Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Ce traité Merkozy se fonde sur le même credo libéral que les précédents

Ratification du TSCG -

Par / 10 octobre 2012

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, « Ce qui est important, c’est la souveraineté de la République face aux marchés et à la mondialisation. »

Ces propos, je pourrais les faire miens, mais ils ont été prononcés par François Hollande, au Bourget, le 22 janvier 2012. Ils ont suscité un grand espoir dans le pays parce que, enfin, il pouvait être mis un terme aux années de servilité du pouvoir de droite à l’égard du monde de la finance, servilité hissée au rang d’étroite complicité sous l’égide de Nicolas Sarkozy.

Souveraineté du peuple, souveraineté de la République, pour résister aux coups de boutoir d’un libéralisme sans cesse plus audacieux, c’est là l’une des clés de la résistance.

Ce traité, que beaucoup appellent « le traité Merkozy », se fonde sur un credo purement libéral qui imprègne le projet européen depuis l’Acte unique en 1986, suivi, en 1992, du traité de Maastricht, celui de la concurrence libre et non faussée.

Cette doctrine libérale est au cœur de ce pacte budgétaire qui vise à mettre sous tutelle les États signataires pour sauvegarder la domination de l’Europe par le pouvoir financier.

Depuis le mois de juillet, après le difficile sommet européen des 28 et 29 juin, qui a vu le renoncement du Président de la République à la renégociation du traité, nous avons assisté à une campagne de banalisation visant à persuader notre peuple que ce traité dont la modification était pourtant une priorité pour mettre en œuvre une politique de gauche, n’était, finalement, qu’un « petit pacte entre amis » aux conséquences minimes.

À Mme Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, par exemple, il semble utile de rappeler « que ce traité n’est pas une innovation. Il s’inscrit dans la filiation des textes précédents qui, depuis le traité de Maastricht, ont posé les règles fondamentales de l’Union économique et monétaire, car, on l’oublie trop souvent, il existe depuis vingt ans des règles d’or de la monnaie unique. »

La filiation de Maastricht, c’est, faut-il le rappeler, 115 millions de personnes menacées de pauvreté, plus de vingt-cinq millions de chômeurs et, pour des pays comme la Grèce et l’Italie, une jeunesse privée d’emploi, la remise en cause générale des services publics.

Faut-il être fier de cette filiation qui aboutit à une désindustrialisation massive, non du fait de la seule concurrence mondiale, mais surtout de l’injection de l’argent dans les circuits financiers plutôt que dans le développement économique ?

Fondamentalement, ce pacte budgétaire s’inscrit, au final, dans cette filiation libérale : ce sont les peuples qui doivent payer l’addition de la crise.

Ce sont eux qui sont appelés à subir le remboursement de la dette que les banques ont largement participé à amplifier par la spéculation. Elles bénéficient, de fait, et c’est un comble, de remboursements à marche forcée de l’argent qu’elles ont prêté le plus souvent à prix d’or !

Ce traité, donc, n’apporterait rien de neuf. De la banalisation à l’illusion, il y avait un chemin que M. Ayrault a parcouru à l’Assemblée nationale le 2 octobre dernier : « Le traité ne comporte aucune contrainte quant au niveau de la dépense publique. Il n’impose pas davantage de contraintes quant à la répartition. Il ne dicte en rien la méthode à employer pour rééquilibrer les comptes publics. La souveraineté budgétaire restera au Parlement et à la République française. » Ces propos, il nous les a confirmés en début d’après-midi.

Devant tant d’ « innocence », pourquoi aurait-il renégocié ce traité ?

Monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission des finances, ce traité porte deux raisons lourdes et fondamentales qui méritent qu’on le rejette.

M. Jean Desessard. Ah !

Mme Éliane Assassi. Premièrement, ce traité répond à la crise par l’austérité. C’est, une nouvelle fois, la réduction des dépenses publiques qui est érigée comme seul outil vertueux pour redresser l’économie.

Les fonctionnaires, la protection sociale et les services publics sont aussi désignés, une nouvelle fois, comme responsables de tous les maux de l’Europe.

Ce texte, je vous l’accorde, adopte pour beaucoup la logique déjà inscrite dans le traité de Lisbonne, lequel reprenait quasi intégralement les termes du Traité constitutionnel européen que beaucoup ici ont pourtant combattu, contribuant, avec des milliers et des milliers de citoyens, à la victoire du « non » en 2005.

Mais le traité qui nous occupe se distingue de ses prédécesseurs sur un point essentiel` : la mise en place d’un dispositif contraignant au caractère automatique.

Jusqu’à ce jour, c’est le Conseil européen qui débattait de la mise en place de telle ou telle mesure à l’encontre d’un État. Avec toutes ses limites, ce dispositif laissait un espace, fût-il minime, à la négociation politique entre États.

L’instauration des dispositifs contraignants, qu’ils soient maximalistes, avec l’inscription de la règle d’or dans la Constitution, ou minimalistes avec, par exemple, le choix d’une loi organique comme en France, n’en demeure pas moins limpide : les États signataires ne pourront s’échapper du cadre budgétaire fixé par des institutions non élues, comme la Commission européenne ou la Banque centrale européenne. Ils seront exposés à des procédures déclenchées devant la Cour de justice de l’Union européenne, les peuples et les parlements se trouvant ainsi coincés entre institutions technocratiques et juges.

« Dispositions contraignantes et permanentes », « mécanismes de correction », le vocabulaire ne peut tromper ! Il s’agit bien d’une mise sous tutelle dont l’objectif, clairement établi, est d’imposer le choix de l’austérité budgétaire, toute autre hypothèse de résolution de la crise étant évacuée. Ce n’est pas l’alibi du pacte de croissance, que tout examen sérieux réduit à la portion congrue, qui contredira cette dernière affirmation.

La lecture du projet de loi organique, débattu à l’Assemblée nationale avant même que le Sénat ait statué sur le traité qui en est la source…

M. Guy Fischer. Ce n’est pas normal, cela !

Mme Éliane Assassi. … ce qui révèle, vous l’avouerez, une prise en compte toute relative des débats sénatoriaux,…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Oui, il faut en parler !

Mme Éliane Assassi.…. cette lecture, donc, confirme pleinement la visée « austéritaire » de l’accord passé entre Mme Merkel et M. Sarkozy.

Ce sont, selon le projet de loi organique, l’ensemble des administrations publiques qui seront soumises à la « règle d’or », et pas seulement les administrations de l’État, mais aussi les collectivités territoriales, si je lis bien l’article 3 du projet de loi organique, qui cite « les dépenses de régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, ainsi que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble de ces régimes ».

M. Guy Fischer. Cela présage de beaux jours !

Mme Éliane Assassi. Un Haut Conseil des finances publiques est mis en place pour examiner les projets de budgets et de financement, donner un avis favorable, ou défavorable, et mettre en place, si nécessaire, des mécanismes de correction.

Il s’agit, ni plus ni moins, de la stricte application du traité, et je ne peux comprendre que certains puissent critiquer le caractère autoritaire du traité - au point de rejeter le projet de loi autorisant sa ratification -, mais s’apprêtent à voter la loi organique qui en est la pure émanation !

M. Guy Fischer. Très bien !

Mme Éliane Assassi. Je reviens aux collectivités territoriales. Il s’agit, selon nous, d’un point méconnu, et pour cause, mais très important du traité budgétaire.

Les collectivités locales sont aussi mises sous tutelle. Elles sont maintenant directement visées par l’austérité, au risque de mettre en péril ces sources d’investissement si importantes pour l’économie nationale.

M. Philippe Bas. C’est vrai !

M. Guy Fischer. Quand même !

Mme Éliane Assassi. Les collectivités locales, bien souvent perçues, cela a été dit lors des états généraux de la démocratie territoriale, comme le dernier refuge du service public, devront donc se soumettre et rendre des comptes.

Monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le Conseil constitutionnel, qui a validé sans sourciller la constitutionnalité du pacte budgétaire, a-t-il oublié le principe de libre administration des collectivités territoriales posé par l’article 72 de la Constitution ?

De toute évidence, la mise sous tutelle des communes, départements, régions et structures intercommunales, vient heurter de plein fouet ce principe et le contredit.

Cette fuite en avant libérale que le traité représente, s’appuie ainsi sur une attente démocratique essentielle, et c’est la deuxième raison de notre opposition à ce texte.

Le marché, pour imposer sa loi, n’a d’autre moyen que de restreindre l’expression démocratique. Le Mécanisme européen de solidarité, que de nombreux parlementaires de la majorité sénatoriale avaient refusé de voter, et le traité budgétaire ont un objectif avoué : sauver le système bancaire, le pérenniser sans s’attaquer le moins du monde à son organisation et à ses objectifs spéculatifs et de pur profit, alors que c’est ce système-là qui est à la source du désordre actuel !

Comment, dans un système démocratique digne de ce nom, peut-on accepter longtemps que les banques s’enrichissent toujours et toujours de la dette dont elles créent elles-mêmes les conditions de l’amplification ?

Oui, il ne faut pas oublier, il ne faut rien oublier, comme l’a dit un orateur cet après-midi. Mais, dans ce cas, il ne faut vraiment rien oublier ! Et je rappelle que ce sont les opérations obscures de la banque américaine Goldman Sachs qui ont grandement participé à plonger la Grèce dans la situation actuelle.

Faut-il rappeler aussi que d’anciens dirigeants de Goldman Sachs, comme MM. Draghi, Monti ou Papademos, sont actuellement aux manettes de l’économie européenne ? Ont-ils renoncé à servir leurs anciens mentors ? Y croyez-vous un seul instant, monsieur le ministre délégué ? Y croyez-vous un seul instant, mes chers collègues ?

L’abandon de souveraineté – un véritable processus de démantèlement démocratique ! – est en cours en Europe, et il franchit aujourd’hui une étape nouvelle.

Oui, je le dis ici, le Conseil constitutionnel, en estimant, le 9 août dernier, que le traité n’était pas contraire à notre Constitution, a pris, une nouvelle fois, une décision politique dénuée de fondements juridiques.

Au prix d’un raisonnement tortueux,…

M. Guy Fischer. Discutable !

Mme Éliane Assassi. … il a réussi à faire admettre que dessaisir le peuple et ses représentants de son pouvoir budgétaire était conforme à l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui posa, en rupture avec l’autocratie d’alors, le principe du contrôle des finances du pays par le peuple, et lui seul.

Ce que ces textes tentent de finaliser aujourd’hui, c’est une autocratie d’une forme nouvelle, celle des marchés, organisée par des institutions non élues !

Ce dessaisissement démocratique confine à la caricature lorsque l’on cherche à nous vendre l’idée d’une supervision des banques sans insister sur qui supervisera la BCE et M. Draghi, qui sont l’une comme l’autre aux mains des marchés financiers.

Les mécanismes coercitifs, leur automaticité, le contrôle des budgets nationaux, comme des finances sociales et locales, en interne par le Haut Conseil et en externe par la Commission européenne, constituent des atteintes insupportables au pouvoir du peuple.

Changer cette Europe-là, quand le fossé démocratique devient un abîme, était l’objectif de la majorité des Français qui avaient voté « non » en 2005 et dont le vote a été volé par l’adoption, au terme d’un processus strictement parlementaire, du traité de Lisbonne.

Changer cette Europe-là était, nous a-t-il semblé, l’objectif du nouveau Président de la République. Le changement peut-il avoir lieu maintenant en France si rien ne change en Europe, si l’on confie des outils de domination renforcée aux forces libérales qui dirigent l’Europe aujourd’hui ?

Le Président de la République n’a pas voulu, ou n’a pas pu, renégocier le traité. Soit ! Qu’il s’en remette donc au peuple qui lui a exprimé le 6 mai dernier une volonté de changement et de rupture avec les choix libéraux de Nicolas Sarkozy.

Monsieur le ministre délégué, j’ai pris connaissance des propos que vous avez tenus sur le référendum que, par ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à demander. Je ne peux souscrire à vos arguments car, si beaucoup s’accordent ici pour défendre une nécessaire démocratisation de l’Union européenne, comment faire adopter un tel traité sans débat public et sans consultation des citoyens ?

J’ai proposé de soumettre au Sénat une motion référendaire pour que le Parlement décide de proposer au chef de l’État de saisir le peuple. Le règlement du Sénat exige que cette motion réunisse trente signatures. Tel n’est pas le cas aujourd’hui, ce dont, visiblement, vous vous réjouissez.

« Moi, je ne veux plus de cette Europe obscure, de cette Europe honteuse. Je veux une Europe au grand jour. Une Europe sincère et populaire. Une Europe dont on soit fiers. C’est à force de dissimuler l’Europe, de la rendre incompréhensible qu’on a fini par en détourner notre peuple ». Ces mots forts étaient ceux de M. Ayrault défendant, le 6 février 2008 à l’Assemblée nationale, une motion référendaire pour exiger la consultation des Français sur le traité de Lisbonne !

Il est encore temps de réparer le déni démocratique de 2008 en consultant aujourd’hui notre peuple sur le choix de l’austérité préconisée par le traité budgétaire.

Les sénateurs et sénatrices du groupe CRC, avec le Front de gauche, ne renoncent pas à ce combat qu’ils mènent avec cohérence – c’est le moins que l’on puisse dire ! –, celui d’une Europe sociale, solidaire, en rupture avec l’oligarchie financière qui s’impose traité après traité.

Ils voteront donc, et je ne vous surprendrai pas, contre la ratification de ce traité de soumission à l’ordre libéral.

Le changement, en Europe comme en France, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous y croyons, nous n’y renonçons pas, et ce avec dynamisme et combativité !

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