Aménagement du territoire et développement durable

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Vers une balkanisation du service public ferroviaire

Ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs (question préalable) -

Par / 28 mars 2018
Vers une balkanisation du service public ferroviairee
par [Groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste->https://www.youtube.com/channel/UCGMy4lcU26bYb4ZFHYMZQZw]
https://youtu.be/fUTKezLWCJU
Vers une balkanisation du service public ferroviaire

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, quelques jours après la première grande manifestation à Paris pour la défense du service public, nous engageons, avec l’examen de cette proposition de loi, la première étape parlementaire de la réforme ferroviaire.

Je le dis d’emblée, les sénatrices et sénateurs de mon groupe soutiennent tous les agents du service public, qui œuvrent chaque jour, et même chaque nuit, pour que notre droit à la mobilité soit garanti. Ces agents exigent, avec dignité, le respect du dialogue social et la préservation de leur outil de travail. Nous serons donc à leurs côtés dans toutes les actions collectives qu’ils décideront de mener pour s’opposer à la casse du service public ferroviaire.

Venons-en à cette proposition de loi.

Le Gouvernement, qui fait peu de cas des institutions démocratiques, dont le Parlement, a fait le choix de passer son « nouveau pacte ferroviaire » par ordonnances et dans la précipitation. Pour répondre à cette provocation, la conférence des présidents du Sénat a fait le choix d’inscrire à notre ordre du jour, en urgence également, la présente proposition de loi, pour qu’elle devienne le support législatif de ce nouveau pacte ferroviaire. Nous sommes tous d’accord ici pour dire que le ferroviaire est un sujet trop structurant pour nos territoires pour le laisser à la seule discrétion du pouvoir exécutif. La représentation nationale doit pouvoir exercer ses prérogatives.

Cette posture gouvernementale se double d’une certaine idée du dialogue social, cette méthode étant utilisée comme un moyen de faire pression sur les partenaires sociaux. Le chantage est le suivant : soit vous êtes raisonnables et l’on transforme progressivement les ordonnances en dispositions législatives ordinaires, soit vous vous obstinez, et tout vous échappera.

Nous partageons donc pleinement la volonté du Sénat de signifier au Gouvernement notre refus de légiférer par ordonnances sur un tel sujet, notre refus de voir le dialogue social si malmené. Nous exprimons aussi l’idée qu’il faut donner le temps nécessaire au travail législatif. Cependant, sur ce point, nous sommes un peu gênés : même si nous comprenons l’urgence d’une réponse rapide du Sénat, celle-ci conduit dans les faits à malmener les droits des parlementaires. La proposition de loi ayant été inscrite à l’ordre du jour voilà deux semaines, il est impensable de demander aux parlementaires, a fortiori à ceux des petits groupes, un travail législatif rigoureux dans des délais si contraints. Ces délais contraints se conjuguent en outre avec un déficit d’information. Sur un tel sujet, il nous semble indispensable de disposer d’une étude d’impact et de l’avis du Conseil d’État. Or nous n’avons eu connaissance de l’avis du Conseil d’État que lundi, et nous attendons toujours l’étude d’impact.

Nous nous trouvons donc dans une situation où nous partageons le message envoyé au Gouvernement, tout en ne partageant pas le message envoyé aux sénatrices et sénateurs appelés à adopter cette proposition de loi comme un élément de contestation, mais sans avoir à se prononcer sur son contenu. Or, sur le fond, nous nous trouvons face à une variation sur un même thème, celui du quatrième paquet ferroviaire, qui entérine l’ouverture à la concurrence des transports de voyageurs, lignes à grande vitesse comme trains régionaux.

Les sénateurs du groupe CRCE sont radicalement opposés à cette démarche qui condamne le service public ferroviaire. En effet, il est illusoire de penser que l’on peut marier une politique d’aménagement du territoire avec la libéralisation du rail, qui conduit à des politiques de court terme, centrées sur la rentabilité de l’offre. Nous y opposons l’intérêt général, la réponse aux besoins exprimés en termes d’aménagement du territoire, de droit à la mobilité ou de transition environnementale. Nous considérons ainsi – c’est ce qui motive cette motion – que cette proposition de loi ne doit pas être le support de la réforme ferroviaire.

En premier lieu, nous estimons que les directives européennes sont faites pour être révisées si elles ne répondent pas à leur postulat de départ, en l’occurrence une amélioration du service. Nous estimons ainsi que la France, forte de son expérience en matière d’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire, laquelle s’est traduite par un recul du rail au profit de la route, une rétraction du réseau – et même son abandon parfois – ainsi que la fermeture de triages, devrait pouvoir demander la renégociation de l’ensemble des paquets ferroviaires.

En deuxième lieu, les expériences étrangères nous démontrent que cette voie n’est pas souhaitable pour les usagers. En effet, les tarifs explosent, comme on le voit en Grande-Bretagne, sans compter les aspects de sécurité ferroviaire, celle-ci étant bien plus difficile à obtenir avec la multiplication des opérateurs.

Par ailleurs, la proposition de loi comporte des éléments particulièrement inquiétants, qui vont plus loin que les exigences du quatrième paquet ferroviaire. Tout d’abord, elle anticipe les dates d’ouverture à la concurrence des transports conventionnés. Ensuite, le droit européen est muet sur le régime de propriété des entreprises qui assument un service public.

Il n’est donc aucunement exigé par le droit européen que Gares & Connexions change de statut. C’est une décision purement idéologique, partagée d’ailleurs par le Gouvernement, qui souhaite changer le statut de l’ensemble de l’entreprise publique. Pour notre part, nous sommes opposés à tout changement de statut. Nous considérons que la forme publique est la plus adaptée à l’exercice du service public. En l’occurrence, les gares sont des structures d’aménagement du territoire qui ne doivent appartenir qu’à la puissance publique, sous une forme garantissant cette pleine maîtrise publique.

Il s’agit enfin d’une transposition particulièrement défavorable au service public, puisque les exceptions d’ouverture à la concurrence ouvertes par le règlement OSP sont directement refermées par cette proposition de loi, qui interdit de les utiliser pour maintenir en certains lieux le monopole de la SNCF. Nous nous trouvons, là aussi, dans une posture idéologique. Même le projet gouvernemental est plus souple, en retardant l’ouverture en Île-de-France du fait de la densité des réseaux. Nous pensons, pour notre part, que ces exceptions pourraient être invoquées pour l’ensemble des régions.

Concernant les modalités d’ouverture à la concurrence, j’entends l’argument selon lequel la proposition de loi vise à définir des lots de ligne et qu’une telle démarche assurerait mieux l’aménagement du territoire pour l’offre à grande vitesse. Certes, c’est mieux que l’open access prévu par le Gouvernement, mais nous restons dubitatifs. Pouvez-vous réellement nous assurer que, malgré ce redécoupage, certaines lignes ne seront pas purement et simplement abandonnées ? De plus, quelles que soient les modalités choisies, c’est bien la cohérence globale de l’offre de transport qui perd du sens et de la pertinence. Avec un service qui sera à géométrie variable en fonction de la région habitée, des territoires entiers regarderont passer les trains…

Cette ouverture à la concurrence sous toutes ses formes ouvre donc bien la voie à la balkanisation du service public ferroviaire et de la SNCF, une posture fortement accidentogène qui va perturber la cohérence du système ferroviaire.

Concernant le statut des cheminots, l’attaque est moins frontale que celle du rapport Spinetta, mais elle est pernicieuse. Le transfert des salariés aux autres entreprises ferroviaires n’est pas encadré. Aucune obligation préalable n’incombe à la SNCF en matière de reclassement. Une sorte de portabilité des droits est mise en place, mais comment la garantir sur le long terme par des entreprises privées ? La possibilité de licencier un cheminot qui refuserait son transfert est incompatible avec le statut des cheminots, qui garantit la continuité du service public, et donc de l’emploi.

Au final, il existe plusieurs points communs entre toutes ces propositions, projets de loi et rapports. Deux constantes peuvent être relevées : l’ouverture à la concurrence et l’idée qu’il faut en finir avec toute notion publique dans les transports ferroviaires.

Nous nous inscrivons en faux contre cette vision qui se place d’un strict point de vue organisationnel, structurel et financier. Nous considérons que, pour faire une réforme efficace, il convient d’abord de prendre en compte les besoins. Or les usagers n’ont pas besoin d’avoir le choix, ils ont besoin d’avoir des trains qui fonctionnent, qui soient ponctuels, en nombre suffisant et en tous points du territoire. Pour cela, il faut s’atteler aux véritables maux qui affectent le service public ferroviaire : le sous-financement chronique des infrastructures, la charge de la dette, qui obère les capacités d’investissement, l’abandon de certaines dessertes ou de certaines activités sur des critères comptables, ou encore l’avantage concurrentiel de la route.

Aujourd’hui, il nous semble important de soutenir le service public ferroviaire, en trouvant de nouvelles sources de financement, en retrouvant une politique de massification et de développement de l’offre et en supprimant les avantages pour la route, notamment par le retour d’une écotaxe poids lourds.

Il nous semble nécessaire de s’intéresser aux politiques d’aménagement pour éviter de créer toujours de nouveaux besoins de mobilité par l’étalement urbain et de réfléchir à de nouvelles complémentarités entre les différents modes de transport.

Il convient de renforcer les péréquations au lieu d’organiser la balkanisation des opérateurs et des territoires. La régionalisation, renforcée par ce projet de loi, est une impasse, y compris pour les régions elles-mêmes, qui se trouvent lestées d’une charge trop lourde et souffrent du renoncement à une politique ferroviaire de dimension nationale, laquelle ne peut se limiter à l’offre grande vitesse et aux rescapés des trains d’équilibre du territoire.

Il s’agit aussi, en soutenant le service public ferroviaire, de promouvoir la transition environnementale et de se doter des outils permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour respecter les engagements de l’accord de Paris. Autant de problématiques absentes de cette proposition de loi ! Voilà les raisons qui nous ont conduits à déposer cette motion.

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