Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Projet de loi de finances pour 2009 : immigration, asile et intégration

Par / 4 décembre 2008

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans quelques jours, la présidence française de l’Union européenne s’achèvera. Elle aura été marquée par l’adoption du pacte européen sur l’immigration et l’asile, caractérisé par le fameux concept d’immigration choisie qui vous est si cher.

Ainsi, les vingt-sept pays européens se sont prononcés en faveur d’une législation sur le renvoi des migrants, le renforcement des contrôles aux frontières, la sélection de travailleurs hautement qualifiés, les régularisations en fonction des exigences du marché du travail, l’interdiction des régularisations collectives. La politique européenne de l’immigration oscille ainsi entre instrumentalisation du codéveloppement et répression.

La semaine dernière, lors de la deuxième conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement, l’Europe a confirmé sa vision des migrations, essentiellement axée sur la sélection. La conférence a abouti à l’adoption d’un programme de coopération triennal visant à encadrer la migration légale, à contrecarrer l’immigration illégale et à organiser le développement solidaire.

De la même façon, monsieur le ministre, les accords de gestion concertée des flux migratoires que vous faites signer aux pays africains d’émigration vous permettent de faire pression sur eux. Vous leur promettez des possibilités de migration légale qui restent limitées et une aide au développement, en échange de quoi vous demandez aux pays de départ et de transit de contrôler les flux migratoires et de faciliter la réadmission des personnes expulsées par la France. Bref, vous leur demandez d’être les gendarmes de l’Europe !

Sans doute espérez-vous réaliser de substantielles économies en sous-traitant de la sorte la gestion des flux migratoires ?

Des accords ont ainsi été signés avec plusieurs pays de l’Afrique subsaharienne, à l’exception du Mali. Pourtant chacun sait que, pour l’essentiel, les migrations se font davantage du Sud vers le Sud plutôt que du Sud vers l’Europe. Par exemple, 70 % des migrations au départ du Mali ont pour destination le Ghana, le Niger ou la Gambie...

Nous savons aussi que la proportion d’étrangers présents sur le sol européen reste faible : 5,1 % de la population totale. Nous sommes bien loin de l’invasion que vous semblez craindre !

Vous persistez cependant, monsieur le ministre, à vouloir interdire le mouvement des personnes, alors que vous prônez la mondialisation et la libre circulation des capitaux et des marchandises. Pourtant, les migrants envoient dans leurs pays d’origine des sommes bien supérieures à celles qui sont prévues au budget de l’aide publique au développement ! Ils participent ainsi au développement sur place des villages et à des projets locaux, et font vivre les membres de leur famille restés au pays.

L’immigration choisie passe également par le projet de « carte bleue européenne » dont l’adoption finale a été différée au 8 décembre. Ce permis de travail destiné aux immigrés hautement qualifiés va avoir - quoi que vous en disiez - de graves incidences en termes de fuite des cerveaux. Les candidats à ce permis devront en effet justifier d’un contrat de travail prévoyant un salaire minimum correspondant à au moins 1,5 fois le salaire brut moyen du pays, soit, pour la France, l’équivalent d’un salaire brut mensuel de 3 850 euros.

Ces fuites de matière grise caractérisent l’émigration du Sud vers le Nord et entraînent pour les pays d’origine un manque de personnels de santé et de techniciens ainsi qu’une perte de revenu national faute de rentrées d’impôt.

L’Europe se fait de plus en plus forteresse ; certains parlent même de « bunkérisation ». Pourtant, il ne faut pas oublier que l’Europe va, dans un avenir proche, devoir faire face au vieillissement de sa population. Ses besoins en main-d’œuvre vont aller croissant avec le départ à la retraite des enfants du baby-boom, qui va s’étaler sur la période 2015-2030 avec un pic en 2018.

Monsieur le ministre, votre budget, ce sont aussi les centres de rétention, qui coûtent très cher, en fonctionnement comme en investissement.

Plutôt que de mettre de l’argent dans la construction de nouvelles places dans les centres de rétention administrative, les CRA, je pense qu’il serait utile d’investir dans d’autres domaines, d’autant que les centres de grande capacité comme ceux de Vincennes ou les deux centres de 120 places chacun que vous envisagez de construire au Mesnil-Amelot, en plus du centre actuel de 140 places, ne peuvent qu’engendrer des tensions et poser de graves problèmes, comme cela s’est déjà produit à plusieurs reprises. Il convient, par conséquent, de limiter la capacité de ces centres, comme l’a d’ailleurs recommandé M. Delarue lui-même.

Par ailleurs, bien qu’en théorie les mineurs étrangers ne puissent faire l’objet ni d’un arrêté d’expulsion, ni d’une mesure de reconduite à la frontière, encore moins, par conséquent, d’un placement en rétention, il s’avère qu’en pratique cette règle n’est guère appliquée.

Nous n’avons aucune idée du nombre de mineurs qui sont placés chaque année en rétention en France métropolitaine, ni dans quelles conditions ils y sont maintenus. Monsieur le ministre, la transparence s’impose en la matière.

La situation dans les locaux de rétention administrative, les LRA, ne doit pas échapper à notre vigilance même si la durée de rétention y est réduite par rapport à celle qui prévaut dans les centres de détention, les CRA.

S’agissant des droits des personnes retenues et de la présence de la CIMADE, je voudrais dire que nous ne sommes pas opposés - la CIMADE non plus, d’ailleurs - à ce que d’autres associations soient présentes dans ces lieux, à condition toutefois qu’elles soient compétentes en matière juridique, car l’exercice effectif de leurs droits par les étrangers est indispensable et seules les associations disposant de personnel formé et expérimenté doivent pouvoir se porter candidates à l’appel d’offres.

M. Brice Hortefeux, ministre. Bien sûr !

Mme Éliane Assassi. C’est une matière très importante tant la législation relative aux droits des étrangers, sans cesse modifiée, est complexe. Je veux parler notamment des délais à respecter, des différents recours possibles à la suite de décisions toujours importantes prises à l’encontre des étrangers, autant de sujets qu’il ne faut pas négliger. Il ne s’agit donc pas uniquement d’apporter une aide humanitaire, certes indispensable, mais qui ne saurait à elle seule suffire.

En tout état de cause, je reste vigilante quant à la future organisation de l’aide juridique aux étrangers.

Quant aux objectifs en termes d’expulsions effectives du territoire, nous en sommes arrivés à 30 000 pour 2009.

M. Brice Hortefeux, ministre. Mais non !

Mme Éliane Assassi. Je vous l’accorde, on ne sait toujours pas d’où viennent ces chiffres ni sur quelle base ils ont été déterminés.

Il faut noter que les retours volontaires représentent un peu plus du tiers du total des éloignements du territoire. En comptabilisant ces retours volontaires, qui sont dus en grande majorité au dispositif d’aide au retour humanitaire et qui concernent des communautaires, Roumains et Bulgares en particulier, vous faussez la donne et, au passage, ces « expulsions déguisées » vous coûtent moins cher.

Le nombre des expulsions brandi comme un record vous sert à manipuler l’opinion publique pour lui laisser croire que le Gouvernement obtient ici des résultats qu’il ne peut obtenir dans les domaines économique et social.

Le rapporteur de la commission des lois du Sénat va jusqu’à émettre comme piste de réflexion la possibilité de renvoyer les parents en situation irrégulière dont les enfants sont scolarisés en leur proposant une aide au retour volontaire, qui revient moins cher et est plus commode qu’un retour forcé, lequel mobilise bien évidemment la société civile et peut échouer !

On nous dit que le coût d’une expulsion du territoire s’est élevé en 2008 à 2 800 euros. Vous envisagez de ramener ce coût moyen aux alentours de 2 450 euros dès 2009. C’est déjà beaucoup, mais cela reste très en deçà de la réalité, car d’autres ministères sont impliqués.

Il serait temps, par conséquent, que les parlementaires connaissent le coût moyen complet d’une reconduite à la frontière. Car un autre chiffre est avancé par la commission des finances - c’est écrit dans son rapport - celui de 20 970 euros par personne reconduite. On est donc bien loin des 42 millions d’euros - 39 millions pour les frais de billetterie et 3 millions pour la location d’avions - inscrits dans votre budget.

Compte tenu du caractère exorbitant de ce coût, j’estime qu’il faut la transparence en la matière. Allons-nous un jour connaître le coût exact d’une expulsion du territoire tous frais compris ?

Pour conclure d’un mot, car le temps va me manquer, j’évoquerai le droit d’asile.

Je veux souligner le fait que, malgré vos lois restrictives en matière d’accès au droit d’asile et bien que vous considériez l’asile comme un simple flux migratoire, les demandes d’asile sont tout de même en hausse sur l’année 2008. C’est dire que la situation dans le monde ne s’est guère améliorée. C’est dire aussi que nous devons être en dessous de la réalité en ce qui concerne le nombre réel de demandeurs d’asile puisque tous n’ont pas accès à l’asile. C’est dire enfin combien vos prévisions de l’an passé, qui se fondaient sur une hypothèse de diminution du nombre des demandes d’asile en raison de vos réformes restrictives, étaient erronées.

À la lumière de ces observations, les sénateurs du groupe CRC-SPG voteront contre les crédits de la présente mission.

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