplées, le Gouvernement se targue tout de même d’être à l’origine de la baisse de la délinquance générale pour la sixième année consécutive.

Surveiller, punir et enfermer, tel est votre credo. À cette conception sécuritaire, il convient d’opposer la mise en œuvre du triptyque « prévention-dissuasion-répression ».

La lutte contre le terrorisme et la délinquance vous permet d’imposer votre projet de société : celui d’une surveillance et d’un contrôle généralisés de la population. Depuis le 11 septembre 2001, de très nombreuses mesures législatives ont effectivement été adoptées, toutes plus liberticides les unes que les autres. La dernière tentative en date a été la mise en place du fameux fichier EDVIGE, supprimé grâce à la très forte mobilisation de la société civile.

Avant de conclure, je tiens à dire ma totale opposition à l’usage par les forces de l’ordre des pistolets à impulsion électrique Taser X26, dont l’utilisation a récemment été étendue aux 17 000 policiers municipaux, alors même que le Comité contre la torture de l’ONU estime que la douleur aiguë provoquée par ces armes constitue une « forme de torture ».

À la lumière de ces observations, vous comprendrez que les sénateurs du groupe CRC-SPG ne votent pas les crédits de cette mission.

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Bio Express

Éliane Assassi

Sénatrice de Seine-Saint-Denis - Présidente du groupe CRCE
Membre de la commission des Lois
Elue le 26 septembre 2004
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